dimanche 18 décembre 2016

La convivialité enghiennoise

Beaucoup, beaucoup de monde hier soir à Petit-Enghien pour le second Concert de Noël, interprété par un ensemble composé de quatre chorales paroissiales. Superbe exemple  de la convivialité enghiennoise - unique en son genre! Par delà les différences d'opinion ou de croyance, des personnes sont heureuses de se regrouper pour chanter ensemble (ce qui est difficile) et faire chanter une assemblée ravie de sa participation.
La convivialité, on ne le dira jamais assez, fonde la possibilité même de nos différences et la précède.
Je suis reconnaissant de tout cœur à ceux et celles qui, dans cette Ville, permettent son exercice et en font une qualité distinctive - et remarquable!

vendredi 16 décembre 2016

Bon anniversaire, Saint Père!

Le pape François fête demain, 17 septembre, son quatre-vingtième anniversaire. Nous lui souhaitons de tout cœur, comme on dit en italien, "un buon compleanno"! Nous le remercions d'avoir accepté la charge qui est la sienne, et dont tout le monde, je pense, peut mesurer la difficulté.
266e pape, 265e successeur de l'apôtre Pierre, le pape reste aujourd'hui une personnalité parmi les plus importantes du monde, guide de la vie spirituelle d'environ un milliard et deux cent millions de catholiques, mais aussi référence "morale" pour beaucoup de personnes qui, chrétiennes ou non, croyantes ou non, ne partagent pas la foi catholique. Sa parole, partout dans le monde, est auscultée, discutée, disséquée, et quelquefois, on le sait, les critiques les plus rusées viennent de l'entourage le plus proche - il serait "trop à gauche", trop en rupture de tradition, bref trop emmerdeur. En fait, pour dire ici mon sentiment, je pense que cet homme est un authentique témoin de l'Evangile, de la priorité que l'Evangile donne en toutes choses et en toutes circonstances à l'amour, à la miséricorde, à l'accueil des plus pauvres et des plus paumés - quelques expressions, à cet égard, resteront gravées dans l'histoire des hommes : grâce au pape, les "périphéries", par exemple,  sont paradoxalement devenues le centre de gravité et d'attention des chrétiens. D'où : sa militance sans faille pour les réfugiés, sa volonté d'accueillir et de reconnaître toutes les situations de vie, le type de cardinaux qu'il a "créés" pour l'entourer dans sa gouvernance de l'Eglise universelle.
Merci, Saint Père, et surtout restez tel que vous êtes et que nous vous aimons!

(Voici les données biographiques du pape : né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires en Argentine, ordonné prêtre le 13 décembre 1969, élu Provincial de la Compagnie de Jésus - Ordre des Jésuites - d'Argentine le 31 juillet 1973, élu évêque titulaire de Auca et évêque auxiliaire du diocèse de Buenos Aires le 20 mai 1992, ordonné évêque le 27 juin de la même année, nommé archevêque coadjuteur de Buenos Aires le 3 juin 1997 et archevêque de Buenos Aires et primat d'Argentine le 28 février 1998, créé cardinal le 21 février 2001, élu évêque de Rome et pape de l'Eglise catholique, Patriarche d'Occident, le 13 mars 2013, a inauguré son pontificat le 19 mars de la même année.)

Les lecteurs de ce blog qui le souhaitent peuvent, par courriel, envoyer leurs vœux au pape à l'adresse suivante :

papefrancois80@vatican.va

dimanche 11 décembre 2016

Oser parler de la joie...

Résumons-nous : un secrétaire d'état fédéral qui refuse d'exécuter une décision de justice, mettant ainsi en péril l'équilibre des pouvoirs essentiel à une démocratie comme la nôtre. Un ministre fédéral  (sévèrement) positif à un contrôle d'alcoolémie sur une Nationale (bon, il s'en excuse, mais toute de même). Un Prince de la Famille Royale qui crache dans la soupe et, alors qu'il reçoit une subvention généreuse de l'Etat (300.000 euros, ce n'est pas rien), dénigre le monde politique et les membres de sa famille qui, dit-il, l' "emmerdent". Ca, c'est chez nous, au niveau le plus haut de l'Etat.
Chez nous toujours, les revenus modestes qui ne cessent de devenir plus modestes de jour en jour, les soins de santé dans le viseur des économies budgétaires, les délocalisations massives qui ne trouvent pas d'alternative, laissant des familles entières sur le carreau (voyez Caterpillar).
On regarde ailleurs? On regarde ailleurs : fragilité croissante de l'Union Européenne, élections populistes un peu partout en son sein; victoire de la démagogie aux USA; Monsieur Poutine aux commandes en Russie; une dictature naissante et revendiquée en Turquie.
Et, ce dimanche soir, le constat que le terrorisme n'est pas mort : en Turquie et en Egypte, des victimes innocentes par dizaines.
La guerre, la guerre, la guerre, partout : Alep et ses enfants massacrés, le Congo et d'autres pays d'Afrique en sont quelques exemples.  Vraiment, la folie meurtrière des humains épargne peu notre planète (par parenthèse, nous voyons nous-mêmes très peu, nous qui nous plaignons toujours de tout, combien nous sommes à l'abri et combien est grande la tentation de nous replier sur nous-mêmes - à l'abri, oui, mais pour combien de temps?)
Alors, est-il raisonnable, comme le suggère la liturgie de ce troisième dimanche de l'Avent, celui qu'on appelait autrefois le dimanche de la Gaudete ("Réjouissez-vous"), oui, est-il raisonnable de prêcher la joie? Ou disons même pire : n'est-il pas indécent de le faire?
Raisonnable, je ne sais pas : la raison ne guide pas tout (heureusement!) Mais c'est évangélique : quelles que soient les circonstances extérieures, la joie vient à nous, et "Celui qui vient", qui ne cesse de venir, est un porteur de joie. De joie intense, spirituelle, de remise à neuf de nos cœurs, de leurs désirs, de leurs pulsions. La joie nous rajeunit du dedans de nous, du plus intime.
Elle nous fera traverser et fera de nous des gens accueillants aux souffrances de toutes sortes qui enlaidissent le monde et le meurtrissent comme une lèpre. C'est notre mission, humble, difficile, mais tellement essentielle. C'est la mission de l'espérance et, si nous la perdions, qui la raviverait?

jeudi 8 décembre 2016

Remerciements

A ceux et celles qui, nombreux, m'ont exprimé leurs vœux et leur soutien durant ma récente hospitalisation, je tiens à présenter ici mes remerciements et l'assurance de ma fidèle amitié.
A bientôt!

mardi 22 novembre 2016

Misericordia et misera...

Le pape vient de conclure l'année sainte de la miséricorde, dimanche dernier, en publiant une Lettre apostolique intitulée Misericordia et misera : le titre vient d'un commentaire de saint Augustin sur l'évangile de Jean, précisément l'épisode de la femme adultère, lorsque, tous les accusateurs étant partis, seuls Jésus et la femme sont restés face à face. Augustin le magnifique y voit comme un résumé de la foi chrétienne : "Ils sont restés à deux, écrit-il, la miséricorde et la misère." Le pape reprend cette expression pour donner tout le ton de sa Lettre : oui, l'année jubilaire est close, mais la miséricorde est tellement l'expression de la foi et de Dieu lui-même qu'elle ne peut jamais être close!
Dans ce sens, il prend deux mesures "canoniques" concrètes :
- le "péché d'avortement" dont l'absolution était jusqu'ici réservée aux évêques peut désormais être absous par tous les prêtres;
- les "missionnaires de la miséricorde" (dont je suis) que le pape avait nommés pour l'année jubilaire, et qui disposaient de façon extraordinaire des pouvoirs d'absolution du pape lui-même, sans aucune restriction, voient leur mission prolongée.
Deux signes parmi d'autres d'une insistance pastorale absolue et définitive.
La nouvelle est excellente, comme la Lettre apostolique (qu'on trouve facilement en français sur le site web du vatican : www.vatican.va) est d'une remarquable hauteur de vue spirituelle.

samedi 19 novembre 2016

Travail en paroisse, nouveau Cardinal...

