lundi 27 avril 2015

Quelle générosité?

Quelques personnes, ayant lu mon précédent post sur ce blog, me demandent ce que je préconiserais concrètement en matière d'accueil des migrants.
Voilà donc.
Si chaque famille "moyenne" pouvait accueillir une famille, pour un temps limité, dans des maisons où, par exemple, les grands enfants partis, on a de la place.
Si les presbytères (le mien compris) et les églises pouvaient en faire autant, ainsi que les salles paroissiales et autres lieux publics qui ne sont pas régulièrement remplis.
Si, dans ce contexte, on pouvait partager non seulement son toit, mais aussi sa nourriture.
Et surtout, surtout, son amitié, son amour de l'autre, de celui, en particulier qui est en détresse, qui n'a plus d'espoir chez lui, qui va y mourir s'il y reste et qui risque d'en mourir s'il en part...
Alors mon pays - et si ces mesures étaient collectives ou européennes, "mon" Europe - reprendraient à mes yeux la valeur qu'ils perdent de jour en jour en accumulant les restrictions, les réserves, les renoncements, en se barricadant.
(Mes parents ont fait cela, en leur temps, en accueillant dans leur ferme des réfugiés républicains espagnols, pendant l'horrible guerre civile qui à la fin des années trente a ensanglanté ce pays magnifique. Je dois bien à leur mémoire d'écrire ici ce que j'écris, et de préconiser ce que je préconise. Et mes parents, qui n'étaient pas riches, qui étaient des paysans modestes,  n'étaient pas les seuls - beaucoup de Belges à l'époque  ont été généreux.)
Alors, me semble-t-il,  les jeunes - les jeunes qui sont, paraît-il, le premier souci de la politique! - verraient ce qu'est une patrie,  digne de ce nom (le lieu où l'on reçoit et où l'on transmet le meilleur héritage de ses pères) : une communauté fraternelle, ouverte à l'universel, solidaire. Alors ils grandiraient d'un coup, hommes et femmes enfin mûris par l'exercice de la fraternité. Ils auraient appris qu'en ce monde rien ne se possède qui ne doive être partagé, sauf à devenir un poison pour qui veut tout garder sans rien donner. Ils deviendraient les amis d'autres jeunes, jeunes comme eux mais à l'inverse d'eux privés de tout, et ces nouveaux venus changeraient à jamais leur vie et leur regard sur le monde.
Je ne suis pas économiste, mais je suis sûr, au plus profond de moi, que cela ne ferait aucun tort à l'économie, car on ne se fait jamais aucun tort quand on vient au secours de celui qui en a besoin.
Je rêve d'un pays où l'on apprenne cela, où on le vive.
Et ce rêve est "par delà la religion", je le crois universel :

"Cymodocée commençait à sentir une vive frayeur, qu'elle n'osait toutefois laisser paraître. Son étonnement n'eut plus de bornes lorsqu'elle vit son guide s'incliner devant un esclave délaissé qu'ils trouvèrent au bord d'un chemin, l'appeler son frère, et lui donner son manteau pour couvrir sa nudité. 'Etranger, dit la fille de Démodocus, tu as cru sans doute que cet esclave était quelque dieu caché sous la figure d'un mendiant, pour éprouver le cœur des mortels?' - 'Non, répondit Eudore; j'ai cru que c'était un homme.' " (CHATEAUBRIAND, Les Martyrs)


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