vendredi 28 août 2015

L'oraison comme renaissance : "Renais du Vent!"

Parmi tous les passages énigmatiques des Ecritures judéo-chrétiennes (et il y en a beaucoup...), la page qui rapporte, au début de l'Evangile de Jean (Jn 3), la rencontre nocturne entre Jésus et Nicodème constitue sans aucun doute un sommet.
"Tu dois renaître", dit Jésus à ce religieux juif, pétri de convictions et de pratiques (pharisien), mais tout de même curieux de ce "rabbi" si neuf et  qu'il aime à entendre. Nicodème est venu de nuit - métaphore de nos ténèbres intérieures - trouver Jésus, sans doute pour ne pas être vu, surtout pour lui parler de sa nuit.
"Comment un homme déjà vieux peut-il renaître", s'étonne-t-il?" Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et ressortir?"
Quel imbécile!
L'évangéliste aime à se moquer de ces prétendus lettrés, de ces prétendus religieux, de ces prétendus pieux, qui décidément ne comprennent rien à rien. Entendez : il aime à se moquer de nous.
C'est pourtant tout simple, et c'est inattendu : "Renais", dit Jésus. Qui ajoute, pour ceux qui n'auraient pas compris : "Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de tout homme né de l'Esprit."
Ah! Cette renaissance, quel appel à liberté : ni plus ni moins la liberté du vent dans les feuillages et sur les plages et dans les tempêtes et dans les alizés... Sa force et sa douceur : renaître de cela!
L'oraison n'est propriété de personne : "L'Esprit souffle où il veut." Aucune institution n'en est maîtresse - ce pourquoi, du reste, on s'est souvent méfié des "mystiques" dans l'Eglise, cette race dangereuse de priants qui laissent en eux l'Esprit faire son œuvre désordonnée.
L'oraison est ce lieu de renaissance.
Nous pensons tous, je crois, nous sentons bien, pour parler simple, qu'il nous faut "quelque chose d'autre", que nous sommes faits pour un accomplissement. Nous le sentons,  dans le silence de nos oraisons, de  nos nuits intérieures,  de nos trébuchements. Nous sommes tous des Nicodème, trop fiers de nous, trop prétentieux, trop... cons! Braves, sans doute, même désireux de bien faire. Mais tellement cons! Tellement attachés à nos règlements, à nos manières de faire, à nos traditions, tellement craintifs, tellement sûrs de nous (c'est la même chose)...
La douceur compréhensive du regard de Jésus devant notre incroyable connerie, notre prétention ridicule, nos velléités intellectuelles, est quelque chose de si désarmant, que j'en serai, je pense, toujours impressionné.
Le vent est là, qui souffle.
Cette ruah qui planait sur les eaux de la Genèse, et qui d'un mot du Verbe de Dieu fit tout surgir :"Que soit..." "Et cela fut..."
Imaginons-nous la puissance incroyable qui peut s'incarner en nos cœurs pour venir faire œuvre d'oraison, et, de l'intérieur de notre première naissance, nous en offrir une autre, sans cassure, en continuité avec la première, mais en même temps toute nouvelle?
Le christianisme est d'abord là, en son lieu le plus intérieur : "Renais du Vent!"

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