vendredi 30 mai 2014

Les deux cousins qui finiront assassinés...

Demain, samedi 31 mai, nous célébrons la Visitation.
Pas seulement la "visite" de Marie à Elisabeth, telle que la rapporte l'évangile de Luc.
La tradition liturgique a raison de donner à ses termes une certaine emphase : "action de grâce" plutôt que simplement "remerciement". Et donc, demain : "Visitation" plutôt que simplement "visite". C'est qu'entre ces deux femmes, il ne s'agit pas d'une courtoisie, ou d'un hommage de la plus jeune à la plus âgée - ce qui ne serait déjà pas mal! Deux cousines enceintes, l'une vieille déjà  au point que la rumeur la disait stérile; l'autre, jeune et ... vierge,  au point qu'elle eût été incapable d'imaginer son état, hors l'annonce angélique. En Elisabeth, Dieu accomplit ses promesses - tout le Premier Testament est là, avec ses alliances, et Jean, le fils tellement attendu, tellement inespéré, en est le dernier représentant. En Marie, Dieu dit plus encore que l'accomplissement : il montre sa jeunesse perpétuelle, sa nouveauté toujours naissante, et Jésus, le fils tellement inattendu, tellement espéré, inaugure le renouvellement de toutes choses humaines : en lui, "le Seigneur sauve!"
"Comment ai-je ce bonheur, écoutons Elisabeth dans son balbutiement d'ancienne, comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi?" On attendrait l'inverse, bien sûr, l'hommage de la jeune femme à son aînée. Mais c'est Elisabeth qui s'est précipitée, et qui a laissé - malgré elle - échapper son cri d'enthousiasme, désormais célébré à travers tous les temps : "Comment ai-je ce bonheur?" C'est que l'enfant en elle a bougé, pour la première fois peut-être, il a tressailli! Et elle ajoute, à l'adresse de sa cousine : "Heureuse, celle qui a cru à l'accomplissement!" Mais oui, voir ainsi les choses invisibles, pressentir à travers le quotidien d'une visite la présence aimante du Très-Haut qui nous veut tant de bien : bonheur de la foi!
Je ne sais guère de texte plus beau, plus jubilant, que celui-là, qu'on peut reprendre dix fois, vingt fois, cent fois, ce texte rempli de Vie comme le sont ces deux femmes remplies de la vie de leurs bébés.
Leurs bébés...
Les deux cousins, Jean et Jésus, qui finiront assassinés.
Autre mystère : pourquoi faut-il qu'en contrepoint à une telle allégresse, déjà se profile la tragédie? On n'écoutera  ni l'un ni l'autre, ni la voix rude de celui qui criera au désert, ni celle, infiniment plus douce, de celui qui annoncera l'amour du Père. Pourquoi faut-il que les deux cousins aient été assassinés?
Pourtant, à travers cette double injustice, inévitable sans doute alors comme aujourd'hui, rien ne reniera, jamais, la joie immense d'Elisabeth et de Marie, la joie de la Visitation.

lundi 26 mai 2014

Excursion au "Louvre-Lens"

Heureux d'avoir pu, avec les confrères de la Région pastorale d'Ath, prendre une journée de repos, d'excursion et de retrouvailles au Musée du Louvre-Lens, à la frontière française (grosso modo, entre Lille et Arras).
Excellent Musée, émanant du Louvre, donc, avec une présentation pédagogique d'œuvres d'art soigneusement sélectionnées et un espace sans grandes foules  - surtout un lundi - qui donne de se balader dans l'histoire culturelle de notre Occident, de la plus haute Antiquité au XIXème siècle.
Beau moment de convivialité entre nous, aussi - nous sommes des confrères (prêtres ou "agents pastoraux") qui nous aimons, nous estimons, nous soutenons dans la prière. Et ça, c'est irremplaçable!

"On a ga - gné !!!"

