mardi 31 décembre 2013

Voeux

Aux lecteurs fidèles ou occasionnels de ce blog, j'adresse de tout cœur mes vœux de bonheur et de paix intérieure pour 2014.
Un regard en arrière, un rapide coup d'œil, nous permet de rendre grâce pour l'année écoulée, en particulier pour l'élection du pape François. Ce moment inattendu, voulu par l'humilité de son prédécesseur qui accomplissait en se retirant un geste rarissime, restera, quoi qu'il arrive, un moment-clé dans la vie de l'Eglise et du Monde. Dès le premier jour, dès la présentation au Balcon de Saint-Pierre, et depuis par tous les gestes, signes, discours, propos qui furent les siens, le pape François a manifesté une rupture avec dix-sept siècles de papauté impériale. Ainsi veut-il être et demeurer avant tout évêque de Rome, s'exprimant en italien seulement même dans les grands moments liturgiques - ce qui met fin à l'idée qu'il est un super-évêque comme les empereurs étaient au-dessus des rois. Va de pair le renoncement aux pompes liturgiques dont certaines étaient des reliquats, encore, de la Cour byzantine. Et, pour dire l'essentiel, le recentrage sur le cœur du message chrétien (le salut par la grâce, offert à tous les hommes) et l'importance à ses yeux  des marges et des marginalités dans la mission, nous remplissent de joie et de reconnaissance. En même temps, et davantage dans l'ombre, la réforme de la Curie romaine et de la gestion des biens du Vatican risque de déranger beaucoup de monde, jusqu'à, pour certains, souhaiter son élimination. Il en est bien conscient et du reste ne se protège pas - ce sont, à ses yeux, les "risques du métier". C'est un jésuite rompu aux Exercices spirituels, c'est-à-dire doté d'une détermination sans faille, et qui possède un plan d'action bien tracé et définitif. Un plan qui, déjà maintenant, a changé la face de l'Eglise de façon irréversible.
Pour lui, donc, et entre autres, et à travers tous les chagrins égrenés, et malgré eux, Te Deum laudamus...

jeudi 26 décembre 2013

Noël, le Visage de Dieu

Pourquoi aimons-nous tant, et partout et de tant de façons, la fête de Noël? Très certainement pour son aspect retrouvailles et fête de famille. Très certainement aussi parce qu'elle est une célébration de la lumière : les Anciens ne s'y trompèrent pas, qui placèrent au solstice d'hiver cette solennité pour dire la naissance (dont la date est incertaine) de Jésus. N'avons-nous pas un monceau d'ombres en nous, et autour de nous, dans le monde?
Mais tout cela ne serait pas suffisant, si nous ne célébrions pas à Noël le vrai Visage de Dieu. Lui, que spontanément nous nous représentons comme un Juge implacable ou un Père-la-pudeur, ou un solennel "Vieillard à barbe blanche", ou je ne sais quoi dans le genre, voilà qu'il se donne à connaître dans la fragilité d'un "enfant emmailloté, couché dans une mangeoire", pour reprendre les termes de l'Evangile. Un bébé qui, comme tous les bébés, se confie à nos mains humaines, à nos soins, pour être par nous nourri, éduqué, élevé, et... aimé. Un bébé auquel on apprendra à marcher, à parler (lui, "le Verbe qui était avant toute choses", dit encore l'Evangile, cette fois dans le Prologue de Jean, lui, la Parole créatrice, réduite au babil du petit enfant, aux essais et erreurs du langage articulé et de la communication...) Il me semble bien que c'est cette faiblesse consentie de Dieu, cette fragilité voulue et assumée, qui suscite notre émoi, notre admiration, notre stupéfaction même - comme lorsqu'on pose d'étonnement la main sur la bouche : oh! Et que c'est de là aussi que viennent nos vœux de paix, car devant l'enfant démuni, les armes se taisent ou du moins on les abaisse, autour d'un berceau on se parle ou on se reparle et de nouveaux liens se retissent.
Cette année, espérons-le, et fêtons dans cette admiration stupéfaite la nativité, qui n'est pas seulement l'anniversaire du petit Jésus, mais la célébration de la "naissance de Dieu en nous" (comme dit Maître Eckhart), la naissance en nous de la Vie.

lundi 23 décembre 2013

L'éloge du pape François par le "Nouvel Observateur"

