samedi 4 avril 2015

Homélie pour le Samedi Saint à Enghien : l'énigme résolue du jeune homme nu

Dimanche dernier, en lisant la Passion de saint Marc, j'avais fait observer cette notation étrange de l'évangéliste : au Jardin des Oliviers, Marc signale la présence d'un jeune homme (neaniscos) seulement vêtu d'un drap - d'un "linceul", pour être précis - et qui, dans sa fuite, lâche le drap et s'enfuit tout nu. Et j'avais signalé qu'il fallait chercher ce jeune homme ailleurs, dans le même évangile de Marc : nous venons de le retrouver, dans le récit du tombeau vide.
Oui, le neaniscos, le "jeune homme" est là, assis dans le tombeau : c'est lui qui accueille les femmes venues de grand matin embaumer le corps de Jésus. Il n'est plus nu, mais vêtu, "d'une étole blanche", dit précisément le grec. Il a troqué le linceul inutile pour ce vêtement de fête.
Qui donc est ce jeune homme? Mais c'est nous, bien sûr, chacun de nous, introduit ainsi par le génie de l'évangéliste au cœur du mystère pascal. Et, plus précisément, c'est chaque baptisé. En vivant de l'intérieur, avec son cœur, le mystère de la résurrection du Christ, chaque baptisé est à la fois dépouillé et revêtu. Dépouillé, avec Jésus, de tout ce qui jusque là pouvait lui sembler le tenir en vie, dépouillé des faux-semblants, dépouillé même du drap  dérisoire - du linceul - dont on recouvre la mort humaine pour la dérober à nos regards. La Passion de Jésus, qui rejoint et englobe toutes les nôtres, nous laisse nus, absolument nus, livrés sans secours, comme Adam, à la honte de la condition humaine : Adam, au premier Jardin, vit qu'il était nu et en conçut de la honte. Mais la traversée, avec le Christ, de la souffrance et de la mort, une traversée consentie par amour, nous fait surgir du tombeau de nos vies. Et nous revêt d'un vêtement de fête : nous voici non plus nus, mais vêtus, revêtus de l'étole de joie.
Ainsi les baptisés de Pâques nous rappellent-ils à tous notre vocation baptismale et notre destinée chrétienne. Ils apprennent, ils apprendront, à regarder comme rien, comme dérisoires, les vêtements de leur vie passée. Les vêtements, c'est-à-dire les oripeaux, ce dont on cherche toujours à revêtir la vanité de la vie, lorsqu'elle n'est pas solidement fixée, jusqu'au cœur, dans sa dimension spirituelle. Ils acceptent jusqu'à ce cœur la nudité, la fragilité de la condition humaine, ils consentent à la plonger, à la "baptiser" dans celle du Christ qui, pour nous, s'est dévêtu de tout, de tout honneur divin ou de toute gloriole humaine, jusqu'à offrir sa vie et sa mort, nu, sur la Croix. Ils accueillent avec joie la Vie nouvelle du Ressuscité, cette Vie inédite, inattendue, qui surgit de nos tombes elles-mêmes,  de nos échecs, de nos erreurs, de nos péchés, pour nous rendre à la joie d'être de vrais Vivants.
Les baptisés de Pâques sont au milieu de nous le signe de la Joie.

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