Tout le monde aurait donc, comme d'habitude, gagné les élections. Tout le monde est "le premier parti", parce qu'on compte soit en pourcentages soit en élus, soit encore en cumulant les élus aux divers parlements belges (ce qui en effet peut faire du monde : on peut ainsi devenir ou redevenir "la première formation" du pays, qui transcende les séparations linguistiques voulues par les partis eux-mêmes il y a trente ans... )
Bon.
Jouons à Merlin le désenchanteur.
Personne n'a gagné les élections d'hier, évidemment.
"La NVA fait 30%", direz-vous... 
Vous me permettrez de rétorquer en observant avec vous, et avec Platon (ce qui ne nous rajeunit pas) que, 30%, ce n'est pas... 50%. Et qu'en démocratie, une majorité, c'est 50%.
Tout le reste, c'est du blabla...
Dans une élection représentative de type proportionnel comme la nôtre, toutes les combinaisons politiques sont donc possibles.
Le jeu est ouvert, et c'est tant mieux!

samedi 24 mai 2014

Attentat probablement antisémite à Bruxelles

Consterné, ce soir, par l'annonce de l'attentat qui a fait quatre morts Rue des Minimes à Bruxelles, face au Musée Juif. Un attentat probablement antisémite, qui serait l'un des premiers actes de ce type depuis la seconde guerre mondiale en Belgique.
Comme prêtre, comme chrétien, comme catholique, je tiens à dire ici ma profonde indignation.
Tout ce qui heurte et blesse la communauté juive nous heurte et nous blesse, nous, les chrétiens. Les juifs, pour reprendre l'heureuse expression du saint Pape Jean-Paul II, sont "nos frères dans la foi, nos frères aînés." Nous ne pouvons rien entendre à notre propre foi si nous n'accueillons pas avec vénération la tradition, la culture, l'immense délicatesse du peuple de la Première Alliance, et quand on blesse l'un des leurs, on nous assassine.
Bien sûr, cela ne comporte pas à mes yeux de conséquences territoriales ou politiques (je suis évidemment aussi favorable à la création rapide d'un Etat Palestinien indépendant, et qui partage pourquoi pas Jérusalem comme capitale avec l'Etat d'Israël).
Mes propos sont d'abord spirituels ou, si vous voulez, religieux et même théologiques.
J'aimerais, comme chrétien et comme prêtre, crier ceci avec force : "Quand tu blesses un Juif, tu me tues." Tout le passé - torturé, torturant, qui doit être rempli de pardons et de baisements de pieds - plaide pour ce genre de formule.
Je suis outré qu'au cœur de mon pays, une telle horreur puisse se produire.
Tout faire, tout - y compris voter demain - pour éviter cela!

vendredi 23 mai 2014

"A toi la gloire" : "Héritage " revisite Haendel...



Je me suis laissé (sur)prendre par cette interprétation "country" du vieux cantique "A toi la gloire" de Haendel... Bravo, le groupe "Héritage"! Hey man, ça le fait! Etonnant, n'est-ce pas? En plus ils ont l'air de bien s'amuser. Signe que c'est de la bonne musique, de l'indémodable : on peut la mettre à toutes les sauces.
De quoi nous donner de la  joie en ces derniers jours du temps pascal, non?

mercredi 14 mai 2014

Une campagne molle...

Comme cette campagne électorale est molle, peu convaincante, fatigante, ressassant des arguments déjà connus, déjà dits, presqu'interchangeables, et surtout, sans aucun propos vraiment intéressant... Les enjeux internationaux, je l'ai déjà signalé - alors qu'il s'agit d'une campagne, entre autres, européenne, et au milieu de conflits  majeurs - sont à peine esquissés. A peine! Comme s'ils ne nous concernaient pas...
Même les extrémistes n'arrivent pas à ranimer la flamme!
Mesdames et Messieurs les politiques, ressaisissez-vous, que diable (si j'ose dire!) Il est encore temps de nous surprendre, de quitter la langue de bois, d'élever le débat au-delà des mesquineries institutionnelles.
Permettez-moi de vous dire : on se fout du survol de Bruxelles et de sa Région par les avions de Zaventem, comme on se fout  des animaux chinois mis en cage de luxe dans tel parc zoologique du Hainaut.
On aimerait savoir quel sort vous réservez, chez nous, aux sans papiers, aux sans logis et à ceux qui ont faim.
On aimerait savoir ce que vous allez dire, dans le concert européen, à la Russie, pour qu'elle respecte les frontières des peuples reconnues par le Droit des Nations.
On aimerait savoir comment vous allez distraire un pourcentage significatif de nos richesses au développement des pays les plus pauvres - ne serait-ce qu'aux fins de limiter, de la façon la plus humaine, l'immigration venant de ces pays.
On aimerait savoir comment vous allez développer, chez nous et par le "rayonnement culturel" de la Belgique dans le monde, l'éducation aux Beaux-Arts, au respect du patrimoine, à la connaissance de la diversité religieuse et à ses enjeux dans l'enseignement public ou privé.
On aimerait savoir tout cela.
Pour le moment, on n'en sait rien...
Note de la campagne, à tous les candidats et partis  confondus : 1/20. Pour la couleur des cravates des Messieurs  et la sacoche de Mme Maggy.
Mais vraiment pas plus.
Nous voulons mieux! Parce que nous valons mieux!

