dimanche 30 mars 2014

Cécité ou aveuglement...

Drôle d'ophtalmologue, que notre Jésus : il crache par terre, fait de la boue avec sa salive, et en frotte les yeux de l'aveugle de naissance. Je ne suis pas sûr que l'hygiène moderne y trouve son compte! C'est en réalité un geste re-créateur : Dieu avait, de la boue, formé l'homme. Jésus le reforme pour lui ouvrir les yeux.
C'est que l'homme est aveugle : aveuglé par tant de choses qui lui bouchent l'horizon, sa vue à court terme  lui met le nez sur son argent, son pouvoir, son plaisir, mais  l'empêche de voir l'essentiel.
Jésus ouvre les yeux de son cœur.
Lui apprend à regarder avec le cœur : "On ne voit bien qu'avec le cœur" (Saint-Exupéry).
Jugement, scrutin, choix décisif : voulez-vous apprendre à voir? A regarder le monde comme il convient, pour y voir l'invisible?
Alors, laissez-vous tartiner les yeux par la salive sortie du Verbe, allez vous plonger en lui, "l'Envoyé", comme l'aveugle est prié d'aller se rincer dans la piscine de Siloé.
Laissez-vous baptiser en lui.
Et, par delà tous vous aveuglements, vous verrez!

Pourquoi rester sur vos ornières
Baissant vos front d'aveugles-nés?
Vous avez été baptisés!
L'amour de Dieu fait tout renaître.
Croyez Jésus : c'est l'Envoyé!

Vos corps à son corps sont branchés :
Prenez à lui d'être lumière.

samedi 29 mars 2014

Pastorale familiale à Bruxelles-Ville

J'ai participé, aujourd'hui, à une journée de "pastorale familiale" organisée par le Vicariat de Bruxelles sous la présidence Mgr Kocherols, l'évêque auxiliaire. Joie de rencontrer des personnes soucieuses de l'accueil de tous et de toutes les situations, infiniment complexes, qui se présentent à nous dans le quotidien de nos paroisses. Joie de travailler avec elles, pendant une journée, de réfléchir avec elles à comprendre où nous conduit l'Evangile de l'écoute, de la proposition - et jamais de l'imposition - de la foi comme parcours, et mettons même comme aventure.
Joie de voir un évêque - Mgr Kocherols - heureux dans son rôle de pasteur, de guide de la communauté chrétienne à Bruxelles, une communauté nuée de diversité, et riche de rencontres avec tant d'autres...

mercredi 26 mars 2014

Discours d'Obama

J'ai beau être rempli de préventions contre l'impérialisme américain, je dois dire que le discours d'Obama ce soir à Bruxelles a captivé mon attention. Evidemment, il y a par derrière toutes les précautions de la diplomatie (c'est bien  le moins), mais quelle intelligence! Peu nombreux sont les Chefs d'Etat capables de dire avec pareille simplicité et pareille netteté la nécessité du droit international et de son respect. J'admire la façon dont il a pu égratigner le Président Poutine, sans qu'il y ait toutefois de parole irréversible : la porte, on le sentait bien, restait toujours ouverte à la négociation. Intransigeant sur les principes, ouvert au dialogue. Mon Dieu, si cela pouvait aider les personnes, les personnes concrètes, celles qui vivent en Crimée avec moins de 50 euros par mois et auxquelles les Russes ont dit qu'elles allaient disposer du double (un pactole)! Mon Dieu,  comme il est difficile de promouvoir le bien, et d'abord le bien entre les nations! J'espère de tout cœur que ce Président américain y contribue, et - je suis peut-être naïf - mais je crois que, de façon personnelle, c'est ce qu'il veut. Je le pressens moins lié que son prédécesseur à des intérêts et des lobbys particuliers... Mais, bien entendu, nous ne savons pas le fin mot des choses. Il va demain rencontrer le pape, à Rome. Voilà deux chrétiens, deux grands noms contemporains de la foi chrétienne, qui essaient d'œuvrer, je crois, pour le bien du monde.  Peut-être pourrions-nous prier pour eux, avant tout?

mardi 25 mars 2014

Solennité de l'Annonciation

Aujourd'hui, 25 mars, l'Eglise célèbre la solennité de l'Annonciation, c'est-à-dire aussi la réalité de l'Incarnation de Dieu en Jésus.
J'ai envie, encore une fois, de laisser parler le poète Patrice de La Tour du Pin, qui écrivit pour cette fête liturgique à la fois une Hymne et une Prière à la Vierge :

HYMNE DE L'ANNONCIATION

Un jour des âges,
Il y eut un éclair
Né de la fin des temps,
Le grand message
Du ciel à tous les sangs :
Dieu allait prendre chair.

