samedi 16 août 2014

Transgresser nos frontières...

Impressionné par les lectures de ce dimanche...
L'Evangile, d'abord (Mt 15, 21-28) où Jésus, le Juif, se laisse en quelque sorte, et si j'ose dire, "évangéliser" par une païenne, par la Cananéenne. Oh, il ne cède pas tout de suite, ni à sa requête, ni à la transgression - il l'a bien vu - que céder à sa requête supposerait : traverser les frontières de l'appartenance à sa religion, à son peuple, à sa race! "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël", dit-il d'abord dans un mouvement qui semble instinctif. Il va même plus loin, qualifiant de "petits chiens" les non-Juifs par rapports aux "enfants" qui, eux mangent à la table : c'est presque injurieux!
La foi de la femme, comme il le dira lui-même, le convainc, une foi qui n'a rien d'arrogant et qui tranche par son humilité sur le caractère sectaire des paroles de Jésus : "Les petits chiens, dit-elle, mangent bien les miettes..." Jésus est comme retourné, et oui, osons le mot, "évangélisé", cette femme lui a ouvert un aspect jusque là ignoré de sa mission : la foi est au-delà des appartenances.
Isaïe l'avait déjà dit (Is 56, 6-7) et c'est la première lecture : "Les étrangers qui se sont attachés au service du Seigneur... je les conduirai à ma montagne sainte." Et saint Paul, méditant avec des païens devenus chrétiens, les Romains (Rm 11, 13-32),  sur l'élection du Peuple élu, aura une formule bien dans son style : il n'y a plus de privilège, dira-t-il, le Christ a fait éclater ces saluts factices qui tiennent par la naissance, la race, la nation, on ne sait quoi : "Tous les hommes, Dieu les a enfermés dans la désobéissance, pour faire à tous miséricorde!" Dans le Christ, Dieu a détruit tout mérite préalable, en démontrant que personne n'est  a priori digne de rien : Dieu seul sauve, précisément par la foi, et non par aucun autre stratagème d'appartenance.
Ce qui se raconte là, dans les lectures de ce dimanche, devrait désamorcer toute velléité de violence religieuse, et cela, à jamais. Aucun cercle, aussi légitime soit-il,  n'est "le" bon : ni l'Eglise catholique, ni une autre, ni une autre religion, puisque ce n'est pas à partir de l'appartenance qu'il faut songer au salut, mais à partir de la foi. Il n'y a plus d'institution  "supérieure" ou "inférieure"  (aussi nécessaire soit l'institution) - il n'y a plus qu'un peuple de sauvés, et d'abord sauvés de la crétine conviction de posséder le vrai, ou le bien avec le vrai ("Dieu a enfermés tous les hommes dans la désobéissance!") En insistant sur le dialogue interreligieux et "interconvictionnel" comme sur un élément constitutif de la foi chrétienne, les papes contemporains (Jean-Paul II, Benoît XVI, François) ont voulu, me semble-t-il, mettre cette idée biblique et évangélique au cœur de la foi chrétienne  - ils ont voulu dire, pour faire bref,  qu'on ne saurait être chrétien en-dehors de ce point de vue. Voir les rencontres d'Assise... qui exaspèrent, précisément pour ce motif, les intégristes catholiques.
Est-ce du relativisme?  Non, c'est une conviction, et dogmatique, s'il vous plaît!
Mais à quels abîmes de retournements, de conversions, ne conduit-elle pas - c'est une théologie à refaire, et en urgence! Une théologie de la transgression des frontières...

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