samedi 21 février 2015

Solitude, silence et tentation : désert

Chaque année, le premier dimanche du Carême nous rapporte l'épisode de la présence de Jésus au désert. L'évangile de Marc, lu aujourd'hui, est le plus bref - il ne détaille pas les "tentations" subies, mais y précise que Jésus fut là quarante jours, entouré à la fois d'anges et de bêtes sauvages, juste avant qu'il ne se mît à prêcher.
Le désert...
Lieu géographique, certes, biblique, éminemment : lieu de l'exode, en premier et, pour le Peuple Juif, Peuple de la première alliance, lieu de la libération, de la sortie de toute servitude. Lieu de la tentation, aussi : celle du veau d'or, de l'idolâtrie toujours possible, au moment même où la Torah est donnée comme possibilité de rester libre. Lieu de la faim, de la manne, du Rocher qui abreuve.
Mais le désert n'est pas qu'un lieu géographique : il dit surtout une itinérance intérieure.
Le Carême est une injonction : "Va dans ton désert", "Va là où tu es seul, face à toi-même, enfonce-toi dans ton silence, apprends des tentations inévitables à rejeter tes idoles, laisse-toi libérer, résiste à tes bêtes sauvages et laisse-toi aimer par tes anges."
C'est bien plus que de renoncer à un bout de chocolat ou à je ne sais quoi. Le Carême, c'est la découverte du désert hors lequel il n'y a pas de Vie possible.

mercredi 18 février 2015

Mercredi des Cendres

Il était difficile, ce matin, malgré les louables efforts des enfants de chœur qui versaient de l'eau sur mes mains, de débarrasser mes doigts des poussières de cendres qui les salissaient. C'est que j'avais imposé ces cendres à une longue litanie de fidèles, et que ça marque bien le pouce... C'est la saleté de nos misères, de nos péchés, de nos morts présentes et à venir, c'est la crasse du monde et des hommes, qui souillent ainsi nos fronts en y traçant très justement la Croix du Seigneur - elle rassemble aussi tout cela en elle. La Croix des hommes, la Croix du monde, que le Christ a portée, nous en sommes à jamais marqués.
Une seule eau nous en  lave vraiment : celle du baptême.
Le baptême est non seulement au terme, mais d'abord à l'origine de la période quadragésimale. Reprendre conscience du baptême, accompagner des catéchumènes, c'est toute la portée de ce temps béni.
Et justement, de retour à la sacristie, j'apprends par le secrétariat qu'aujourd'hui un catéchumène adulte - un jeune d'une bonne vingtaine d'années - qu'on pensait "perdu de vue",  a repris contact avec la paroisse, et demande encore à être baptisé. Ah! Ces clins d'œil!

lundi 16 février 2015

Ne pas se laisser impressionner par le mal...

A chaque jour son horreur nouvelle : le soi-disant "Etat islamique" décapite, enferme dans des cages des enfants chrétiens qu'il va brûler vifs comme il l'a fait avec le pilote jordanien, précipite du haut d'un immeuble des types soupçonnés d'être gays, et on en passe... On dirait un concours de salauds et on risque d'oublier que d'autres, il n'y a pas si longtemps, ont joué des mêmes terreurs : dans les sinistres camps dont on vient de fêter la libération, certains nazis (à l'origine bien chrétienne, et bons catholiques) s'amusaient à fabriquer des lampadaires en peaux de juif...
Ce n'est pas telle ou telle nation, ni telle ou telle race, ni telle ou telle religion, qui est cruelle.
C'est l'humanité qui est marquée par le mal - ce mal "originel", ce mal d'avant la faute, si justement décrit par Augustin.
Il faut résister au mal, c'est-à-dire d'abord, ne pas se laisser impressionner par lui. Le nommer. Lui faire face. Dénoncer, bien sûr, empêcher autant que possible, aussi. Mais surtout lui faire face.
Le Christ fait face au mal, sans concession, sans peur, en sachant par avance que ce mal le tuera.
(La crucifixion, dans la gamme des tortures et des sadismes, ce n'est pas rien non plus...)
Il crie jusqu'au bout sa soif d'une autre humanité, il demande pardon, il intercède. Il aime. Oui, il aime ces salopards qui ont ri de le voir livré aux bourreaux stupides et aux petits jeux politiques de son temps.
C'est là que s'origine la force chrétienne, la force "dans la faiblesse" (dira saint Paul), la seule force efficace contre le mal. Il n'y en a pas d'autre, en tous les cas sur le long terme, il n'y a pas d'autre guérison profonde que celle du cœur humain apprenant à aimer au jour du Vendredi-Saint.
Ces malades de Daesh disent "Nous tuerons les peuples de la Croix", désignant ainsi les chrétiens. Et nous disons, doucement, avec une infinie compassion parce qu'ils sont aussi nos frères : "Oui, nous sommes les peuples de la Croix", nous avons trouvé dans le Christ en Croix la seule manière de faire reculer les ténèbres du mal - oh! nous n'y avons pas toujours été fidèles dans l'histoire, ça, c'est sûr, parce que le mal a beau jeu de se lover dans les meilleures intentions, et nous avons été cruels comme les autres, et nous n'avons de leçon à donner à personne. Mais nous sommes et nous resterons les peuples de la Croix.
Si somos todos de la banda del Crucificado, "Nous sommes tous de la bande du Crucifié", écrivait la Madre Thérèse d'Avila dans une Correspondance de 1577. Nous n'avons pas d'autre regard sur le mal que celui du Crucifié. Pas d'autre victoire - mais c'est la résurrection.