Nul ne surprit
Sur les plus hauts sommets
L'émissaire de gloire :
Il descendit
Dans le cours de l'histoire :
Rien n'y parut changé.

Il approcha du secret de la vie
Que Dieu se réservait;
L'ange toucha
Celle qui le gardait
Et l'ombre tressaillit.

En ce jour-là,
S'il n'y eut qu'une chair
Pour recevoir l'aurore,
Partout monta
L'espoir de faire corps
Un jour à la lumière.


PRIERE

Vierge Marie, Terre Sainte, Terre baignée des eaux du ciel, Dieu t'avait réservée dès le commencement afin que son Amour lui-même ouvre le secret de la Vie. Terre bénie entre toutes les terres, Terre d'ombre éclairée par la seule grâce, chez toi le souffle de Dieu et celui de sa création se sont unis. Vierge Marie, Terre Mère de la Terre Promise, Terre passée à l'état de lumière, viens refléter dans nos eaux basses notre avenir.

(P. DE LA TOUR DU PIN, Une Somme de Poésie. I. Le jeu de l'homme en lui-même, Paris, Gallimard, 1981, pp. 415-416)

Belle et heureuse fête à tous!

lundi 24 mars 2014

Qu'il faut lire... des romans pour grandir dans la foi!

Nous avons conclu ce soir les conférences organisées par la Fondation Sedes Sapientiae et la Faculté de Théologie de l'UCL, intitulées "Dieu, un personnage de roman?" Le propos y était, en quatre soirées, de montrer les connivences qui existent entre la littérature de fiction (les romans) et la théologie. Sujet a priori étrange : comment des personnages inventés peuvent-ils aider à approfondir la foi en Dieu? C'est que la fiction va souvent plus loin que la simple réalité, elle l'approfondit et permet de mieux l'appréhender. Telle était, j'ai eu l'occasion de le rappeler lors de la première conférence, la conviction du théologien Adolphe Gesché, qui dans son Œuvre fait la part belle aux écrivains. Non seulement pour des citations "illustratives", mais, si j'ose dire "constitutives", la fiction romanesque étant pour lui une trame nécessaire du discours sur Dieu. C'est ce que pensaient de grands auteurs français de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème : Bloy, Claudel, Péguy, Mauriac, Bernanos, Green, etc. : immenses témoins de la grandeur littéraire française, ils ont écrit parce qu'ils étaient chrétiens et pour dire quelque chose de la foi chrétienne, qu'ils ont du reste admirablement saisie en son cœur. Ainsi l'a montré, lors de la deuxième conférence, Patrick Kechichian, autrefois critique littéraire au "Monde" et aujourd'hui à "La Croix". Et chez un écrivain mettons "peu chrétien", qu'est-ce que ça donne? Marguerite Yourcenar offre l'exemple d'une Œuvre romanesque imposante par sa vigueur, où Dieu est présent, et même où Dieu évolue selon les circonstances de la vie de l'auteur et les développements de sa fiction. Josyane Savigneau et Philippe-Jean Catinchi, tous deux critiques au "Monde" et spécialistes de cette grande dame de la littérature française, en ont fait la démonstration lors de la troisième conférence. Ce soir enfin (et demain à Bruxelles) c'est Gabriel Ringlet, l'ancien vice-recteur de l'UCL, que j'ai présenté pour qu'il nous partage ses traversées du roman contemporain, où l'on croise Dieu plus souvent qu'à son tour, chez Maalouf, chez Henrard, chez Germain, chez Grosjean, chez d'autres encore. Où l'on croise un Dieu peut-être plus incarné qu'ailleurs, qui colle à nos vies quotidiennes comme une question, comme un tourment, même.

