vendredi 5 juin 2015

L'Eucharistie, un sacrifice?

Ce dimanche, nous célébrons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, qu'on appelait autrefois la "Fête-Dieu", fête de l'Eucharistie.
... "le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait, pain de la vie éternelle et coupe du salut", comme le proclame le Canon Romain (la Première Prière Eucharistique), où l'on entend "le" un peu dans le sens de l'anglais "the", "l'unique sacrifice, le sacrifice par excellence".
Dans nos mentalités, le mot a du mal à passer, aujourd'hui...
Alors, revenons-y.
Le Premier Testament nous habitue à des rituels de sacrifices d'animaux, comme en rapporte la première lecture tirée de l'Exode, où le sang ainsi répandu est censé jouer un rôle de conciliation avec Dieu. Par rapport à des pratiques antérieures ou concomitantes dans d'autres religions, les animaux étaient une substitution  : pour les Juifs pieux, il n'était pas concevable de sacrifier des êtres humains. Mais la vie (le sang) ainsi offerte était épandue pour rapprocher l'offrant et son Dieu, source de toute vie. L'idée centrale du sacrifice ("faire du sacré") est en effet de diviniser la vie humaine, de lui conférer sa plus haute dignité. C'est-à-dire, d'abord, de la purifier : ainsi Moïse, dans le passage déjà évoqué, asperge-t-il le Peuple avec ce "sang de l'alliance", pour qu'il soit purifié de ses péchés, et se rapproche de Dieu.
A l'époque de Jésus, la même conviction sous-tend les sacrifices offerts au Temple par les prêtres : le sang des animaux est abondamment répandu pour rapprocher Dieu et le Peuple, et sanctifier ce dernier. L'idée que la mort de Jésus puisse être "sacrificielle" ne pourrait  absolument pas germer dans cette conception : son exécution est considérée, très certainement, par les prêtres et les religieux Juifs,  comme l'aboutissement d'un double procès et l'extirpation d'un faux prophète, d'un mauvais sujet.
C'est dans la foi à la résurrection que la mort de Jésus va être ré-interprétée, comme le fait la Lettre aux Hébreux (deuxième lecture de ce dimanche) : l'offrande que Jésus fait est définitive, le sang qu'il verse lui-même fait de lui le prêtre définitif et la victime définitive. Désormais, et pour toujours, Dieu et l'homme se sont rapprochés, la Vie a rejoint la vie et la féconde souterrainement, le Peuple est purifié, les péchés sont pardonnés. Le sacrifice est accompli, une fois pour toutes.
La parole du prophète Osée, surtout, est réalisée : "Je veux, avait dit Dieu par sa bouche, la fidélité et non le sacrifice, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes." (Os 6, 6) En l'offrande de Jésus, cette mort vécue par lui comme un don volontaire et aimant, nous savons qui est Dieu : miséricorde et pardon, jusqu'au bout. Et quiconque s'approche de cette connaissance apprend la miséricorde et le pardon.
Dans la Pâque juive, le pain azyme (non levé) signifiait certes l'urgence des préparatifs pour l'exode, mais aussi la purification du cœur (le levain, le fermenté, ce n'est pas pur.) Les chrétiens d'Occident ont gardé la coutume de célébrer l'Eucharistie, perpétuation toujours et partout de l'unique sacrifice de Jésus, avec du pain azyme - nos "hosties" : manière de dire aujourd'hui encore ce qu'est ce sacrifice. Non pas un acte sanglant, mais une manière de faire entrer Dieu dans nos vies d'hommes, et donc l'appel à nous purifier de nous-mêmes pour lui laisser la place.
Ainsi lisons-nous mieux peut-être le texte de la Lettre aux Hébreux, proclamé lors de cette fête  : "Le Christ, poussé par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant." (He 9)

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