Premier après-midi de travail, pour l'année "Refondation" de nos paroisses, aujourd'hui. Pratiquement, je n'ai jusqu'à ce moment recueilli que de bons échos. "Pratiquement" : il y a une réserve, dans un groupe, qui s'est sans doute contenté de généralités et n'a pas établi un vrai plan de travail. Il faudra corriger le tir... (Il est vrai que nous avons peu l'habitude de travailler, vraiment travailler, en groupes paroissiaux.) Sinon, encore une fois, de beaux commentaires. Un jeune père de famille me disait qu'il était si content, qu'il souhaiterait même que, après cette année, de pareils groupes puissent continuer à se rencontrer. Et pourquoi pas, sous une forme ou sous une autre? Je remercie les paroissiens qui donnent de leur temps et de leur enthousiasme à cette aventure communautaire sans cesse recommencée, sans cesse à reprendre.
Autre source de joie : ce matin à Rome, Mgr Jozef De Kesel a été créé Cardinal par le pape. L'humilité, la douceur et la fermeté du Cardinal De Kesel font de lui - je le pense depuis longtemps - un modèle de pasteur.

mercredi 16 novembre 2016

Le pape et les emmerdeurs

Dans son audience générale de ce mercredi 16 novembre, le pape François a rappelé - non sans humour - que "supporter les personnes ennuyeuses et importunes" constituait aussi une œuvre de miséricorde. Et il a rappelé quelques épisodes bibliques significatifs à ce sujet : la patience de Dieu face au Peuple de la Première Alliance et à ses plaintes répétées, avant et après l'Exode, ou celle de Jésus devant les demandes intéressées, décalées et pleines d'ambition, de certains apôtres.
Ces propos m'ont réjoui et réconforté.
Ainsi donc, supporter les emmerdeurs est aussi une œuvre de miséricorde!
J'ai tout à coup l'impression que mes chances d'aller au ciel ont augmenté!

samedi 12 novembre 2016

Election de Trump, démocratie (suite)

L'élection de Mr Trump aux USA pose une série de questions fondamentales, philosophiques, théoriques, que je voudrais évoquer ici.
La première : la démocratie suppose-t-elle simplement l'obtention d'une majorité arithmétique? Evidemment, elle la suppose, mais pas "simplement". On voit bien, dans les réactions hostiles des foules qui s'assemblent en certaines grandes villes des States, que "quelque chose" semble n'avoir pas été respecté.
Ce "quelque chose" n'est pas, je l'ai dit dans mon précédent post, le processus électoral. Celui-ci n'est pas le même que chez nous, sans aucun doute, son ressort est "majoritaire" et non "proportionnel", ce qui fait que Mme Clinton a eu plus de voix que Mr Trump, et néanmoins n'est pas élue. Mais rien de contraire en cela à la démocratie : c'est une manière de tenir compte du poids des états fédérés dans une république fédérale.
Ce "quelque chose" est bien davantage moral ou éthique, comme on veut. On est gêné de voir arriver au poste le plus important du pays un homme qui, dans certains discours du moins, méprise ouvertement des "choses" jugées importantes, comme : le respect des femmes et de leur égalité foncière avec les hommes, le respect des minorités sexuelles et en particulier des personnes homosexuelles, le respect des migrants, d'où qu'ils viennent, le respect des autres peuples de la terre, où qu'ils soient... Et comment nommer ces "choses", en morale? Tout simplement, des "valeurs".
Dès lors, poursuivons le raisonnement : une démocratie n'a pas son seul ressort dans une addition arithmétique, mais aussi dans le respect de certaines valeurs morales dont on pense qu'elles devraient être partagées par tout le monde, sauf à nous condamner à une vie impossible : la vérité "vaut" mieux que le mensonge, l'égalité "vaut" mieux que la discrimination, l'accueil "vaut" mieux que le rejet, et ainsi de suite. Méprisez ces valeurs - même une seule d'entre elles -  et une société s'effondre. Le sentiment d'effroi qui entoure ici et là l'élection de Mr Trump me semble, de façon fondamentale, toucher à cela, qui est au cœur de l'éthique commune et de sa philosophie.
Nous voilà d'accord, sans doute. Mais cela complique singulièrement notre idée de la démocratie : qui, quelle instance, va dresser la liste et dire le contenu de ces valeurs? Quelle autorité morale? On ne saurait s'en remettre à la majorité arithmétique - nous venons de convenir qu'elle est, précisément en ce domaine, insuffisante... Faut-il s'en remettre à l'air du temps? A la mode? Aux convictions de ceux que l'on nomme drôlement les "intellectuels"? Aux autorités religieuses? Non? Alors à qui, à quoi?

Vaste question, vaste débat. Et pourtant, essentiels, au cœur de nos démocraties et de leur possible survie. Question, et débat, largement ouverts!

mercredi 9 novembre 2016

Election de Trump, démocratie

Mr Trump est donc devenu, la nuit dernière, le quarante-cinquième Président des Etats-Unis d'Amérique. On ne peut pas dire que cela me réjouisse. Mais j'y vois quand même quelques leçons de démocratie.
Car il a été élu démocratiquement, selon les règles de la Constitution fédérale des USA - cela est sans conteste. L'exercice démocratique n'a pas failli, ce que l'on ne saurait dire, par exemple, en Turquie, où l'on voit s'établir durement et sûrement une dictature, sans que l'Union Européenne, pourtant voisine, ne semble s'en émouvoir...
Mr Trump n'a pas été élu par les médias - qui, majoritairement, annonçaient sa défaite, tant chez nous qu'outre-Atlantique. On doit s'en réjouir : aussi importants soient-ils, les médias ne se substituent pas au choix du peuple souverain.
Il n'a pas été élu par les sondages - qui, majoritairement, sauf peut-être dans les derniers jours, annonçaient également  sa défaite. On doit s'en réjouir : aussi éclairants soient-ils, les sondages ne font pas une élection.
Il n'a pas été élu grâce à des moyens financiers supérieurs à ceux de Mme Clinton : cette dernière disposait de dix fois plus d'argent que lui pour sa campagne. On doit s'en réjouir également : aussi colossales soient-elles dans les élections présidentielles américaines, ce ne sont heureusement pas les débauches de fric qui font la différence.
Il n'a pas été élu par l'opinion publique européenne - qui, majoritairement, souhaitait Mme Clinton à ce poste. On doit s'en réjouir : toute légitime qu'elle soit, cette opinion publique ne saurait se substituer au vote du peuple américain.
Et Monsieur Trump a bien été élu par la volonté du peuple des USA. L'exercice démocratique, encore une fois, a, semble-t-il, été sans faille.
Faut-il alors déplorer la démocratie elle-même? C'est, disait Churchill dans la magnifique litote restée célèbre, "le moins mauvais des régimes" - c'est-à-dire le meilleur.
Ne faut-il pas plutôt, si l'on est déçu, se demander pourquoi les Américains ont majoritairement choisi de faire confiance à Trump plutôt qu'à Clinton? Sans doute alors les réponses viennent-elles spontanément : rejet du "système" qui aurait été reconduit avec l'autre candidate, impression par les classes moyennes d'être mal représentées et peu soutenues, sentiment de payer une dette (chez eux aussi colossale),  mais une dette dont ils ne sont pas coupables.
Et chez nous? Le populisme ne se nourrit-il pas des mêmes frustrations?
J'espère que l'élection du nouveau président des Etats-Unis fera aussi réfléchir nos responsables à la façon dont ils maintiennent à bout de bras un système frustrant pour une grande partie de nos concitoyens, tout en prétendant qu'il n'est pas possible de faire autrement. Sinon : manque d'imagination, manque d'audace, manque de volonté politique, conformisme, les mêmes causes produiront sous peu les mêmes effets en Europe que chez nos amis d'Amérique.

mercredi 2 novembre 2016

Lumineuse communion avec nos défunts

Aujourd'hui 2 novembre, l'Eglise commémore les défunts. Il n'est pas anodin qu'elle le fasse au lendemain du jour où elle a célébré tous les saints : qu'espérer de mieux, pour les défunts, que leur sainteté, c'est-à-dire, leur bonheur?
Les chrétiens  espèrent  fermement en la résurrection "de la chair" pour les défunts, et cette espérance s'enracine dans leur foi - centrale - en la résurrection du Christ Jésus. C'est une espérance pascale.
Le Christ est ressuscité et vivant : cela ne signifie pas qu'il soit simplement vivant dans la mémoire émue de ceux qui se souviennent de lui ou de ses enseignements. "Nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection des morts", dit ainsi Pierre dans un discours rapporté par le Livre des Actes des Apôtres : or , on ne mange ni ne boit avec un souvenir. Semblablement n'est-il pas un fantôme, une apparition évanescente : on ne mange ni ne boit non plus avec les fantômes. Et la vie nouvelle qui est la sienne n'est pas la pure et simple reprise de sa vie terrestre - la résurrection du Christ n'est pas du même genre que celle de Lazare, qui a bien été forcé de "re-mourir" après avoir été ramené sur ce bord-ci de la vie au sortir de la tombe. Non, comme dit cette fois Paul, "ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus, sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir."
Vie nouvelle, donc, désormais invincible, qui ne meurt plus, vie victorieuse sur toutes les formes de mort (physique, mais aussi et surtout spirituelle), vie de Dieu lui-même promise à tous. Vie à laquelle le corps participe, par delà la destruction inévitable de la mort physique, et d'une façon bien réelle (le ressuscité, encore une fois, "mange et boit"...)
Voilà la vie de nos défunts, celle que l'Eglise espère pour eux et attend pour elle-même, pour tous ses fidèles et pour tous les hommes. Elle pense en effet que tel est le bienveillant dessein de Dieu sur l'humanité que de la faire participer à sa vie à lui.
Lumineuse espérance, comme est lumineux le ciel de ces soirs-ci...