dimanche 15 février 2015

Autour de Simon...

Une nouvelle fois, retrouvailles autour de Simon, à Abbeville.
Simon était un  jeune garçon, emporté voici douze ans par une méchante tumeur cérébrale. Et depuis lors, fidèlement, chaque année, famille et amis se rassemblent dans sa petit église paroissiale, dans la banlieue d'Abbeville.
Ses parents et grands-parents, son frère (jumeau) et ses sœurs, ses oncles et tantes, ses nombreux cousins, ses amis, et les amis des amis...  chaque année plus nombreux, en tout une centaine de personnes. Une petite chorale anime la messe, la parole est aux jeunes pour les lectures et les intentions, nous célébrons tout simplement l'eucharistie, nous essayons de nous mettre à l'écoute de la liturgie du jour.
Cette fois-ci, le passage de l'évangile de Marc où il est question de la guérison du lépreux. De sa réintégration par Jésus dans la société des hommes. Une page admirable, qui n'a rien d'une anecdote, mais raconte quelque chose de perpétuel, de définitif, dans  la foi des chrétiens et  leur vision du monde : l'exclu est premier, il faut le mettre au cœur de soi, au cœur de sa vie, au cœur de son projet de vie, sinon nous ne serons jamais des hommes, mais resterons  des pantins égoïstes.
Chaque année, l'assemblée s'accroît de visages nouveaux et aussi de détresses nouvelles.
Après la messe, vu cette maman qui vient de perdre dans un brutal accident de voiture son mari et son fils - elle n'était plus que fontaine de pleurs, je l'avais remarquée pendant la communion, mais elle était là, elle était debout et elle le restera.  Et cette autre maman, qui me raconta que son fils venait de devenir fille, avec la cascade d'exclusions, précisément, que cela provoquait - le regard des autres, les ricanements, les jugements qui s'ajoutent aux souffrances intimes, médicales, psychologiques.
C'est le miracle de Simon, qui de son éternité se penche avec amour sur le quotidien de nos vies d'hommes, des vies cassées, fragiles, meurtries, mais qui sont rendues capables de tout traverser avec la joie de Dieu.
C'était le Christ, bien sûr, qui nous rassemblait tous, mais sur l'invitation de ce petit - de cet immense - jeune  garçon.
Chaque année, à Abbeville, il ne s'agit pas de commémorer un mort, mais d'écouter le Vivant.
Chaque année, être partie prenante de  cette fête, plus festive que toutes les fêtes connues, parce que c'est une fête qui vient de l'intérieur, du plus intime, oui, chaque année, cela me remplit de reconnaissance et d'émerveillement.
Si l'idée de "communion des saints" - communion des vivants, de ceux qui veulent, qui aiment la vie, qu'ils soient déjà dans l'au-delà ou encore dans l'ici-bas, si cette idée a un sens, alors il faut aller un jour en toucher la réalisation concrète dans cette petite église du bord d'Abbeville...