Le Nouvel Observateur n'est pas un organe de presse spontanément catholique et encore moins papolâtre... C'est pourquoi il me plaît d'y relever, dans l'éditorial que l'excellent Laurent Joffrin rédige en exergue du numéro de cette semaine (n° du 19 décembre 2013 au 1er janvier 2014, p.7), sous le titre "Le rouge et le blanc", les propos suivants : "L'homme de gauche de l'année s'appelle François. On eût aimé, bien sûr, que ce fût François Hollande. Mais les difficultés du gouvernement sont telles en cette année de réformes malaisées et de lent redressement des comptes qu'on réservera cette distinction à des temps meilleurs, qu'on espère proches. Non, l'homme de gauche de l'année est un personnage inattendu, surgi d'un coup sur le devant de la scène et dont les rapports avec le courant socialiste sont sinon inexistants du moins ténus : c'est le pape François.
"Ceux qui en doutent liront avec profit l'exhortation apostolique publiée par le Vatican le 26 novembre dernier. Tous les commentateurs l'ont souligné : on a rarement écrit un réquisitoire aussi violent, aussi argumenté, aussi implacable contre les excès du capitalisme contemporain. (...) On voit à Rome un homme en blanc. On entend les propos d'un rouge.
"Beaucoup à droite se sont très logiquement étranglés à la lecture de cette condamnation de leurs propres thèses. (...) Certains ont dénié au pape toute compétence économique en rappelant que les spécialistes de la discipline faisaient l'éloge de la finance dérégulée et des mécanismes du marché. Ce qui est, une fois de plus, tout à fait faux. Le pape est en désaccord avec les économistes libéraux. En revanche, son discours correspond presque point par point à celui des théoriciens néo-keynésiens et des réformistes démocrates ou socialistes des deux côtés de l'Atlantique. (...)
On comprend le désarroi du 'Figaro' : en rappelant ses principes sociaux, le pape propose d'appliquer ici et maintenant les valeurs de l'Evangile. Où va-t-on?"

J'étais tout de même heureux, en lisant ces propos liminaires de Joffrin (encore une fois non suspect d'idolâtrie envers le catholicisme!) de constater que ma réserve exprimée sur l'avant-dernière livraison de ce blog n'était peut-être pas infondée...

lundi 16 décembre 2013

Le trop brusque départ de Michaël

Appris ce matin le suicide de Michaël, l'un de mes (nombreux) petits-cousins. A 32 ans, à la suite d'une querelle avec sa compagne, semble-t-il et certainement sur un coup de tête, il s'est pendu dans la boucherie qu'il tenait avec fierté à Virelles. Je connaissais bien Michaël et l'aimais comme un petit frère (souvent insolent) depuis qu'il avait perdu sa maman, il y a une douzaine d'années, et puis, aussi très brusquement, sa sœur aînée. Et j'avais, il y a quelques années, baptisé dans la joie sa petite fille, Marie.
Les suicides de nos proches nous plongent dans des abîmes de tristesse et aussi de perplexité : qu'avons-nous raté? qu'aurions-nous dû dire? pourquoi n'avoir pas été plus présents? Et tout le reste de la culpabilité qui, quoi qu'on fasse, accable toujours "ceux qui restent", une culpabilité probablement inévitable, mais inutile.
Dans le calme de la nuit, je réfléchis à la page d'évangile qu'il faudrait lire et méditer vendredi prochain, jour de ses funérailles à Sivry, village-berceau de ma famille. Pourquoi pas saint Luc, ch.2, 41-52, cet épisode quelquefois lu pour la célébration de la "Sainte Famille", et qui raconte l'escapade de Jésus au Temple, sa "perte", le reproche de ses parents lorsqu'ils le retrouvent, leur angoisse aussi ("Vois, ton père et moi, tout angoissés, nous te cherchions", dira Marie à son Fils), leur question ("Pourquoi nous as-tu fait cela?"), la réponse pleine d'arrogance du gamin de douze ans ("Ne saviez-vous pas qu'il me faut être aux affaires de mon Père?"), l'incompréhension accrue encore des parents après cette réponse ("Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait"), et le retour au cœur de sa mère (qui "gardait dans son cœur tous ces événements"). De quoi peut-être relire une tragédie comme celle qui vient de se passer, et dénoncer, encore et encore, les difficultés de la communication (que les réseaux sociaux n'arrangent pas toujours), et dire  la nécessité d'une reprise de parole qui jaillisse du cœur pour se garder en vie, pour se garder dans la Vie...
Ce qu'une mort pareillement brutale casse et détruit, elle peut bien aussi donner l'envie et l'urgence à ceux qui l'entourent - comme ils peuvent - de le reconstruire peu à peu. Il faut que nous relancions  des paroles d'espérance - le Verbe qui naît entre nous, sinon, y naîtrait pour rien.