"Dieu, tu révèles ta lumière
à ceux qui passent par la mort.
Béni sois-tu pour les yeux
qui se sont ouverts dans la Ville éternelle,
et qui te contemplent, Dieu vivant!" (Hymne des défunts)

mercredi 26 octobre 2016

Le corps de nos défunts

Tandis que nous approchons de la Toussaint (fête des baptisés, des "sanctifiés" par le baptême) et, le lendemain, du jour dit "des morts" (en liturgie, la "commémoraison de tous les fidèles défunts"), la Congrégation pour la Doctrine de la Foi publiait hier mardi 25 octobre une Instruction sur le traitement des corps de nos défunts.
Elle y recommande l'inhumation, plus conforme dans le temps qu'elle laisse aux familles pour le deuil, et aussi dans la révérence que l'on peut ensuite faire aux corps  enfouis en terre, au respect que l'Eglise porte aux défunts, semence et source de leur corps glorieux, ressuscité.
Elle ne s'oppose nullement à l'incinération, pourvu que celle-ci se fasse avec respect et que les cendres soient ensuite conservées dans un endroit digne - une pelouse d'honneur, un columbarium.
Pas de "chipotage", comme on dirait en belge : pas de dispersion anarchique des cendres dans la nature ou dans des bijoux (cela se voit) - nous ne retournons pas au grand "Tout" indistinct! - mais le souci de prévoir un lieu de mémoire et d'espérance en la résurrection de la chair.
Je souscris entièrement à cette Instruction. Depuis trop d'années, je suis blessé personnellement par le manque de respect que l'on inflige quelquefois aux corps de nos défunts : incinérés à la va-vite, comme dans une usine, les cendres récupérées on ne sait comment, dispersées quelquefois avec fantaisie (deux amis parisiens, qui sont de bons amis, ayant perdu la mère de l'un d'eux, avaient cru bon de disperser ses cendres sur une plage de Normandie, alors qu'ils venaient de Paris en moto avec l'urne - seule occurrence, sans doute, où cette vieille dame a fait de la moto -, en l'arrosant auparavant et copieusement de champagne.  Je ne doute pas de l'intention, mais du respect présent dans les rites ainsi inventés.) L'inhumation quelquefois souffre, du reste, de ce même manque de respect : nos cimetières ne sont pas toujours propres, nets, les pierres tombales et les allées en sont peu entretenues, je n'incrimine en disant cela personne en particulier, et j'incrimine tout le monde à la fois : quand le sens du respect dû aux corps défunts se perd, quelque chose se perd, de fondamental, dans notre civilisation, et, un jour ou l'autre, on en paie chèrement le prix.
L'Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi s'adresse aux chrétiens, certes et d'abord, les invitant à redoubler de respect pour le corps de leurs défunts, car c'est un signe de leur foi en la résurrection des corps eux-mêmes. Faut-il le rappeler : nous n' "avons" pas un corps, nous "sommes" un corps, et si quelque chose de nous doit ressusciter, c'est pour la foi chrétienne, un ensemble et non une partie, un ensemble qui évidemment comprend le corps, non pas sans doute sous sa forme actuelle, mais sous un mode profondément renouvelé, précisément "ressuscité", un mode que saint Paul appelle celui du "corps spirituel". Mais cette Instruction s'adresse aussi à "tous les hommes de bonne volonté" : la façon de traiter les morts - ou de les maltraiter - est un sujet de méditation qui court depuis l'Antiquité dans notre humanisme européen. C'est précisément, faut-il le rappeler, pour ce motif, que la petite Antigone, fille d'Œdipe, nièce de Créon, sœur des frères ennemis Etéocle et Polynice, mourut murée vive, pour avoir contrevenu à l'ordre de son oncle qui imposait à la Cité de Thèbes de laisser pourrir le cadavre de l'un de ses frères. Cette petite fille à laquelle la Tradition littéraire prête l'âge d'une adolescente (douze, treize ans?) n'aurait plus supporté de vivre si elle n'avait honoré comme il convenait le corps défunt de son frère. Elle n'aurait plus osé, comme on dit chez nous, "se regarder dans une glace".
De quoi méditer...

vendredi 21 octobre 2016

Jean-Claude

L'abbé Jean-Claude Brootcorne est décédé mardi matin.  Ses funérailles - auxquelles, malheureusement, je ne pourrai participer - seront présidées demain par notre évêque à la Basilique de Bonne-Espérance, dont il a été le recteur à la fin de son ministère actif. Jean-Claude est un prêtre qui a été infiniment précieux pour notre diocèse.  Intelligent, mesuré, cultivé, il enseignait la "dogmatique" au Séminaire de Tournai lorsqu'y suis arrivé, en 1980, comme séminariste. Je l'ai retrouvé en 1986, alors qu'il était Directeur de l'ODER (Office Diocésain d'Enseignement Religieux) à Charleroi, où je fus son adjoint pendant plusieurs années, avec les abbés Scolas et Gathy : heureux souvenirs d'une collaboration tout ensemble joyeuse et sérieuse. Il fut ensuite Président du Séminaire de Tournai puis recteur, donc,  de la Basilique de Bonne-Espérance, avant de vivre des dernières années marquées par la maladie mais toujours pacifiées et pacifiantes. Se sentant mal -  se sentant plus mal - lundi soir, au médecin venu le soigner qui préconisait une hospitalisation, il aurait simplement répondu quelque chose comme : "Je sais bien que ma vie est finie, il faut me laisser." Si  cette parole est authentique, elle lui ressemble tout à fait.
Je rends grâce à Dieu pour cette existence  de foi et d'intelligence, cette existence  donnée à Dieu et à tous, profondément enracinée dans le mystère du Christ, dans sa paix.
Je relis à sa mémoire ces vers de Rilke, que nous avions un jour partagés, il y a bien longtemps :

Wer hat uns also umgedreht dass wir,
was wir auch tun, in jener Haltung sind
von einem, welcher fortgeht? Wie er auf
dem letzten Hügel, der ihm ganz sein Tal
noch einmal zeigt, sich wendet, anhält, weilt -
so leben wir und nehmen immer Abschied.

"Qui nous a donc ainsi retournés de la sorte,
que nous ayons l'allure, et quoi que nous fassions,
de quelqu'un qui s'éloigne? De même que, sur le dernier coteau,
qui sous ses yeux déploie, une dernière fois, sa vallée tout entière,
celui qui s'en va se retourne, s'arrête, s'attarde -
de même nous vivons, et toujours nous faisons nos adieux."

(Huitième Elégie de Duino, finale)

mercredi 12 octobre 2016

Nouvel ambassadeur du Pape à Bruxelles : un Africain

On savait que Mgr Berloco, nonce apostolique en Belgique et au Luxembourg, était démissionnaire. On apprend aujourd'hui que, pour le remplacer, le Pape a nommé S. Exc. Mgr Augustin Kasujja, qui, originaire d'Ouganda, fut le premier nonce africain, et bénéficie d'une longue carrière diplomatique. Mgr Kasujja va donc représenter le Saint-Siège près le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg. Il sera chargé, comme tous les nonces (ambassadeurs des papes) d'assurer une bonne communion entre la Conférence épiscopale de Belgique et l'archevêque de Luxembourg, d'une part, et les autorités vaticanes, de l'autre. Il sera également chargé de préparer les éventuelles nominations épiscopales à venir dans notre pays  - a priori, aucune n'est à prévoir, sauf à Gand, pour les prochaines années...
Nous souhaitons bienvenue au nouveau nonce apostolique, et serions heureux de le recevoir un jour dans notre doyenné d'Enghien-Silly.

dimanche 9 octobre 2016

Refondation, Installation, Cardinalat : des nouvelles du week-end

Un week-end encore une fois bien chargé et riche en événements et émotions de toutes sortes. Chez nous d'abord, à Enghien, la première étape publique de l'année "Refondation des paroisses", conformément aux souhaits du Synode diocésain et aux décrets de l'évêque qui mettent ce Synode en application. Samedi, à Enghien, une assemblée nombreuse et riche dans sa diversité, qui mettra probablement du temps à entrer dans la démarche indispensable que requièrent les exigences de la vie contemporaine et la présence de l'Eglise en son sein.  La plupart ont apprécié cette présentation et relèvent le défi. Oui, ils veulent former une communion nouvelle, moins égoïste, plus conforme à ce que le Christ réclame d'eux pour qu'eux-mêmes se réclament authentiquement de lui. Ils seront ceux auxquels les rênes de la paroisse nouvelle seront confiées.