jeudi 12 février 2015

L'Eglise et la culpabilité

Reçu, cet après-midi, des paroissiens dont l'un surtout, plus âgé, me dit avec force, presqu'avec violence, combien l'Eglise Catholique de son enfance et de sa jeunesse a exacerbé en lui le sens morbide de la culpabilité. Ce n'est pas, malheureusement, la première fois que j'entends ce discours, que je ne peux qu'écouter : oui, la prédication et la catéchèse ont été souvent, et quelquefois restent encore, bien malhabiles, moralisatrices, et j'ose même dire : perverses par rapport au message de libération que l'Evangile apporte.
Il est un adage scolastique qui trouve ici sa pleine application : corruptio optimi pessima, "la pire perversion (corruption) est celle du meilleur." C'est vrai de la gastronomie : laisser se gâter une piquette, une vinasse "issue de différents cépages de l'Union Européenne", ce n'est pas grave : c'était déjà de la piquette au départ! Mais si, par faute de soins, on laisse se gâter un magnifique Petrus, c'est abominable! Or, le christianisme, c'est encore bien mieux qu'un magnifique Petrus : c'est "le meilleur", cela j'en suis convaincu. Et donc, sa corruption en moralisme accablant est la pire chose qui soit, et elle laisse des traces durables, profondes, blessantes.
Par hasard ou par grâce, je n'en sais rien, j'ai moi-même, me semble-t-il, échappé à une pareille présentation pervertie du christianisme. Sincèrement, si je me rappelle mon enfance, je n'ai jamais eu l'impression que la foi chrétienne me culpabilisât : le curé de mon village était un homme délicieux et libre, ma vie au Collège - en internat, pourtant - fut bienheureuse et joyeuse, mes parents vivaient leur foi d'une façon très sincère et très libérale en même temps, et j'oserais dire qu'ils ne "soupçonnaient jamais le mal", ou du moins alors qu'ils le cachaient bien. Bref, je n'ai jamais rien ressenti de pesant dans cette foi, sinon, vu mon tempérament, je l'eusse envoyée au diable (c'est le cas de le dire.) J'ai très tôt connu des contradicteurs, des libre-penseurs, des athées - ils venaient à la maison, nous nous aimions - et j'ai toujours eu le goût de la discussion que mon père cultivait beaucoup. J'ai gardé ce goût en théologie - on appelle cela, alors, mais il faut donner  au terme sa modeste mesure, la disputatio, la "dispute", la palabre, argument contre argument. J'essaie de respecter toujours les appartenances des personnes, car ces appartenances à mes yeux comptent beaucoup moins que leur qualité, précisément, de personnes, dont je suis persuadé qu'elles ont toutes et chacune quelque chose à m'apporter.
Donc, je n'ai pas eu la même expérience. Et je souffre de la souffrance de ceux qui ont été pareillement meurtris.
Comment faire?
Ecouter, sans doute.
Reconstruire le dialogue interrompu par les raccourcis fanatiques et stupides du passé ou du présent.
Parler, parler encore.
Rendre compte, sans doute aussi, de sa propre foi, de la libération intérieure et extérieure qu'on y trouve, comme et après des générations et des générations de grands témoins qui ont marqué l'humanité par leur appartenance chrétienne et l'œuvre qu'ils en ont tirée : j'ai évoqué cet après-midi, avec mes interlocuteurs, Thérèse d'Avila, mais on pourrait citer : Paul, Augustin, François d'Assise,  Vincent de Paul, Thérèse de Lisieux, Pascal,  Claudel et Bernanos, Péguy et Marie Noël, et tant et tant d'autres, anonymes ou connus, canonisés ou non.
Cela dit, rien ne refermera jamais la blessure de cette corruptio pessima...
Et dès lors, il faut aussi mettre en garde tous ceux qui, par vocation, par métier ou par goût personnel, présentent la foi chrétienne (prêtres, catéchistes, etc.)  : qu'ils fassent attention à ce qu'ils en disent. Les dégâts  en effet peuvent être redoutables, quand on veut, par commodité sociale, réduire le message biblique et évangélique à une prescription rituelle ou morale.
Nous ne serons jamais trop sur nos gardes. C'est l'une des tâches de la prière - de l'oraison - que de purifier la source.