Beau parcours, qui invite à la magie de la lecture, à la fois détente, plongée dans un univers neuf, mise en abîme de ses propres questions, méditation, invitation à la reprise de soi devant un auteur, et peut-être, pourquoi pas, devant notre "Auteur". Il faut lire des romans pour grandir dans la foi! Ce n'est pas un paradoxe : la beauté - car il s'agit, et évidemment, du style - conduit à la foi, et la littérature est l'un des beaux-arts, comme la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique. Les chrétiens qui ne voudraient de leur foi que le triste compendium du petit catéchisme seraient de bien tristes sires; la vérité de Dieu nous vient par la beauté des œuvres inventées, et quelquefois inventées par des gens qui n'y pensaient pas, ou pas comme nous.

Si, grâce à ces conférences, le carême a pu être pour quelques-uns la redécouverte de la beauté dans l'acte de lire, de recueillir à travers les mots et les phrases le souffle de Dieu, alors c'est un parcours réussi!

samedi 22 mars 2014

Vigile de la Réconciliation à Silly

Deux heures de prière avec les jeunes, les enfants et les adultes, à Silly, deux heures magnifiques passées dans le calme, la méditation, les chants, l'écoute de l'Ecriture et la demande d'un discernement spirituel pour vérifier l'état de son cœur.
Et, dans la foulée, des confessions, de jeunes, d'enfants et d'adultes, des moments de vie partagés, des "poids sur le cœur" déposés comme des fardeaux, et la miséricorde de Dieu une nouvelle fois devenue sensible, presque palpable.
Puissance du sacrement, puissance du geste, du rite qui surprend toujours, qui meut une force plus grande que nos bons sentiments.
J'ai l'impression que, grâce à ce genre de veillées, on retrouve l'économie véritable de la réconciliation, loin des velléités "d'être en règle", loin d'un tribunal anticipé dont le prêtre serait le juge.
Il faut vraiment refaire ce long chemin pour réapprendre à voir là un canal de l'amour de Dieu, de sa tendresse, de sa compassion, de sa "connaissance" intime de chacun.
C'est une chance!

vendredi 21 mars 2014

La soif de la Samaritaine

Le Carême est un temps baptismal. En nous entraînant vers Pâques, en nous invitant à accompagner les catéchumènes, enfants ou adultes qui seront alors baptisés, il nous  reconduit aux sources de notre propre baptême. Et, à partir de ce troisième dimanche, et surtout cette année-ci (année A de notre missel), il jalonne notre parcours d'épisodes évangéliques tirés de saint Jean, chaque fois un chapitre entier (et qu'il faut lire en entier) pour nous faire entrer dans l'intelligence de notre foi. Ce dimanche, l'épisode de la Samaritaine - une "non-juive" au sens strictement judaïque du mot, rencontrée par Jésus près du puits de Jacob, nous presse de retrouver en lui, Jésus, "la source qui jaillit en vie éternelle". "Celui qui en boira, dit Jésus, n'aura plus jamais soif." Et la suite du texte nous invite à considérer que celui qui sera ainsi branché sur la source d'eau vive adorera le Père en Esprit et Vérité, et ne cantonnera pas son cœur dans tel ou tel culte de tel ou tel sanctuaire.
Dans la Tradition de l'Eglise, cette page est un Evangile de "scrutins", c'est-à-dire de discernement proposé aux catéchumènes : alors que s'approche le moment de leur baptême, est-ce bien en Jésus qu'ils veulent désormais voir la source de leur vie, la source qui coulera toujours et comme d'elle-même, la source jaillissant pour l'éternité? Un consentement, un choix, leur est demandé, à eux, catéchumènes, comme il est redemandé aux baptisés qui les accompagnent : le Christ est-il pour vous à la source de votre vie?
En Jésus, Dieu s'est mis en quête de l'homme, sans tenir compte de son origine, de son culte, de son temple, de ses rites : chacun est invité, au plus intime de lui-même, à trouver là, et non pas ailleurs, la source de sa vie éternelle. En Jésus, Dieu a commencé ainsi sa "moisson", dit encore Jésus, sa récolte, le rassemblement de tous : "Levez les yeux, et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle."