Cet après-midi, j'ai "installé" l'abbé Marc Mwatha, originaire du Congo, comme nouveau curé-doyen de Lens et Jurbise. Marc est jeune : 36 ans, et il vient "d'ailleurs" : deux défis qu'il devra relever, et qu'il a les moyens de relever, par son intelligence, sa finesse d'esprit, sa capacité d'empathie. Le Bourgmestre de Lens était présent, manière de dire encore - il me l'a lui-même confié - qu'une harmonie et une entente, une conciliation permanentes, sont nécessaires entre les pouvoirs publics et les responsables religieux. J'aime Marc comme un jeune frère auquel est confiée une tâche difficile : je demande ici que l'on prie pour lui, qu'on le préserve, qu'on apprécie son ministère comme il doit l'être et qu'on lui fasse confiance. Mais je suis sûr que ce sera le cas : j'ai trouvé à Lens une communauté chaleureuse, accueillante... et déjà "refondée", elle, apparemment pour s'en mieux porter!

Enfin, à l'Angélus du Pape, on apprend que Mgr de Kesel est dans la liste des personnalités que le Pape va prochainement créer "cardinaux". Je m'y attendais, je m'en réjouis. C'est dans la ligne du bien de l'Eglise universelle.

mercredi 5 octobre 2016

Un nouvel évêque à Bruges

Après onze mois d'attente, le pape a donné un nouvel évêque à Bruges, qui succède à Mgr De Kesel, devenu entretemps, comme on sait, archevêque de Malines-Bruxelles. Il s'agit de Mgr Lode Aerts, un prêtre de Gand - il était jusqu'ici doyen de Gand. Je me réjouis de cette nomination : nous avons, lui et moi, travaillé ensemble comme experts auprès de la Conférence des évêques de Belgique, et j'ai apprécié son intelligence, sa finesse d'esprit, sa clairvoyance, sa pertinence. C'est une belle nomination, une chance pour le diocèse de Bruges, si malmené voici quelques années...
Que l'Esprit Saint vienne en aide à ce nouvel évêque, pour le ministère délicat qui lui est confié aujourd'hui!

mardi 4 octobre 2016

Plaidoyer pour un enseignement libre...

Il y a quelques jours, dans un article de "La Libre Belgique", le Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Philippe Courard, plaidait pour un réseau unique d'enseignement dans cette Fédération. L'argument principal? Financier : on y gagnerait de l'argent, dit-il. Le Segec (Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique) a démontré depuis la caractère fallacieux de cet argument, et c'est très bien.
A mon sens, il faut aller plus loin : l'existence d'un enseignement "libre" ne doit pas seulement, ou pas d'abord, faire l'objet d'un enjeu financier. C'est une question de démocratie et de Droits de l'Homme. Il ne serait pas normal, il serait totalitaire, que seul l'Etat organise l'enseignement et l'éducation des enfants et des jeunes. Il est en revanche évident que divers courants philosophiques ou religieux ont le droit - à leurs yeux souvent même le devoir - d'organiser cet enseignement et cette éducation conformément aux valeurs et orientations qui sont les leurs, pourvu que celles-ci ne contredisent pas le bien commun. Il est même normal que, contribuant à ce bien commun, ces enseignements "libres" soient reconnus et subsidiés (au moins en partie) par l'Etat. Cette subsidiation partielle n'aliénant évidemment pas les bâtiments ou les moyens de l'enseignement libre, et l'Etat ne pouvant arguer de cet argent versé pour s'en "emparer" - ce serait du vol. (Ce n'est pas, semblablement, parce que l'Etat ou les Communes subsidient des clubs de sport qu'ils en deviennent les propriétaires...)
La richesse d'une démocratie, c'est la pluralité de ses convictions et c'est bien cette pluralité que l'Etat doit favoriser. Réduire à l'unique (une seule école, une seule religion - ou plus du tout de religion  - et pourquoi pas, un seul parti), c'est, on l'a vu dans le passé peu glorieux de certaines puissances voisines, amputer la dignité humaine des citoyens. Nous attendons des femmes et des hommes politiques de ce pays qu'ils favorisent le pluralisme, comme c'est la tradition chez nous, et même qu'ils en demeurent les gardiens jaloux, sans devenir jamais eux-mêmes les promoteurs d'idéologies contraires.
Faut-il, en conclusion, répéter encore l'article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948? Je le fais volontiers, jusqu'à ce que nous le connaissions tous par cœur :
"Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites."  Je souligne : "Tant et public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites." Peut-on être plus clair que ce texte admirable, patrimoine désormais commun de l'Humanité, sur lequel j'espère que nous fondons tous notre vivre-ensemble?

jeudi 29 septembre 2016

Grâce à José Fontaine, relire Malègue...

Il aura fallu qu'en 2013 le pape François cite Joseph Malègue, dans une interview et dans des revues culturelles jésuites, pour que l'on se souvienne de cet écrivain français (1876-1940) connu pour un roman publié en 1933 : Augustin ou le Maître est là. Roman qui connut à l'époque, et sans discontinuer, un succès époustouflant - à mon entrée au Séminaire de Théologie, en 1980, il était évident pour mon Directeur spirituel de l'époque, le Chanoine Milet, qu'il fallait avoir lu "Augustin". Une autre publication, posthume, Pierres Noires ou les Classes Moyennes du Salut, en 1958, sera loin de connaître le même destin éditorial.
Malègue, c'est une plongée dans ce que le Chanoine Aubert, professeur à l'UCL, appelait dès 1945 "le problème de l'acte de foi", c'est-à-dire cette confrontation permanente que l'acte de foi impose entre le monde de la révélation et celui de la raison. C'est le ressort de la "crise moderniste" du début du XXème siècle, qui conduisit tant de penseurs et d'enseignants catholiques à remettre en cause, et jamais sans drame, leur foi du charbonnier - tel est bien le sujet d' "Augustin". Mais Malègue, c'est aussi - et il fallait notre ami José pour le souligner - l'insistance sur la "communion des saints" hors laquelle il n'est point de salut partagé par tous, hors laquelle les "classes moyennes du salut" n'existeraient pas.
José Fontaine m'a fait aujourd'hui le bel hommage du livre qu'il vient de publier sur cet écrivain désormais méconnu : La gloire secrète de Joseph Malègue (1876-1940), publié chez L'Harmattan (coll. "Approches littéraires"). José - beaucoup d'entre vous le connaissent - est un paroissien et un ami, un intellectuel discret mais engagé dans plusieurs combats qui marquent sa vie, parmi lesquels le "combat wallon", si j'ose ainsi dire. C'est un philosophe, auteur en 1975 d'une thèse de doctorat portant  sur "Rousseau, Kant et le problème du Mal", à l'Institut de Philosophie de Louvain. C'est un enseignant et un chercheur, précisément chercheur de raison et de foi. C'est un chrétien fidèle, un père et un grand-père rempli d'attention, un priant. J'ai dévoré son texte, très lisible, illustré par des extraits repris en finale de chaque chapitre, éclairant non seulement sur Malègue mais sur l'importance encore actuelle de la crise moderniste pour l'intelligence de la foi, pour une certaine manière d'oser aujourd'hui une parole théologique en dialogue avec la raison - meilleur remède aux fanatismes toujours possibles et de la rationalité et de la religion.
Tous ceux qui aiment les liens entre la littérature et la foi, ou plus simplement la spiritualité, ou même plus simplement encore l'intériorité,  tous ceux qui, par exemple, se sont aventurés déjà dans le style et le monde de Proust, ou tous ceux qui ont trouvé en Bernanos un guide assuré dans la mise au jour du cœur de la foi, verront en Malègue et en la belle introduction qui lui est donnée aujourd'hui, de quoi se réjouir et se nourrir. Je remercie José d'avoir fourni cet effort d'écriture, je souhaite une grande carrière à son beau livre.