mercredi 11 février 2015

Prière du soir pour temps troublés

Les temps sont troublés, les cœurs aussi. Lorsque montent le soir et la nuit, il faut se rassembler, accueillir en soi ses propres manques, ses failles et ses déchirures, et tout remettre entre les mains aimantes de Celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes et peut nous offrir sa paix.  J'ai rouvert encore une fois la "Somme de poésie" de Patrice de la Tour du Pin, et voici sa prière au Christ - et la nôtre, peut-être :

Détourne-nous de nos chemins mortels
Et conduis-nous sur tes pas pour renaître :
La tendresse du Père est pour les plus petits.
Aide-nous à entretenir la voie secrète du royaume

Dans notre marche avec toi, ressuscité.
L'Esprit Saint nous couvre de son ombre,
Mais ton jour se prépare dans ton corps :
Sur la croix de la vie,
Tu es le fruit qui s'est livré
A la faim et à la soif des hommes
Avec toute semence pour leur accomplissement.

A toi le règne,
A toi les puissances et les gloires,
Dans tous les temps passés, présents et à venir!

Seigneur Jésus-Christ,
Tu ne t'es pas laissé prendre au mensonge
Et tu avances pour nous l'heure de vérité
Dans ce repas que nous venons partager;
En te soumettant nos pensées de créatures,
En te rendant nos désirs et nos gloires,
Nous prions l'Esprit Saint
De faire lever en nous les germes de ce qu'il a semé,
Afin que nulle vanité ne nous égare,
Que nul plaisir, nulle douleur de ce monde
Ne nous éloignent de toi ressuscité.
Nous ne demandons pas de signes de ta puissance
Puisque nous devons être nous-mêmes tes signes
De vérité, de justice et d'amour,
Et que le même Esprit qui menait ton corps de chair et de sang
Mène le corps que tu t'es fait avec des hommes.

A toi les pouvoirs,
A toi la liberté et la beauté,
Dans tous les temps passés, présents et à venir!

Du fond du cœur nous te remercions encore
De la grâce de paix que tu nous offres;
Comme tu as affronté avec elle ta passion,
Maintiens-la dans nos luttes pour la vie éternelle
Et la passion que chacun de nous doit souffrir.
Qu'elle fasse par nous ce que qu'elle veut faire,
Qu'elle nous conduise où nous ne pouvons aller,
Vers le jour où toute terre sera pacifiée;
Et que le monde en nous voyant ainsi libérés
Reconnaisse notre libérateur.

(P. de la TOUR du PIN, Une Somme de Poésie. III. Le Jeu de l'Homme devant Dieu, Gallimard, 1983, pp. 316-317..)

lundi 9 février 2015

La foi et la raison

Le laïcisme ne vaincra pas le fanatisme religieux. Les expressions de plus en plus virulentes d'une certaine "laïcité" (ou prétendue telle : en fait, un athéisme militant, agressif et souvent méchant), qui souhaiteraient  faire disparaître toute manifestation publique du religieux, vont provoquer, évidemment, l'effet inverse, à savoir l'exacerbation d'un sentiment d'autant plus délirant qu'il sera frustré. Cela, aussi bien chez les Catholiques que chez les autres Chrétiens, chez les Juifs ou chez les Musulmans.
La suppression programmée des cours de religion (quelques délais que l'on prenne, pour faire bonne figure), les coupes prévisibles dans les budgets publics alloués aux cultes (et à la laïcité organisée? nous verrons...), la volonté de relégation de toute parole religieuse dans la soi-disant "sphère privée", tout cela est peu conforme à l'idée positive que je me fais de la laïcité, qui devrait favoriser et réguler la libre expression des cultes et opinions philosophiques, dans le cadre d'une Constitution démocratique. Mais en outre, tout cela risque d'alimenter le développement d'un religieux souterrain, de plus en plus séparé de l'Etat de droit, et donc, de plus en plus dangereux.
On a déjà essayé de faire taire la foi des hommes, et à grande échelle, dans certaines expériences du XXème siècle. On connaît le résultat...
Une seule alliance est capable d'endiguer le religieux pour lui faire porter un fruit de progrès, de paix, de justice pour le monde : celle qui unit la foi et la raison, à savoir :  une présentation critique des sources religieuses. Une discussion ouverte et multiple, sans cesse reprise, dans toutes sortes de cercles et de cénacles - des universités aux paroisses, en passant, mais oui, par les Centres d'Action Laïque. Evidemment, un maintien et un renforcement des cours de religion, précisément pour apprendre aux enfants et aux adolescents, dans le cadre scolaire, cette approche critique. Evidemment, un maintien des subsides alloués aux cultes - car qui subsidie contrôle - pour éviter qu'ils n'aillent se financer ailleurs et par exemple auprès de bailleurs de fonds étrangers et mal intentionnés.
Dans notre pays, on manque terriblement de débats sérieux sur cette question, préférant la caricature et les slogans à un minimum de bon sens intellectuel. La foi ne s'appréhende que dans la raison - sauf à devenir, alors, déraisonnable, sauf à  "perdre la raison" en effet, à devenir folle, meurtrière, mensongère; et la raison ne saurait se débarrasser purement et simplement de l'horizon de la foi (même si elle n'y croit pas), sauf à se priver d'une source évidente d'intelligibilité de l'homme. Socrate, le philosophe, n'était-il pas allé frapper à la porte d'un dieu, chez l'Apollon de Delphes et sa Pythie, pour tenter de comprendre l'homme qu'il était?
Le fanatisme ne reculera que face à l'alliance de la foi et de la raison - si on donne à cette alliance les moyens qu'elle réclame - et qu'elle mérite!

