mercredi 27 avril 2011

Joies de l'Octave

Pour la liturgie, Pâques est un jour de fête qui dure huit jours : une "octave". Toute une semaine pour accueillir dans nos vies la Bonne Nouvelle de la Résurrection, accompagnés par les récits évangéliques des apparitions du Ressuscité : aux femmes, à la Madeleine, aux disciples d'Emmaüs, aux apôtres, etc... Et toujours ce même scénario : Jésus apparaît - on ne le reconnaît pas -il fait un signe - alors on le reconnaît, mais lui disparaît, et on s'en va porter la nouvelle. Scénario important, constitutif sans aucun doute de notre foi pascale : nous-mêmes, en effet, ne bénéficions plus d'apparitions du Ressuscité, mais les signes qui permirent aux premiers témoins de le reconnaître nous sont toujours donnés dans l'Eglise. Les sacrements sont-ils autre chose, par exemple?
Au retour d'un bref séjour parisien, qui m'a permis entre autres de faire l'onction des malades à un vieil ami écrivain, je peux aussi partager ici la joie que j'ai éprouvée à rencontrer, comme j'avais espéré pouvoir le faire (je l'avais écrit ici même), le jeune auteur Alexandre Bergamini. Son récent essai Sang maudit m'avait beaucoup touché : cet homme a passé plus de vingt ans avec le Sida, et il est évidemment en révolte contre toutes les institutions qui, selon lui, ont contribué à propager plus qu'à freiner la maladie (l'Eglise, on s'en doute, n'est pas épargnée..., mais avant elle, les responsables publics de la Médecine française et certains médecins hyper-prescripteurs d'aujourd'hui). Outre le caractère émouvant du récit, ce sont ses échappées spirituelles qui m'intéressent, et nous avons pu en parler longuement ensemble lundi soir. La maladie a permis à Alexandre d'atteindre à une intériorité "habitée", elle lui a ouvert le compagnonnage de certains mystiques, des révoltés comme lui, que seule la prière apaise : ainsi s'est-il fait un ami de saint Jean de la Croix et de la Petite Thérèse. Il médite la rédaction d'un essai sur le premier, et j'ai voulu vraiment l'encourager dans cette voie : je suis sûr que cela donnerait aux mots du grand auteur espagnol une vigueur renouvelée. J'étais heureux de pouvoir partager avec lui, et avec René de Ceccatty, son éditeur au Seuil, cette longue conversation où une fraternité, une amitié sont nées, par delà les appartenances, les méfiances et les frontières trop commodes.
Et puis, je suis retourné au Louvre avec un ami prêtre qui m'avait rejoint pour la circonstance : antiquités égyptiennes, peintures médiévale et française du XVIIème siècle. Le miracle, toujours de revoir les de la Tour, et notamment le "Saint Joseph charpentier" qui est une leçon de théologie : dans l'enfant Jésus tenant un cierge et éclairant ainsi avec parcimonie le travail de son père qui vrille une poutre (la future croix?), il y a Dieu, illuminant de l'intérieur le labeur humain et sa souffrance, il y a la promesse du sens, du salut déjà offerts, là, et de la résurrection déjà présente. Génie du peintre...

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