jeudi 22 septembre 2016

Entendre les exigences, apprendre à discerner, vivre en communauté, "refonder"

Je suis de plus en plus agacé, ces jours-ci, par les exigences des gens. On "veut" tel prêtre pour telle célébration, ce "doit" être lui, il "faut" se marier dans telle église, et tel jour à telle heure, on "a le droit" de faire baptiser son enfant de telle façon, en apportant les textes que l'on veut et, à la limite, sans se soucier de la Parole de Dieu, etc. Ajoutons à cela les médisances, et les calomnies : elles sont trop bêtes pour qu'on s'en encombre.
Il faut accueillir tout cela, sereinement : c'est la nature humaine.
Il faut éduquer tout cela, et même si c'est une fatigue sans cesse recommencée : c'est le devoir du pasteur. Dire "non" n'est pas plus facile pour celui qui le dit que pour celui qui le reçoit. Mais le pasteur a un devoir de discernement pour aider les personnes à grandir dans leur foi, et d'abord dans leur vie, à mettre de l'ordre dans leurs émotions, dans leur psychologie, dans leurs affects.
C'est ainsi que nous essayons  sans cesse de vivre en communauté, apprenant les uns et les autres, les uns aux autres, les uns des autres, ce qu'est le bien commun. Je l'ai déjà répété souvent sur ce blog : le bien commun, ce n'est pas l'addition (jamais réussie) des biens individuels, des soupirs et des désirs de chacun, mais c'est le bien d'une communauté de vie qui transcende toujours les intérêts et les souhaits particuliers. Toutefois, la recherche de ce bien-là procure plus de joie que la satisfaction des volontés personnelles.
Ce soir, à Tongre-Notre-Dame, dans la Basilique, notre évêque va présider, pour la Région d'Ath, une soirée de lancement de l'année "refondation" qui, dans chacune de nos Unités Pastorales, va mettre en œuvre les décisions et les décrets du Synode diocésain. Quelles que soient les décisions particulières que nous serons ensemble amenés à prendre durant cette année, il me semble que le mouvement de fond est celui que j'ai exprimé ci-dessus : chercher le bien commun. Le préférer à un réflexe de défense des intérêts particuliers. Le vouloir pour lui-même. Si chacun de nous agit et réagit dans ce sens, je promets à tous un accroissement de bonheur humain et chrétien.

mardi 20 septembre 2016

Du traitement de l'information...

Aux JT de ce soir, principale source d'info pour un grand nombre  de concitoyens :
- dix minutes environ sur la question de savoir si Mr Wesphael a tué sa femme, avec abondance d'interviews et d'images;
- une minute environ sur le fait que la Wallonie, important exportateur d'armes, vend  60% de sa production à l'Arabie Saoudite, majoritairement sunnite, dont on sait qu'elle les utilise dans son combat contre les rebelles chiites du Yemen.  Sur RTL-TVI, du moins, pas de photo, pas d'explication, pas d'interview, juste un schéma et le chiffre en euros des exportations;
-cinq minutes aussi, j'allais oublier, sur cette nouvelle essentielle : Angelina Jolie a demandé le divorce d'avec Brad Pitt.

Cherchez l'erreur.

vendredi 9 septembre 2016

"Donnez-moi c'te vieille religion..."

En 1964, dans Fleuve profond, sombre rivière (Gallimard),  Marguerite Yourcenar a parlé de façon admirable des negro spirituals qu'elle traduisait.
Et j'y resongeais, tandis que s'agite le débat sur l'existence même du cours de religion en Belgique francophone, je repensais à ce chant que la grande dame rapporte  ainsi :

"Donnez-moi c'te vieille religion,
Donnez-moi c'te vieille religion,
Puisqu'elle conv'nait à mon papa,
Y'a pas d'raison qu'elle ne m'aille pas!

Donnez-moi c'te vieille religion,
Donnez-moi c'te vieille religion,
Puisqu'elle conv'nait au peuple élu,
Y'a pas d'raison qu'elle ne m'aille plus!"

Il fallait être Yourcenar pour dire avec autant d'allant  la poésie et la vérité d'un chant si simple, si magnifique.

dimanche 4 septembre 2016

Achille, son talon...

J'aurais aussi bien pu ne pas mettre de virgule, et l'intitulé de ce "post" eût été alors parfaitement enghiennois. Oui, parlons du talon d'Achille, d' "Achille son talon", comme on dit à Enghien. Car le talon d'Achille, c'est son point faible : sa maman Thétis avait plongé dans le Styx, pour le rendre invulnérable, son héros de fils, mais ce faisant, elle l'avait tenu par le talon - seul endroit de son corps resté vulnérable, ce que savait Apollon, qui guida vers ce point sensible la flèche empoisonnée de Pâris.
Toute cette mythologie, pourquoi, direz-vous? Parce que j'ai eu l'impression ce matin, lisant et commentant les propos de Jésus rapportés par saint Luc, qu'il n'était au fond pas question d'autre chose lorsqu'il nous est demandé de "porter notre croix", chacun, pour suivre Jésus, pour être disciple. Et de faire passer tout le reste après.
"Notre croix", qu'est-elle, sinon notre faiblesse, notre talon d'Achille? Chacun(e) le sien, chacun le plus secret, qu'on peut - qu'on veut, souvent - dissimuler, au lieu de l'offrir à la guérison du Christ, "vrai médecin des âmes et des corps".
Le plus important, dans la vie chrétienne, dans la sequela Christi, la "suite du Christ", c'est en effet une opération-vérité, une acceptation de sa faille, de son manque, de sa blessure, et une offrande qu'on en fait, greffant cette croix, quelle qu'elle soit, à l'unique Croix, celle du Christ. Tout le reste alors des relations, même intimes, même familiales, est repris et revu - et père et mère et frère et sœur, et amis : mais apprendre à débusquer son manque, et l'offrir au doux toucher du Christ, là est la clé souterraine et vivifiante, ressuscitante, de notre amour.

mercredi 31 août 2016

L'arrogance risible de certains "intellectuels"

On entendait ces jours-ci, sur les médias et les réseaux sociaux français, des débats censés alimenter la réflexion sur la place de la - des - religion(s) dans la société. Des intellectuels de renom (j'en retiens deux : Badiou, Onfray) se chamaillaient comme des gamins sur la place plus ou moins imposante du "cadavre de Dieu", puisqu'il est bien entendu, bien évident, entre personnes de constitution intellectuelle à peu près normale, que "Dieu est mort", même si l'on concède que son cadavre bouge encore et même si ce cadavre, ajoutait Onfray, "est immense". Mais enfin... c'est un cadavre, convenons-en, semblent-ils dire, entre personnes de bonne compagnie.
Et l'idée, dès lors, serait de recréer une pensée exempte de Dieu, pour reconstruire, hors libéralisme, une société où la jeunesse trouverait un autre épanouissement que celui du terrorisme et/ou de l'abrutissement. Je caricature à peine.
Badiou et Onfray sont de grands messieurs, et je n'ai aucune peine à les reconnaître pour des gens intelligents. Et même, s'ils aiment cette appellation "franco-française" un peu cucu, pour des "intellectuels".
Mais quelle pitié de voir des a priori idéologiques si peu contestés! Il est certes possible que telle ou telle forme religieuse passera, mais d'autres viendront et, en attendant, il nous faut vivre avec celles qui sont là, et sans les mépriser, s'il vous plaît. Et on la le droit de trouver en elles, en certaines d'entre elles,  les modèles, les signes, les sacrements, du salut humain - oui, de son salut, de ce par quoi il "s'en tire", l'homme, d'être un homme sur cette terre. Disqualifier cela "a priori" comme un cadavre certes encombrant encore, mais un cadavre tout de même, cela me semble faire étalage d'une arrogance intellectuelle qui sied mal aux prétentions des penseurs sus-nommés et de quelques autres. Car la philosophie, messieurs les philosophes, commence avec une appréciation du réel - et le réel, pour l'instant, est un retour de et à la pensée religieuse, ne serait-ce que pour la critiquer, mais d'égal à égal, sans prétendre avoir d'avance abattu son adversaire.
Messieurs, rendez-nous service, apprenez à penser sérieusement - c'est-à-dire, entre autres, apprenez à considérer que d'autres, beaucoup d'autres, qui n'ont pas les mêmes postulats que les vôtres, sont aussi des penseurs. Apprenez à penser à partir de leur point de vue, et non d'abord du vôtre, car telle est la noblesse de la pensée. Cessez d'être arrogants, et risibles... Devenez crédibles!

samedi 20 août 2016

La porte étroite, la prétention...