"Ne forez plus vos puits d'eau morte, vous savez bien le don de Dieu, et quelle est sa grâce, et son jeu : Il vous immerge, Il vous rénove! La vie s'élève peu à peu, les champs sont dorés sous vos yeux. Embauchez-vous où Dieu moissonne."

Les funérailles de Marianne

Les funérailles dont je parlais hier sur ce blog se sont donc déroulées ce matin, paisiblement, et avec une grande participation des élèves des écoles paroissiales où travaillait la défunte. Je suis toujours très heureux de voir combien ici, à Enghien, les écoles sont partie prenante de la vie paroissiale, de la vie communautaire et avec quelle justesse elles se mobilisent pour des événements comme celui-ci. J'ai eu l'impression que les membres de la famille  allaient vers l'apaisement, que cette célébration, préparée par tous telle qu'elle l'a été, leur a fait du bien - c'est en tous les cas ce qu'ils m'ont dit lorsque je les ai salués à la fin.
Il y a une puissance de la liturgie, de ses gestes, de ses rites, qui, plus que toute parole et au-delà de toute parole, permet, je crois, le passage à travers le deuil nécessaire. La liturgie opère par elle-même ce que les mots, souvent si pauvres devant le gouffre de la mort, restent impuissants à exprimer. Il faut, en quelque sorte, réapprendre toujours à redonner la parole aux gestes...

jeudi 20 mars 2014

Comment préparer des funérailles?

Une institutrice de nos écoles paroissiales est morte, on célèbre demain ses funérailles. Un cancer rapide. Elle avait quarante et un ans. Et une petite fille de deux ans.
J'ai reçu la famille - son compagnon, sa sœur. La révolte, la rancœur. Ils sont dans le rejet de tout, de tout projet de consolation, de toute parole d'espérance.
Comme je les comprends. Cette femme a souffert et n'a elle-même jamais ni compris, ni admis, ni accepté sa mort.
Et pourtant, ils souhaitent "passer par l'église".
Comme je les comprends, aussi. Et comme je veux les accueillir, c'est-à-dire, accueillir leur rejet de toute parole religieuse et aussi paradoxal cela soit-il, au sein même d'une célébration chrétienne.
Comment préparer des funérailles?
Ce soir, dans le silence de mon bureau.
En écoutant ce silence, en moi, et les connivences avec la révolte de mes frères et sœurs devant la mort.
C'est une forme de prière. En tous les cas, c'est la mienne, ce soir.

Et en écho, dans le silence de mon bureau, ces vers de Patrice de la Tour du Pin :

Ils se regardent et posent tous la même question : que sommes-nous venus faire ici? L'un répond : j'ai interrogé la bête souriante au fond de moi - elle ne m'a rien proposé que son sourire. L'autre dit : chacun de nous a ses propres puissances - elles ont l'intelligence de leurs désirs. L'autre : il faut conquérir le champ de l'âme, l'autre : il faut tout sacrifier pour entrer nu dans la mort. L'autre : il faut nous composer une sagesse, l'autre : il faut goûter à la plus haute musique. L'autre : il faut connaître. Et l'autre : il faut tout dire. Et l'autre : il faut rester transparent devant Dieu.
Mais une voix, qu'ils ne savaient pas leur, se fit entendre sur toutes les lèvres - dans ce conseil inquiet qui cherchait sa direction. Et tous mirent un doigt sur la bouche pour signifier qu'ils se taisaient, tous se levèrent de table pour montrer qu'ils écoutaient.
Et leur voix dit : Si Dieu a fait un monde d'amour - vous êtes faits pour le retrouver.

(Petite Somme de Poésie, Gallimard, 1967, p. 197)

