mardi 15 septembre 2015

Notre-Dame des Douleurs

Le hasard, sans doute, a fait que j'ai reçu depuis quelques jours bien des confidences douloureuses. Des situations de famille très fragiles, des jeunes en plein désarroi, des deuils déchirants ou le récit de grandes souffrances physiques.
Et le hasard, sans doute, fait que je m'astreins à relire en parallèle, pour une conférence à faire à Louvain début novembre, l'intégrale des romans de Bernanos. Je dis bien : relire - je dois en être à ma cinquième ou sixième lecture en quarante ans! Bernanos est fasciné par l'existence du Mal (la majuscule est volontaire), par sa réalité quasiment métaphysique, comme une entité invisible mais présente, et décrit dans ses romans ses manifestations quotidiennes, loin des diableries de nos imaginations, mais tellement habituelles! Et non pas simplement dans la mesquinerie ou les petites rancunes, qui sont certes de vilaines choses mais au fond très vite méprisables. Non : dans le grand combat du cœur humain pour ou contre l'Amour, pour ou contre la Grâce de Dieu. Dans ce combat, sans avoir rien de doloriste, Bernanos sait bien qu'il y a une économie de la souffrance, que celle-ci constitue une traversée nécessaire pour accueillir l'Amour, et qu'il n'y a pas d'autre chemin.
Et aujourd'hui, toute la journée, après la fête célébrée hier de la Sainte-Croix, la mémoire de "Notre-Dame des Douleurs", du Stabat Mater  : "Au pied de la croix se tenait (debout : stabat) sa Mère...", et l'Eglise qui nous invite dans sa liturgie à contempler la douleur de cette femme, non pour s'en repaître évidemment, mais pour la prendre chez nous, dans notre cœur, comme Jésus invite alors "le disciple aimé" (tout disciple, donc, vous et moi) à le faire : "Voici ta Mère", lui dit-il. Comme s'il y avait, dans cette souffrance ou plutôt dans la manière de l'assumer, de la traverser, un engendrement nécessaire à l'humanité même de l'homme.
Dans cet esprit, recueilli ce soir les paroles et les enseignements de Christian Cannuyer, excellent connaisseur du Proche-Orient, venu expliquer à Enghien, pour l'Université des Aînés,  les tenants et aboutissants de la situation explosive dans ces régions dévastées.  Comme il est important de mieux comprendre d'où vient la violence, d'en saisir les motivations prochaines. En même temps, comme il est important de savoir que cette violence, ce déferlement de haine, de guerres, d'exils et d'exodes, dépassent la responsabilité humaine, mais s'inscrivent  dans ce grand combat contre le Mal, que Bernanos a si bien vu, si bien décrit dans ses romans. L'être humain en est souvent complice, mais n'en est pas l'auteur absolu - l'auteur absolu, c'est l'Adversaire, le Satan de la Bible, le jaloux accusateur de l'homme. Le séducteur, qui portera toujours sa lutte contre les hommes aimés de Dieu, et parce qu'ils sont aimés de Dieu - ce que cet autre-là ne supporte pas. Un Adversaire qui a beau se débattre - il est toutefois déjà vaincu - voilà l'espérance admirable des chrétiens.

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