La page d'évangile lue ce dimanche (Lc 13, 22-30) nous montre un Jésus qui répond volontairement à côté de la plaque. A la question : "N'y aura-t-il que peu de monde à être sauvé?", question portant sur le nombre, il répond sur la manière et l'origine du salut.
Car le nombre, c'est le mystère de Dieu, un mystère de miséricorde qui nous échappe, et quand bien même nous jugerions les autres, ou nous-mêmes, indignes du salut, "Dieu est plus grand que notre cœur, et il sait toute chose."
Laissons donc, comme Jésus, le débat sur le nombre, qui préoccupa pourtant certains théologiens de haut vol -  saint Augustin par exemple estima un jour qu'il y aurait beaucoup de damnés, histoire d'augmenter le bonheur des élus : on le connaît mieux inspiré!
Non, la question, dit Jésus, c'est la manière : celle de la porte étroite. Et cette question devient dès lors : comment passer par une porte étroite?
Il n'y a qu'une réponse : il faut maigrir. Les obèses n'ont aucune chance. Ni ceux qui sont trop encombrés par leurs bagages : il faut les lâcher.
Pas question ici d'invoquer ses origines  et son appartenance - Jésus s'adresse à un interlocuteur juif, tenté peut-être de penser qu'appartenant au Peuple "élu", l'affaire est pour lui dans le sac. Que non! L'élection du Peuple saint est certes le début d'une magnifique alliance, mais elle est une mission - celle d'annoncer au monde entier le bonheur du salut - et en aucun cas un privilège. Dès lors, "beaucoup viendront de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, prendre place au festin."
Il ne faut pas non plus invoquer ses bonnes pratiques cultuelles : "Nous avons mangé et bu avec toi!", sous peine de s'entendre dire : "Je ne vous connais pas, vous qui pratiquez l'injustice!" Il ne suffit pas d'être chrétien, oh que non, ni même de participer fidèlement à la table eucharistique.
Aucune prétention ne sera admise. Aucune arrogance n'est possible, devant la porte étroite du salut.
Une seule consigne : pratiquez donc la justice.
Quels que soient votre foi, votre incroyance, votre religion, votre athéisme, votre passé, votre présent, votre jugement sur vous-même, et sur les autres, votre peu de considération sur vous-même, et sur les autres,  votre âge et votre milieu culturel, votre pays et votre métier, vos convictions politiques et votre indifférence : pratiquez la justice.
C'est la seule manière de se faufiler, jour après jour, à travers la porte étroite du salut. Jésus ne dit pas qu'elle est difficile - car la pratique de la justice, de la droiture, souvent est plus facile que les dévoiements retors de la malhonnêteté et de l'injustice. Mais Jésus dit qu'elle est "étroite" : désencombrez-vous, même de vos bonnes œuvres, de celles qui sont prétendues telles, de vos appartenances et de vos bons droits, et recommencez quotidiennement à essayer d'être justes.
Il n'y a pas d'autre voie.

vendredi 19 août 2016

Sur l'enseignement "catholique" en Belgique

A quelques semaines de la rentrée, je ne peux que recommander la lecture de l'interview donnée ce matin, dans "La Libre Belgique", par Etienne Michel, le "patron" de l'enseignement catholique dans la partie francophone du pays (LLB du 19 août 2016, pp.4-5). D'une façon dépassionnée, extrêmement claire, il y analyse les rapports entre religion et citoyenneté, et explique comment le christianisme, par ses capacités répétées d'inculturation dans l'histoire, concourt à une meilleure citoyenneté.  Un passage : "L'avenir de la démocratie et de la culture européenne est une vraie question autour de laquelle règnent des incertitudes. Or, la démocratie s'inscrit toujours dans une culture donnée, et repose sur des fondements qui la précèdent. Un de ces fondements est l'inscription dans la culture occidentale d'un dialogue entre la religion principalement catholique et la tradition des Lumières. De plus, l'Europe connaît un défi important aujourd'hui qui est celui de réinventer son humanisme. Et pour cela j'évoquerai le discours du pape François prononcé en mai dernier devant les institutions européennes à Strasbourg. Il soulignait combien l'Europe a appris au cours de son histoire à intégrer dans une synthèse toujours neuve les cultures les plus diverses et sans lien apparent entre elles. L'identité européenne, insistait le pape, est et a toujours été une identité dynamique et multiculturelle. C'est dans ce cadre et en fonction de ces défis que l'enseignement catholique se doit de conjuguer une tradition éducative qui se rattache au christianisme, avec les exigences contemporaines de la citoyenneté. Je répète qu'il n'y a donc pas de contradiction entre le religieux et la citoyenneté, mais que les deux se renforcent au service d'un humanisme pour notre temps." L'ensemble du propos, de la même veine, mérite vraiment une méditation...

samedi 6 août 2016

"Il reviendra dans la gloire et son règne n'aura pas de fin..."

Très docilement, les paroissiens (d'Enghien et de Silly, en tous les cas), répètent dimanche après dimanche cette proposition du Symbole de foi, le "Credo" vénérable de Nicée-Constantinople qui, dès le IVème siècle, proclame à propos du Fils de Dieu, après avoir annoncé son incarnation en Jésus, sa mort et sa résurrection : "Il reviendra dans la gloire et son règne n'aura pas de fin."
Ils le répètent, probablement - et je suis souvent comme eux - sans bien saisir la portée de cette affirmation chrétienne sur Jésus, le Fils incarné.
Cette affirmation touche, en effet, à la considération du temps et de l'espace : ceux-ci finiront, le monde en expansion tel que nous l'entrevoyons grâce aux travaux des astrophysiciens (je dis bien "entrevoir", "connaître" serait pure prétention), ce monde, donc, ces infinités de galaxies, ces milliards de soleils surgissant puis mourant - notre soleil n'est que l'un d'entre eux, une étoile parmi tant et tant d'autres), ce monde un jour arrêtera son expansion, et ce sera le dernier jour du monde. Cela, même les savants contemporains en conviennent, d'accord là-dessus avec ce qu'annonce la foi. On ne dit pas que c'est pour demain. On dit : "Un jour, il n'y aura plus de jour. Il n'y aura plus de temps et d'espace - puisque le temps et l'espace, voir Einstein, sont liés à cette énergie expansive. Un jour, il n'y aura plus rien." Mais, pour les chrétiens, ce rien n'est pas rien, si j'ose dire : il correspond à une plénitude enfin survenue, celle du Royaume que Jésus a annoncé par sa parole et ses actes, sur cette petite boule, petite planète d'un petit soleil que nous nommons "la terre", à un moment précis du temps - il y a deux mille ans, un rien au regard de l'histoire du monde, et qu'il a annoncé à une espèce vivante de la terre en laquelle il s'était incarné : l'être humain, qui peut-être disparaîtra bientôt et sera remplacé par d'autres! Mais ce Royaume a été annoncé, mieux, il a été inauguré : il a commencé. Il est fait de quoi? De paix, de justice, de fraternité entre êtres humains, certes, mais aussi avec les autres espèces et avec le monde qui leur est commun. D'une préoccupation inlassable pour la faiblesse, pour le statut des faibles - alors que l'évolution créatrice, au contraire, les ignore et les méprise et ne semble parier que sur la force des plus forts.
Il est vertigineux d'imaginer un Dieu créateur - créateur de tous les Univers, de cette expansion incroyable et inconnue, préoccupé par la faiblesse des plus faibles. Au point de visiter sa création non dans la force et le déploiement de sa gloire, mais dans l'humilité d'un berceau, d'une crèche, et dans l'accueil du rejet qui conduit à l'infamie et à la mort. Au point de rejoindre ainsi, en un être humain donné du temps et de l'espace, toute faiblesse de tout l'espace et du temps tout entier. C'est ainsi que Dieu est "miséricorde", comme l'annonce le Jubilé que le pape a ouvert cette année dans l'Eglise catholique, il l'est "en lui-même", non comme une condescendance, mais parce que c'est son Etre.
Le Royaume a donc commencé, et la fin du "monde", c'est pour les chrétiens l'établissement définitif de ce Royaume : c'est le Christ revenant victorieux de toute injustice, relevant toute faiblesse, ressuscitant toute mort.
Deux tentations : prendre cela pour de la rêverie, se fier seulement à ce que l'on voit et touche, à l'ici et au maintenant, au sensible actuel, et mépriser comme du délire ces propositions saugrenues. C'est fréquent chez nous, et les chrétiens qui professent encore leur foi en ce domaine, si on les aime bien, on les prend pour de pauvres idiots qui auraient un peu fumé la moquette, quand même... Version plus hard : ces délires sont dangereux, ils empêchent de transformer de fond en comble l'ici et le maintenant, de faire régner - par force s'il le faut - le Royaume attendu par tous : supprimons ces débilités (communisme soviétique, par exemple, il n'y a pas si longtemps, avec les conséquences que nous savons.)
Seconde tentation, inverse mais en vérité complice : tout miser sur l'au-delà, et minimiser la nécessité de réformer l'ici-bas. "Vous êtes malheureux maintenant? Souriez! Vous serez d'autant plus heureux à la fin des temps!" Tu parles! On a assassiné - avec bénédiction d'ecclésiastiques, quelquefois - des milliers de pauvres gens en les enfumant de la sorte : oui, quelquefois, la tentation est celle d'user de cette espérance comme d'un "opium" engourdissant (Marx, dans la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel, et la stigmatisation de la religion comme "opium du peuple.")
Espérance, j'ai lâché le mot : elle est entre ces deux tentations. Voir l'horizon de la fin comme une promesse, et déjà comme une présence, celle du Christ qui nous intime l'ordre d'attendre en servant le monde et les autres. Car attendre, attendre activement, c'est servir.  La page d'évangile lue aujourd'hui et demain dans nos églises est tirée de saint Luc (Lc 12) : cet évangéliste, contrairement à Matthieu et Marc qui repoussent les propos de Jésus sur le monde à venir en finale de leur texte, disperse, lui, à trois moments de son récit, ces mêmes propos. Comme une manière de dire que la fin du temps et de l'espace, que le retour du Christ, que l'établissement du Royaume, ne cessent de se rappeler à nous à chaque "instant". Chaque instant du temps doit être préoccupé par la fin du temps : c'est l'urgence du service, du don, de l'empressement pour autrui qui est ainsi au cœur de la foi, qui est, si j'ose dire, l'espérance au cœur de la foi. Une espérance active, qui se donne de la peine, qui veut changer le monde mais sait que c'est le Christ, à la fin, à la fin de tout, qui changera, pour nous, avec nous - et jamais sans nous - le cours de la vie, l'injustice en justice et la haine en amour.
"Heureux ceux qu'à son retour, il trouvera en train de veiller : je vous le dis, il prendra lui-même alors la pose du serviteur, les fera passer à sa table, et les servira."
La messe est dite - l'Eucharistie, en effet, n'est pas autre chose!