dimanche 16 mars 2014

L'exercice du pouvoir

Le pouvoir et son exercice sont largement des sujets tabous, surtout dans l'Eglise. En particulier est-il de bon ton de croire qu'un prêtre doit échapper à ce genre de salissure... Pourtant, le pouvoir et son exercice sont nécessaires. Si on ne l'assume pas lorsque la tâche vous en a été confiée, on fait le lit de prises de pouvoir anarchiques, non régulées, durables, le lit de petits chefs qui s'installent d'autant plus facilement que rien ni personne ne songe à les contrer. Le contraire d'un pouvoir qui ne s'exerce pas, ce n'est pas l'anarchie - hélas! - c'est la dictature.
Un curé, doyen, doyen principal, cela exerce le pouvoir. Certes, je consulte, je demande des avis, certaines décisions, je ne les prends qu'à l'unanimité de ces avis (avec l'EAP), mais finalement, un moment donné, il faut - et alors on est seul - trancher et dire "Oui" ou "Non", ou encore "ça suffit!". On se met alors des gens à dos : ceux qui savent tout mieux que vous, dans les domaines aussi divers que la finance, le droit des fabriques, la liturgie, la pastorale, la prière, le soin des pauvres et des malades, la théologie, la vie de l'Eglise, le souci des jeunes, la catéchèse, etc.
Et les petits chefs détrônés quelquefois sont cruels, rancuniers, assassins... Ils ne vous pardonnent pas d'avoir, comme Dieu fait dans la Genèse, dit aux eaux qui débordent : "Vous irez jusqu'ici, et pas plus loin!"
Je les comprends : l'exercice du pouvoir - aussi petit soit-il, après tout, ce n'est jamais que le pouvoir d'un curé, hein -, frustre toujours ceux qui ne l'ont pas.
Puissent-ils savoir qu'il fait quelquefois mal aussi à ceux qui l'assument, parce que c'est leur devoir, un devoir de solitude et de méditation.
Je plaide pour une société où, revenus du "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", chacun(e) exerce dans tous les domaines de la vie (famille, travail, école, politique, vie ecclésiale) toutes ses responsabilités, aussi dérangeant cela soit-il pour lui-même (elle-même) et pour les autres. C'est ainsi qu'on avance, pas autrement.

vendredi 14 mars 2014

"Lekh Lekha" : nous sommes tous des nomades

Nous entendrons ce dimanche retentir à nos oreilles l'injonction divine qu'Abraham, Père des Croyants, entendit en premier  : "Lekh Lekha!", "Pars", "Quitte"... "Et Abraham partit".
Le geste inaugural de la foi est un geste nomade : il faut quitter son pays, ses certitudes, ses servitudes, ses habitudes, ses manies, son quant-à-soi, ses obsessions, son bon droit, ses vérités, ses coutumes, ses manières de penser, évidemment ses rancoeurs, ses jalousies, ses petitesses, ses étroitesses, ses idéologies, ses rituels rassurants, ses clans, ses partis, ses points de vue, et finalement, il faut se quitter soi-même.
Itinéraire d'anéantissement de soi, dont Jésus sera le prototype dans l'Incarnation, lui "qui se vida lui-même" comme dit la Lettre de Paul aux Philippiens pour s'abaisser devant l'humanité. Itinéraire de désengorgement du moi, de déflation du moi, de purification intérieure, que recommandent tous les mystiques chrétiens, pour que nous ne soyons plus attachés à rien, que nous ne "tenions" plus à rien - à rien, sinon au Christ, dans son détachement même.
Ainsi allégés, on peut marcher, "sans savoir où on va", comme le dira la Lettre aux Hébreux en commentant le départ d'Abraham : on n'est que dans la confiance, dans l'abandon de tout soi-même, on ne pense pas à rentrer chez soi au plus vite : on s'émerveille de la nouveauté que Dieu nous réserve.
Ainsi traversons-nous la vie, et la mort, comme autant d'étapes dans le détachement de nous-mêmes et d'abandon au Dieu qui nous aime, et fait fructifier ce geste de "lekh lekha" en surabondance de vie.
Ulysse, l'autre héros-voyageur, le Grec, nous invite toujours à retourner dans notre Ithaque, à revenir au point de départ : il nous habite, aussi, il nous voudrait nostalgiques, du passé, du confort abandonné là-bas, au loin.
Abraham trace son chemin, va de l'avant, ne se retourne pas, marche à la cadence de Dieu.
C'est Abraham qui est notre Père dans la foi. Pas Ulysse...

mercredi 5 mars 2014

Bas les masques!