samedi 3 mai 2014

"Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître"

En relisant, encore une fois, l'épisode dit "des disciples d'Emmaüs" (Lc 24) que la liturgie propose ce dimanche à notre méditation, je suis intrigué par deux détails du texte.
Au début, d'abord, on n'y lit pas seulement que les disciples ne reconnaissent pas Jésus, mais que "leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître". Et je me demande : qu'est-ce qui les aveuglait? Et qu'est-ce qui nous aveugle? Qu'est-ce qui nous empêche de reconnaître aujourd'hui encore la présence du Ressuscité près de nous? Peut-être... d'abord la raison raisonnante, qui veut que pareille présence soit une fable, une illusion, un épouvantable manque de sérieux de la part de gens normalement constitués (comme me le disait un jour un journaliste de la RTBF, scientiste et franc-maçon : "C'est tout de même étrange, vous avez l'air à peu près intelligent, et vous croyez à des machins pareils"! - A quoi j'ai répondu, sur le même ton : "Ben oui, que voulez-vous, il est probable que je sois plus bête que je n'en ai l'air.")
Mais peut-être y a-t-il encore autre chose, de plus grave : nous sommes aveuglés aussi par nous-mêmes, et d'abord par nos tristesses. Les disciples d'Emmaüs sont tristes, désemparés, déçus, et on a l'impression que ces sentiments les submergent au point qu'ils noient leurs regards comme les pleurs noient leurs yeux, et brouillent aussi la vision de leur cœur. Or il faut que les larmes s'apaisent pour que le cœur apprenne à reconnaître la Présence...
Ce qui les aveugle est peut-être aussi la réalité telle qu'elle est, dans sa banalité : ils retournent chez eux, après l'expérience exaltante vécue en compagnie de Jésus, et rien n'est pire que la déception qui reconduit à la routine. La routine nous tue, nous aussi, elle a beau jeu de nous persuader qu'il n'y a rien derrière la morne répétition, chaque jour, des mêmes gestes, au travail, en famille, dans le ménage, elle nous fait dire :"A quoi bon?"
Tout cela opacifie notre regard, oui.
A l'autre bout du texte, l'autre détail, inverse : "Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent, mais lui disparut à leurs regards." Qu'est-ce qui a ouvert leur regard intérieur? On ne le dira jamais assez : le long compagnonnage avec les Ecritures, en lesquelles peu à peu s'est affirmée la Présence réelle du Ressuscité  ("Qu'est-ce que ces vieux textes peuvent encore nous raconter?", me disait un jour une bonne copine. - "Ils racontent Dieu, ils en sont la Présence à nos côtés." Ou, souvent, à des funérailles ou à un mariage : "On ne pourrait pas remplacer la première lecture par un texte de Gibran ou de je ne sais qui? "- "Mais ce n'est pas l'Ecriture Sainte, ça ne raconte pas la même chose" : difficile à faire entendre, quelquefois.) Et, bien sûr, ce qui a illuminé leur regard intérieur, c'est la fraction du pain - l'eucharistie, le corps brisé, offert.
"Mais lui disparut à leurs regards." Et qu'ont-ils vu? Plus personne! Leurs yeux se sont ouverts pour ne plus voir personne! C'était leur intériorité qui avait été illuminée de la Présence, Présence à jamais présente, qu'on ne voit pas, qu'on n'a pas besoin de voir avec les yeux de chair.
Expérience de la Résurrection -  notre expérience, si nous y consentons, tout entière ramassée là, dans ce texte de Luc.