mercredi 3 août 2016

L'extrémisme catho en délire contre le pape

Dans l'avion qui le ramenait de Cracovie à Rome, le pape a, comme de coutume, donné une conférence de presse. Dans l'une de ses réponses, il a fait valoir qu'à ses yeux, l'Islam ne pouvait être dit "violent", mais simplement qu'il y avait des musulmans violents comme il y a des catholiques violents.
Des "cathos" d'extrême-droite, sur la "blogosphère", du coup, se lâchent : le pape serait un traître, il doit démissionner, etc.
L'intérêt de ces réactions, c'est qu'elles dévoilent leur vrai visage : ces gens-là sont mimétiquement identiques aux extrémistes qui se réclament de l'Islam, avec une vision de l'autre - des autres - idéologique et nauséabonde. Ce qu'ils ne supportent pas, c'est la différence, c'est une société métissée où le principal art de vivre consiste en l'acceptation bienveillante et réciproque de la différence de l'autre. Ce à quoi ils n'ont pas renoncé, c'est à un esprit de conquête qu'ils confondent avec l'annonce désintéressée et joyeuse de l'Evangile. Ce qu'ils ne veulent pas comprendre, c'est que la confusion entre le politique et la religion - mettons, la "chrétienté" - n'est plus un modèle souhaitable aujourd'hui. Ce dont ils sont d'indécrottables nostalgiques, c'est du pouvoir exercé au nom de la foi, de l'alliance toujours dangereuse entre le sabre et le goupillon. Et comme ils sont enfermés dans leur raisonnement totalitaire, même si le pape leur dit qu'ils sont dans l'erreur, ils estiment que c'est le pape qui a tort et qui n'est pas chrétien : on voit le degré de leur  culot et de leur aveuglement!
Une religion, faut-il le rappeler, n'est pas en soi "bonne" ou "mauvaise". Les textes sacrés d'une religion sont en outre ce qu'ils sont : dans la Bible juive, dans la Bible chrétienne, dans le Coran, il y a des passages d'une violence inouïe (et même dans le Nouveau Testament, contrairement à ce que l'on entend et lit quelquefois : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour vous depuis la création du monde", lit-on, par exemple, en Mt 25, lorsque Jésus parle du Jugement Dernier; et voyez les combats titanesques de l'Apocalypse!) Il ne s'agit pas de censurer ces textes, comme le préconise, et de façon, pardonnez-moi de le dire, un peu bébète, Monsieur Juppé qui prônait récemment une version du Coran compatible avec les valeurs de la France et qu'on a connu mieux inspiré. Il s'agit d'apprendre à interpréter, ou plus simplement, à lire ces textes d'une façon qui nous fasse tous marcher vers la Vie, et non vers la mort. Cela s'appelle : la théologie. Les événements tragiques que nous traversons nous invitent, me semble-t-il, à réintroduire la théologie, ses discussions, son érudition, dans le concert des disciplines indispensables à une vie commune et pluraliste harmonieuse. Monsieur Valls, actuel Premier Ministre Français, déclarait récemment dans je ne sais plus quel hebdomadaire, que la France devait devenir un pays de référence et d'excellence en matière de théologie musulmane et de réflexion théologique dans le dialogue interreligieux, sans que cela n'entrave en rien, au contraire (disait-il toujours), le caractère laïc de la République. Il me semble qu'on entend là des propos plus justes - que certains amis, qui lisent ce blog, se rassurent : cela ne signifie pas que, si j'étais Français, je voterais Valls plutôt que Juppé, hein! On est ici dans la réflexion.
Et il y a de quoi réfléchir, et à deux fois, en effet... Pour que la théologie puisse jouer, dans nos sociétés, ce rôle indispensable, il faut : des lieux et des programmes de formation, une valorisation de ce qu'elle est, des diplômes reconnus par les Etats, un dialogue entre Facultés de Théologie et gouvernants, des liens interdisciplinaires entre les sciences religieuses et les autres sciences humaines (psychologie, philosophie,  sociologie, littérature, etc.)  En Belgique, on est en train de détricoter ce qui existe encore comme enseignement public de la religion, exactement à l'opposé de ce qu'il faudrait faire!
Ah oui, il y a de quoi réfléchir, et agir, surtout, pour apprendre à réfuter les positions extrémistes, en ce compris celles des soi-disant "cathos" opposés au pape, et essayer d'éviter, s'il en est encore temps, la "guerre des civilisations" vers laquelle certains se réjouissent de nous entraîner...

mardi 26 juillet 2016

Ce qui est à craindre...

