jeudi 27 août 2015

Sur l'anamnèse dans l'oraison

J'aime le mot "anamnèse", qui ressortit au vocabulaire médical aussi bien que théologique. En médecine, l'anamnèse est la mémoire de nos maux : le praticien nous demande de nous souvenir des maladies qui furent les nôtres, des symptômes, des atteintes. Cette connaissance de notre passé lui est indispensable pour nous suggérer des thérapeutiques. En théologie, on sait que le terme désigne l'acclamation de l'assemblée qui, au cœur de la Prière Eucharistique, suit la consécration du Corps et du Sang du Seigneur : "Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus! Nous célébrons ta résurrection! Nous attendons ta venue dans la gloire!" Ici, mémoire est faite également, mais c'est une mémoire du salut - la mort, la résurrection et la parousie du Seigneur sont lieux de notre délivrance.
L'oraison est œuvre de mémoire : l'Esprit qui prie en nous fait remonter à notre cœur conscient des sentiments enfouis, et surtout les causes des traumatismes oubliés qui nous firent ce que nous sommes, qui nous tissent en nos profondeurs. Nos blessures nous constituent, en effet, que nous avons reçues tout enfants encore et peut-être déjà in utero, non qu'on ait voulu nous blesser toujours, mais souvent par des maladresses ou des empressements qui nous ont égratignés. Nous sommes tous blessés - ce pourquoi, du reste, nous sommes blessants. Laisser venir à notre vie consciente le souvenir enfoui de ces coups jadis reçus, apprendre à pardonner à ceux qui nous les portèrent (même s'ils sont morts...), c'est nous disposer à accueillir en nous la guérison.
Le Verbe que l'Esprit Saint forme en nous dans l'enfantement intérieur,  c'est Jésus aujourd'hui comme hier guérissant les blessures et les blessés. Sur les routes de Palestine, ne fut-il pas d'abord ce thaumaturge soucieux de soulager, de réconcilier, de relever - ce pourquoi les foules en un premier temps le suivirent avec enthousiasme? Ce qu'il fut de son vivant historique, il le reste pour nous, Ressuscité et ressuscitant, manifestant en nous l'identité du Père aimant qui veut restaurer l'humanité dans sa grâce.
Oraison, double anamnèse, double travail : accueil des souvenirs perdus, et, à mesure, de la guérison proposée.
Proposée : car tout est laissé à notre liberté. Ainsi que Jésus le demande d'abord à l'homme malade depuis trente-huit ans, couché au bord de la piscine de Bethzatha, "Veux-tu être guéri?" (cf. Jn 5, 6)
Voulons-nous guérir?

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