jeudi 9 septembre 2010

J'ai peur

Dîné, hier soir, avec, entre autres convives, une jeune femme originaire de mon village - la quarantaine, belle, intelligente. Nous nous accrochons sur un point : elle approuve bruyamment Mr Sarkozy d'avoir pris ses mesures de reconduite des Roms aux frontières. Moi, fidèle à la position de l'Eglise (de France, en particulier), et fidèle à ma propre conviction, je désapprouve aussi bruyamment : il en va, dis-je, des droits de l'homme, et puis je dénonce ce paradoxe constant chez les gens de droite, en France, toujours d'un côté à se dire plus catholiques que le pape, et indésireux d'un autre de pratiquer vraiment l'Evangile et sa Tradition d'accueil, d'intégration, d'écoute.
Au retour, faisant le point, la peur me gagne.
Où allons-nous?
Si même des gens généreux (comme cette jeune femme) n'ont plus de scrupule à dire leurs sentiments racistes, et de rejet de l'autre, où allons-nous?
Si une communauté linguistique ne voit, comme politique, que la gestion de ses propres avantages sans souci aucun de ceux d'une autre communauté qui vit depuis près de deux cents ans avec elle, où allons-nous? Et ils oseraient se dire chrétiens, ceux qui pensent et votent ainsi?
Où allons-nous?
Je vais vous dire où nous allons, et pourquoi j'ai peur : à cultiver des égoïsmes, lorsque je relis la saga monstrueuse du nazisme naissant (mais l'exercice est possible à toutes les époques, contentons-nous du XXème siècle), tous les ingrédients sont là pour une exclusion massive de l'autre, un rejet, une stigmatisation de sa race, de sa langue, de son économie, de ses pratiques, de sa religion, etc. Nous savons où cela conduisit l'Europe et le monde au creux douloureux du XXème siècle.
Alors, oui, j'ai peur!

1 commentaire:

  1. Bien que ...,
    je lis ce blog avec sympathie, bien décidé à n'en pas troubler la sérénité... : je suis parfois tenté par l'agacement, jamais par la colère...
    Encore une fois,
    bien que ...,
    je voudrais dire combien j'adhère à ce qui est dit dans le post d'aujourd'hui...
    Pour ce qui concerne les problèmes communautaires évoqués de manière sous-jacente - mais je suppose que tout le monde a compris - je voudrais ajouter ce qui suit. Car moi aussi, j'ai peur, pour les raisons de rejet invoquées, mais aussi à cause du masochisme inhérant aux positions exprimées par beaucoup : je suis convaincu que la division entre communautés est loin d'être aussi tranchée qu'on veut nous le faire croire et qu'en voulant se séparer on provoque une véritable automutilation notamment au niveau culturel.
    Automutilation qui peut aussi annoncer, accompagner et provoquer ce que je crains moi aussi.
    Voici :
    ON VEUT DONC ME DEPECER...
    Et on ne dépèce que par intérêt d'argent. (Gilles SERVAT).
    Si je me tends vers ce que je sais de mes ancêtres proches, je vois - ou plutôt j'imagine - des paysans qui s'arrachent de la flandre profonde (terroir autour de Gand) pour émigrer de part et d'autre de la frontière belgo-française (Lille-Tourcoing-Mouscron) pour louer leurs bras et négocier leur sueur dans les usines textiles.
    Grands-parents paternels : belges, flamands.
    Grands-parents maternels : français, unilingues flamands.
    Et puis la vie passe, le mouvement migratoire se poursuit et j'aboutis - après avoir quitté la flandre wallonne devenue entre temps wallonie picarde - à l'autre bout... plutôt centré sur Bruxelles.
    En ondertussen heb ik mijn moedertaal verloren.
    Ou plutôt - et c'est pour moi une énigme - c'est par l'intermédiaire de ma mère, française de naissance ? et qui récupère la nationalité belge par mariage, qui n'avait pourtant même pas terminé ses études primaires, que j'ai perdu en moi cette langue qu'elle n'a jamais prétendu parler.
    Je me souviens de ces conversations familiales : tout le monde s'exprimant en flamand et elle répondant en français et vice versa (comme disent les latins pour tout arranger ou être la cause de tout)..
    Puis il y eut le rouleau compresseur de l'école : et me voilà francophone...
    Je dirai ailleurs les sentiments tout aussi ambigus que j'éprouve en moi vis-à-vis d'une éventuelle identité wallonne...
    Mais je la sens encore, la langue flamande, qui bouillonne dans les tréfonds de mon être, et j'éprouve que je pourrais entrer en éruption notamment lorsque je contemple les oeuvres de certains peintres et sculpteurs contemporains (Dirk De Keyzer)...
    Mais c'est la dernière génération qui est capable de ressentir cela...
    Pour ceux qui pourraient suivre, le détachement est accompli : le flamand a définitivement pourri en eux...
    Tout ça pour vous dire que la partition éventuelle, je la ressens comme un déchirement intérieur...
    http://loeilsec.blogspot.com/2010/09/on-veut-donc-me-depecer.html

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