mardi 16 août 2011

Encore une homélie

On m'a, une nouvelle fois, demandé le texte de mon homélie - non pas celle de l'Assomption, mais celle de la veille, au 20ème dimanche ordinaire, où nous lisions, dans la Liturgie de la Parole, Is 56,1.6.7; Rm 11, 13...32; Mt 15, 21-28. Bon, je ne tiens pas à en faire une habitude, mais enfin voici ce texte, s'il peut, paraît-il, aider des personnes à reprendre la Parole de Dieu et à la méditer!







Frères et Soeurs,



A plusieurs reprises dans les évangiles, Jésus s'exprime sur l'universalité du salut qu'il apporte. Ces propos reflètent sans aucun doute son enseignement; ils reflètent aussi le tournant pris par la communauté chrétienne primitive qui décida, non sans débats, que le message du Christ et l'entrée dans l'Eglise n'étaient pas réservés aux Juifs, mais qu'ils concernaient aussi les païens. On ne s'étonne pas de voir l'évangéliste Matthieu insister, plus que les autres peut-être, sur ce point : son évangile s'adresse en effet à des Juifs de la diaspora devenus chrétiens, qui risquaient toujours de penser que le christianisme leur était réservé. L'épisode de la Cananéenne, une païenne, avait donc mission de les démentir sur ce point. Jésus dit tout de même d'abord à cette femme qu' "il n'est venu que pour les brebis perdues d'Israël." Mais, devant son insistance, devant l'appel des disciples aussi, et devant ce qu'il va lui-même qualifier de "grande foi", il lui accorde en définitive la guérison qu'elle demandait et manifeste ainsi que le salut dont il est porteur est vraiment destiné à tous les hommes. Ce n'est du reste pas la première fois que, dans l'aventure biblique, Dieu manifeste sa volonté d'élargir son alliance d'amour à tous les peuples de la terre : nous avons aussi entendu le Prophète Isaïe annoncer que "les étrangers attachés au service du Seigneur pour l'amour de son Nom, et devenus ses serviteurs, seront conduits à sa montagne sainte" et que le Temple, Sa maison, sera nommé "maison de prière pour tous les peuples." Quant à Paul, s'adressant aux Romains - des païens devenus chrétiens, à l'inverse des lecteurs de Matthieu -, il leur fait valoir que l'évangélisation s'est moquée des appartenances raciales ou ethniques, puisque, citons-le : "Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance" (c'est-à-dire, a fait prendre conscience à chacun de sa propre fragilité, de son éloignement de Dieu, indépendamment de sa race ou de sa religion), "pour faire à tous miséricorde" (indépendamment de sa race ou de sa religion, ici encore).



Nous devons mesurer aujourd'hui, frères et soeurs, l'actualité de cette insistance biblique et en particulier évangélique. La tentation demeure toujours de penser que notre appartenance (à l'Eglise catholique, par exemple) constitue une espèce de privilège renouvelé, qui nous dispenserait de la prière et de la foi. Il suffirait de se trouver tranquillement du côté de l'Eglise catholique ("du bon côté") pour partager aussi tranquillement l'assurance du salut, les "autres" étant, comme les païens d'autrefois pour les Juifs, relégués dans des ténèbres extérieures. Le Christ, aujourd'hui comme hier, bouleverse cette représentation du salut sur le mode des appartenances et des cercles concentriques (à savoir : au centre, évidemment, "nous", ou "je", les sauvés; puis, ceux qui le sont un peu moins parce que moins bons chrétiens que nous; puis les croyants "pas trop mal", non chrétiens certes mais monothéistes; puis les incroyants, etc.) Certes, nous pouvons être fiers et heureux de notre appartenance chrétienne et de notre baptême qui nous a greffés au Christ. Mais cela ne nous dispense pas d'une quête perpétuelle, d'une intercession perpétuelle en lesquelles nous reconnaissons notre indignité elle aussi perpétuelle : "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir", disons-nous au moment de communier en reprenant la prière d'un autre "païen" de l'Evangile. La prière de la Cananéenne :"Fils de David, aie pitié de moi!", qu'elle répète jusqu'à casser les pieds des disciples, prière de supplication, nous pouvons la faire nôtre tout au long de nos journées, et elle surpasse toutes les appartenances du monde, car elle témoigne de notre foi, qui est un cri, et non une assurance "vie-éternelle".



A l'heure où, partout en Europe, les replis sur soi, les nationalismes hideux (en Belgique, nous n'en sommes hélas pas privés, mais aussi en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège - avec les conséquences inévitables que l'on vient de voir! -, en Italie, en France même, dans cette Patrie pourtant généreuse, et ailleurs encore...), ces nationalismes qui prônent le rejet de l'autre parce qu'il est autre, le rejet de la différence, et en particulier de la différence religieuse (voir l'islamophobie ambiante), semblent gagner du terrain, oui, à l'heure où ces égoïsmes, pour appeler les choses par leur nom, semblent triompher, nous devons rappeler la générosité du message biblique et évangélique et penser notre foi en termes d'ouverture à l'autre, d'accueil et de tolérance. C'est ainsi que nous partagerons les "miettes" (pour reprendre l'expression de la Cananéenne) de la Table eucharistique. Amen.

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