samedi 7 février 2015

Nous ne serons plus pessimistes

Le pessimisme est un cancer. Il se nourrit de nostalgies et de frayeurs, les unes et les autres largement fantasmées. Les vieux grincheux ressassent les premières, à tous les âges : "Notre époque ne saurait être que la pire", ronchonnait déjà cet emmerdeur de Caton (l'Ancien), comme si le passé toujours avait été un âge d'or! Pour les prophètes de malheur qui prédisent le feu et le sang, je vous laisse choisir : ils sont trop nombreux, ils défigurent tous les médias en ce moment et alimentent leurs apocalypses du terrorisme (en effet inquiétant), de la situation économique (effectivement  difficile) ou d'un relâchement complet de la morale publique (mais peut-on la relâcher davantage?)
Le chrétien n'est pas pessimiste et ne saurait l'être.
A la troisième question de Kant ("Que m'est-il permis d'espérer?"), il répond "Tout", avec le sourire.
Et, d'abord  : la Vie, la Vie avec un "V" majuscule, la Vie plus forte que la mort,  la Vie qu'il pressent et voit inaugurée en Jésus, dès son ministère public.
Le passage de l'Evangile de Marc, lu ce dimanche, une espèce de "sommaire" de la première activité de Jésus, en atteste : il relève de sa fièvre la belle-mère de Simon (le verbe est "réveiller", en grec, également utilisé plus tard pour dire la résurrection), il chasse les démons (tous nos démons - nos saloperies de petits diables intérieurs qui nous intiment l'ordre de rester dépressifs, qui nous murmurent "A quoi bon te bouger?", comme disait Bernanos...), il se relève lui-même  la nuit (le verbe, employé au participe, anastas, est, également, un verbe de résurrection) pour prier - et tout cela se passe dans la soirée du sabbat et l'aube du premier jour de la semaine - au temps, on voudrait dire au "tempo",  de la résurrection.
Ce n'est pas une histoire passée : racontée ainsi, telle qu'elle l'est, par l'évangéliste, c'est notre histoire, une histoire de Vie et de feu, de passion et de relèvement, de guérison et d'assainissement du cœur, du corps, de l'être humain tout entier.
"Que m'est-il permis d'espérer?" - que cessent les guerres, que les humains se calment, que la bêtise cède la place à la sagesse, que les injustices soient réparées, que les malades soient guéris, que nous soyons enfin heureux sur la terre? Oui, sans doute, oui, bien sûr, mais d'abord : que le cœur humain soit purifié, pacifié, restauré, rendu capable d'aimer, par cette puissance de Résurrection, de Vie et de feu, présente en Jésus aujourd'hui comme hier. Sans cela, aucun autre souhait ne connaîtra jamais l'ombre d'un accomplissement. Mais cela, qui est le cœur de tout, est possible aujourd'hui comme il y a deux mille ans - le temps est aboli pour cette œuvre de Dieu, le contemporain de nos plus grands désirs.
Nous ne serons plus jamais pessimistes. Nous n'en avons pas le droit. Notre espérance, qui vérifie au quotidien notre foi - qui en fait la vérité - nous l'interdit.