vendredi 29 mai 2015

Les liturgies républicaines

Retour de Paris, où j'étais depuis mercredi après-midi, pour assister à deux liturgies républicaines : la première, vécue de loin, depuis la foule de la rue, la "panthéonisation" de deux hommes et de deux femmes en effet remarquables. J'étais frappé de voir combien cette cérémonie est au fond un décalque laïc de la canonisation catholique : exhumation des cendres, entrée solennelle dans une église (même laïcisée), ornée des portraits des nouveaux élus. Discours attendu du pape (pardon : du Président de la République...)
Président de la République que j'ai retrouvé le lendemain (hier donc), mais là, de plus près, en plus petit comité, et étant invité, à l'Académie Française, pour participer à la réception de Dany Laferrière sous la Coupole. Beau moment : j'y étais convié parce que le nouvel académicien devait faire l'éloge de son prédécesseur, qui fut mon ami Hector Bianciotti. Et l'éloge fut remarquable, à la manière d'un conte rempli d'érudition et de délicatesse. C'était - j'ai compté - la cinquième fois que j'assistais à ce genre d'événement (en vingt ans, ça va, je ne me fais pas l'impression d'abuser de mondanités.)
Dans les deux cas (Panthéon, Académie, de loin ou de près), je suis frappé par le rituel républicain, par son panache, sa solennité. Les Français, quand ils le veulent, savent y faire, pour rappeler l'importance de certains moments, de certains gestes, de certaines transmissions qui touchent à la mémoire, à l'histoire, à la littérature. Et, dans ces rituels, il y a quelque chose d'universel : certes, c'était mercredi la "Résistance" française qui était honorée mais, à travers elle, la Résistance, tout court, à tout ce qui entrave la dignité de l'être humain. Et hier, c'était la langue française, la langue de la France, certes, mais aussi celle de tant de peuples dans le monde - Dany Laferrière est haïtien de naissance, canadien d'adoption, et Hector était argentin -, qui était révérée, oui, comme facteur d'entente et d'unité des peuples, de culture, de fraternité.
La France délivre, à travers toutes les vicissitudes de son histoire, un message à caractère universel, celui, depuis saint Louis,  d'une certaine idée de la justice, depuis Louis XIV, d'une certaine idée de l'Etat et de sa nécessaire autorité, depuis la Révolution, d'une certaine idée des "Droits de l'Homme et du Citoyen", depuis de Gaulle, d'une certaine idée de la Résistance, et ainsi de suite. Je ne prétends pas qu'elle honore toujours ces idées dans les faits - ça, c'est la faiblesse humaine - mais elle en porte le flambeau partout dans le monde, et notamment par le rayonnement de sa culture et de sa langue. Qu'elle continue!
(Ceux que cela intéresse peuvent lire l'intégralité des discours d'hier, à l'Académie Française, sur le site : http://academie-francaise.fr)

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