Hier, c'était Carnaval, on avançait masqué, on jouait à n'être pas reconnu, à inverser les rôles sociaux : métaphore bouillonnante de ce qu'est d'habitude le théâtre du monde, où chacun tient son rôle, son personnage.
Aujourd'hui, bas les masques! Insistance de Jésus dans la page de l'Evangile de Matthieu lue pour la célébration des cendres : faire l'aumône, prier, jeûner, oui, certes, voilà des attitudes qui rajeunissent notre humanité, mais tout cela "dans le secret", "dans la maison intérieure sur laquelle on a fermé la porte", "là où seulement le Père voit" ce que l'on fait, ce que l'on est.
Le Carême, voie d'intériorité, et donc, d'authenticité, quête de la vérité de soi - en ce sens, oui, dépouillement, dépouillement des faux-semblants, des déguisements accumulés. Dévoilement, devant Dieu, de tout notre être, pour apercevoir enfin un bout de son identité.
Oui, bas les masques!
Et bon Carême à chacun...

samedi 1 mars 2014

La guerre menace, à nouveau, au centre de l'Europe

le 2 janvier dernier, si vous vous souvenez, je me permettais sur ce blog un petit résumé succinct de l'histoire centenaire de la "Grande Guerre" - sans aucune prétention scientifique, of course! Je rappelais les alliances et les nationalismes qui avaient conduit, en 1914, à la déflagration épouvantable de l'un des conflits les plus sanglants de l'humanité.
Bon.
Regardons l'actualité. Si l'histoire ne se répète pas, du moins peut-on constater qu'elle bégaie.
Même alliances, en partie religieuses. Mêmes empires (ou à peine changés). Mêmes
intérêts. Même désinformation. Mêmes idéologies, la touche du "nazisme" en plus dans les accusations russes contre les Ukrainiens (pour le simple motif que les nazis ont évidemment soutenu les nationalistes ukrainiens pendant la guerre de 39-45, parce que la Russie était leur ennemie héréditaire et que les nazis, par principe, soutenaient toujours tous les nationalismes. D'où : l'accusation russe actuelle faite à l'opposition ukrainienne d'être "un ramassis de fascistes et de nazis". Il faut dire qu'hélas il y en avait, mais minoritaires, parmi les insurgés. Et qu'évidemment la propagande russe les "utilise".)
La Russie a cautionné aujourd'hui l'envoi de troupes en Crimée : Sébastopol est pour elle un port ouvert sur "la mer chaude", et pratiquement le seul - comme en 1914. C'est une invasion d'un territoire qui est normalement indépendant et ukrainien.
Les USA menacent, l'ONU va être bloquée (la Russie est membre permanent du Conseil de Sécurité et votera un veto à toute résolution contraire à ses intérêts).
Encore une fois, les paons font la roue au mépris non tant des grands principes que des petites gens qui demandent simplement à vivre en paix et à ne pas connaître les horreurs d'une guerre qui serait, évidemment, mondiale une nouvelle fois et, on le devine, terriblement meurtrière.
L'Union Européenne a un rôle à jouer : elle est bien fragile pour le faire, préoccupée surtout de ses quotas agricoles et du rendement de ses banques.
Par pitié, que des voix s'élèvent, dans notre pauvre humanité, pour réclamer la paix du monde. Les jeunes générations de chez nous ne se doutent pas que la guerre est à leurs portes, elle vit exactement dans l'insouciance du Paris des "années folles".
Je n'entends pour l'heure que la voix de Rome, la voix du pape, qui dans son exhortation "Evangelii gaudium", maintes fois citée sur ce blog, a en quelque sorte anticipé les menaces et risques réels d'un primat stupide et égoïste donné à l'argent. Ce ne sont pas que des phrases et de bons sentiments : c'est la question de savoir comment nous voulons vivre, humanité du XXIème siècle, secouée par des volontés de mainmises et de monopoles, incapables de réguler par une meilleure justice distributive les flux et les migrations nécessaires des populations, et bêtement préoccupés de soucis nationaux. J'aimerais voir - et je vous en fais juges - qui, parmi ceux et celles qui se présenteront bientôt à nos suffrages, notamment pour les élections européennes, aborderont ces enjeux d'une meilleure justice distributive, seule capable de réguler les tensions internationales. Ceux-là seuls auront à mes yeux quelque crédit. Les autres, pfuit... On souffle dessus, ce n'est que du vent!
A bon électeur, salut!