dimanche 15 décembre 2013

Le pape, le Figaro et les cons

L'exhortation apostolique Evangelii Gaudium du pape François constitue une charge vigoureuse contre les méfaits du libéralisme économique et, en particulier, du néo-libéralisme financier, une charge à la fois inspirée de la Tradition unanime de méfiance issue de l'enseignement social de l'Eglise et de l'expérience pastorale de l'ancien archevêque de Buenos Aires. L'économiste du Figaro, qui est n'est pas un journal de gauche et draine quantité de catholiques dans ses lecteurs, Yves de Kerdrel, s'emploie donc à revenir sur ce texte en en minimisant la portée. Certes, le pape fustige les puissances de l'argent-fou et le règne désordonné du capital, dit-il en substance dans un article du 3 décembre dernier, mais rassurez-vous bonnes gens, ces propos ont bien entendu une portée éthique qui ne saurait être politique. Moyennant quoi, gardez confortablement le cul assis sur vos billets de banque, et continuez à ronronner en paix sans prendre garde à l'injustice de votre situation...
Une portée éthique qui n'est en rien politique, hein? Parce que l'éthique n'aurait rien à dire à la politique, sans doute?
Dans une longue carrière dont je m'honore, j'ai déjà croisé des cons, de tous âges et de toutes tailles, des moyens, des vieux, des jeunes, des grands, des compatriotes et des étrangers, j'en passe et des meilleurs, et franchement à mon âge je pensais avoir fait le tour de la question.
Eh bien figurez-vous que Monsieur de Kerdrel m'a ouvert des horizons!

jeudi 12 décembre 2013

Le beau choix de l'Académie Française

On élisait aujourd'hui le successeur de mon ami Hector Bianciotti au "deuxième fauteuil" de l'Académie Française, et c'est Dany Laferrière qui a été choisi. Né en 1953, à Port-au-Prince, cet Haïtien de souche réside aujourd'hui au Québec. Auteur de nombreux romans autobiographiques et aussi de livres pour enfants, il sera le premier écrivain canadien à devenir immortel. Mais comme il vient de le déclarer lui-même avec sagesse : "Ce ne sont pas les écrivains qui sont immortels, c'est la langue française."
Bravo à l'Académie pour ce choix remarquable. Ce sera une joie de l'entendre d'ici quelques mois prononcer sous la Coupole l'éloge de Hector, qui manque à tant d'entre nous...

Oser dire son expérience spirituelle

Très belle conférence hier soir ici à Enghien au Magasin "Bioautrement" : Serge nous a partagé son expérience spirituelle, la visitation de l'intériorité, à partir d'une méditation sur un texte de la Genèse (le deuxième récit de création en Gn2) et d'une représentation de Samatha, chemin bouddhique de l'aspirant à la sagesse. Exposé riche, sensible, nuancé, ouvert aux questions tant théoriques que pratiques. Je dis bien : "exposé", car il faut aimer le risque pour s' "exposer" ainsi, pour exposer ce que l'on a de plus intime, devant un public, relativement connu certes, mais tout de même...
L'exercice était tout en douceur.
Je m'y suis pour mon compte parfaitement retrouvé...
Merci, Serge!

vendredi 6 décembre 2013

Chapeau, Mandela!

Certains hommes dominent leur siècle. Le XXème aura connu - et je ne veux pas être exhaustif : Gandhi, Churchill, de Gaulle, Jean-Paul II et... celui qui s'est éteint hier, Mandela. Emprisonné vingt-huit ans pour ses idées démocratiques au sein d'un système d'apartheid profondément injuste, et sitôt sorti, loin d'être revanchard, réconciliateur dans le pays où ses convictions  l'avaient conduit à la geôle. Ils sont peu nombreux, ceux qui ont ainsi non seulement "payé" pour leurs prises de parole, mais qui ont aussi pardonné. Le pardon, seule voie de réconciliation, tellement éloigné, a priori, des mouvements spontanés de nos cœurs, qui toujours crient vengeance!
Et une fois au pouvoir, démocratiquement élu, il n'a favorisé personne de son clan ou de sa  famille, et une fois échu le terme de son mandat, il est parti, vieux sage fatigué, ayant fait sur la terre son magnifique devoir d'homme.
Chapeau bas, Mandela!
Tout ce qu'il y a de bon en nous vous tire sa révérence, et promettons-nous d'en prendre de la graine!