En s'attaquant à un prêtre ce matin, des tueurs fous - et fous au sens premier du terme - se sont attaqués à une réalité qui conserve, en France encore plus qu'en Belgique, toute sa force symbolique. Ils contribuent ainsi à créer ou à renforcer un climat de haine déjà trop présent à l'encontre d'une communauté particulière, celle des Musulmans de chez nous, qui sont dans leur très grande majorité absolument étrangers à cette barbarie. Ils veulent précisément attiser cette "islamophobie" rampante et lui faire prendre des couleurs de guerre de religions.
Voilà ce qui est à craindre.
Si ce projet-là, qui est une stratégie à peine voilée de Daesh, réussissait, alors c'en serait fini de nos démocraties occidentales, et la terreur aurait vaincu.
Je suis effrayé de ce que je lis trop souvent sur les réseaux sociaux - en particulier sur Facebook : ce rejet de l'autre parce qu'il est autre, cette volonté de l'exclure, cette stigmatisation commode et malhonnête d'une communauté religieuse particulière.
Ce qui se passe, c'est la conjonction malheureuse d'un extrémisme terroriste, une idéologie radicale et manipulatrice, et d'une jeunesse déboussolée, chez nous, parce que son "intégration" n'a pas réussi dans la société. Le cocktail alors est explosif - c'est le cas de le dire : à des jeunes sans horizon, à des jeunes déçus ou exclus, on propose de se réaliser dans un fanatisme d'abord séduisant, puis suicidaire.
Il faut certes éradiquer l'intégrisme partout, dans toutes les religions et dans toutes les idéologies (il y a aussi un athéisme intégriste et potentiellement dangereux - on l'a vu dans un passé peu éloigné.) Mais il faut surtout s'interroger sur la capacité de notre société à proposer  à  tous, et en particulier aux jeunes, des perspectives de vie qui aient du sens, qui soient porteuses de paix, de fraternité, de justice. Je crois que le christianisme offre - ou peut offrir - cela, et qu'il n'est pas le seul. Des événements comme les JMJ qui se sont ouverts aujourd'hui à Cracovie peuvent aider de jeunes adultes à puiser ainsi dans la foi chrétienne ce qui va baliser, étayer leur existence encore toute neuve.
Quant au confrère - le Père Hamel - qui a été sauvagement exécuté ce matin, pendant qu'il célébrait la messe, c'est-à-dire pendant qu'il exerçait le cœur même de son ministère de prêtre, je le recommande à la prière de tous les fidèles chrétiens du doyenné d'Enghien-Silly. Il a accompli sa vie d'homme et de pasteur, à laquelle il avait été appelé il y a bien longtemps,  et il l'a accomplie d'une façon brutale et certainement inattendue. C'est parce qu'il était prêtre catholique qu'on l'a ainsi assassiné - en ce sens, il est devenu pour tous un témoin privilégié  et, comme nous disons en usant du mot grec, un "martyr" de la foi chrétienne. Maintenant, nous compterons aussi sur son intercession pour que la paix et la fraternité soient rétablies dans le monde, et que soient extirpée de nos cœurs toute velléité de haine ou de vengeance.

dimanche 24 juillet 2016

Le trésor du Patro

Je reviens tout joyeux des Ardennes, où j'ai passé l'après-midi au camp du Patro des garçons d'Enghien.
Rassurons les parents : tout le monde va bien! L'ambiance est excellente, l'endroit bien choisi pour dix jours de jeux, de détente, de rencontres.
Et de prière.
Car nous avons prié, j'ai célébré la messe avec eux cet après-midi : un moment simple, recueilli, émouvant même avec l'accueil ensuite de quelques confidences, de quelques larmes même, de quelques enfants qui ouvrent leur cœur, qui disent leur peur, si simplement, de façon si touchante.
J'ai remercié, et de tout cœur, les "dirigeants". Ils forment une équipe remarquable, sont tout dévoués à faire grandir ces enfants dans le sens de la rencontre, du dialogue, de la tolérance. Ils donnent de leur temps, de leur énergie, de façon absolument bénévole - et du reste, cela quelquefois pose un problème de rythme des rencontres au fil de l'année, et de recrutement. Je leur fais confiance : ils sauront trouver des solutions à ces questions difficiles, et ils savent que la Paroisse les soutient à 200%.
Nous verrons bien comment concrétiser cet appui  dans l'année importante, de "refondation", qui va s'ouvrir pour mettre en œuvre chez nous les décrets du Synode diocésain. Ils y ont toute leur place - une grande place!

jeudi 30 juin 2016

Un immense merci aux enseignants

Ce 30 juin, j'ai clôturé une (presque) semaine de présence dans les Ecoles d'Enghien (fondamentales ou secondaires) pour les proclamations et remises de diplômes. En fin de journée aujourd'hui, j'étais, pour la deuxième fois, invité par l'Athénée Royal d'Enghien à cette cérémonie, après avoir présidé hier le même genre d'événement au Collège Saint-Augustin.
Au terme, je mesure l'énorme travail fourni par les enseignants, leur patience, leur attention sans cesse renouvelée, leur enthousiasme. Je mesure aussi l'incroyable investissement des directions et des "pouvoirs organisateurs", du personnel, des éducateurs...
Quelle richesse se trouve là, et trop souvent méconnue, voire méprisée par certains!
Je sors de ces quelques jours avec le ferme propos, comme on disait autrefois, de soutenir encore davantage le monde de l'éducation et de l'enseignement, de l'encourager par tous les moyens, de le valoriser chaque fois que c'est possible.
Alors, bravo, certes, aux élèves qui ont franchi avec succès une étape de leur cursus, courage à ceux et celles qui doivent peaufiner l'épreuve par une vérification en septembre, mais surtout, surtout, un immense merci aux enseignants!

dimanche 26 juin 2016

"Passer entre les gouttes" : la Procession d'Enghien!

C'est ce qui s'appelle "passer entre les gouttes" : aujourd'hui, la Procession d'Enghien n'a (presque) pas été mouillée par les intempéries. Il a juste fallu renoncer à quelques centaines de mètres de parcours - et les habitants de ces quartiers, je le sais, m'en veulent pour cela, mais nous ne pouvions pas mettre en péril des ornements qui datent quelquefois du XVIIIème siècle. Nous reviendrons chez eux l'an prochain, promis! La population était au rendez-vous, comme les groupes nombreux qui représentent aussi bien l'histoire ancienne et riche de notre cité que son présent : Seigneurs d'Enghien qui ont fait de la Ville ce qu'elle est, mouvements de jeunesse qui disent quelque chose - et quelque chose de beau! - de son avenir, confréries et corporations qui rappellent les liens tutélaires entre Enghien, ses marchands, ses commerçants, et  sa paroisse.
Montrer que cette paroisse, précisément reste aujourd'hui comme hier au service de tous - par-delà divergences de convictions, de croyances, de préférences : tel est, au fond, le but de cette sortie durant laquelle les chrétiens d'Enghien montrent ce qu'ils portent en eux de plus riche. Non pas tant des ornements anciens ou des statues précieuses - sinon, nous ne serions plus qu'un musée - mais une vie, une vie de trente-six façons diverses donnée au Christ, et c'est lui qui préside vraiment cet événement, ce Jésus donné pour toujours, et à tous les hommes de tous les temps, dans le Pain de Vie eucharistique porté sous le dais par prêtres et diacre.
Dans les quartiers plus modestes, sur les appuis de fenêtres, les gens savent et attendent cela : une petite statue ramenée depuis longtemps de Lourdes, une fleur ou une bougie racontent sans rien dire, mais en disant tout, en disant le plus essentiel,  que cette Procession n'est pas - ou du moins pas seulement - du folklore, mais un acte de rencontre et de communion. Oui, de communion : entre soi, entre nous, avec Dieu, si l'on veut, comme on veut, mais de communion.
Un moment important de la vie paroissiale, certes, mais aussi de la vie enghiennoise.
Aujourd'hui, le Vicaire Episcopal Giorgio Tesolin, Chanoine de la Cathédrale, professeur à la "Louvain Management School", a présidé amicalement avec moi cette Procession. Il gère, au nom de notre Evêque, les relations de l'Eglise diocésaine avec les institutions caritatives, mutuelles, hôpitaux, associations comme "Caritas" - il nous a rappelé combien l'Eglise, fût-elle locale, n'existe jamais pour elle-même, mais toujours et seulement au service de tous, et surtout des plus faibles.
Cela a donné une impulsion nouvelle à notre Procession, qui n'existe que par l'énergie de son Comité tout entier, un Comité auquel je dis ici mes immenses remerciements!

mercredi 22 juin 2016

S'effacer devant la fonction...

Pour la première fois de ma vie de prêtre, et de ma vie tout court, j'ai reçu aujourd'hui, ici à Enghien, le "serment" d'un nouveau Doyen de notre région pastorale : Marc, 36 ans, originaire du Congo, devient responsable de l'Unité Pastorale de Lens. Je l'installerai "liturgiquement" à la rentrée (en octobre, sans doute), mais il fallait qu'il y eût ce rite un peu ancien, par lequel il est devenu aujourd'hui canoniquement curé-doyen. Accompagné de son "ancien" doyen, le curé-doyen de Thuin et Lobbes, dont il était jusqu'ici le vicaire,  il m'a présenté sa lettre de nomination, et ensemble, dans la chapelle Notre-Dame de Messines, nous avons accueilli sa profession de foi : il a récité le Symbole de Nicée-Constantinople et promis obéissance à l'Eglise de toujours, et à l'Eglise actuelle, dans l'exercice de ses nouvelles fonctions, touchant à ce moment le Livre des Evangiles en signe de fidélité au Christ lui-même. Nous avons surtout prié ensemble, pour entourer ce moment très formel d'une supplication nécessaire et qui reste notre premier souci : que tous, et chacun, nous puissions, malgré nos faiblesses, répondre à l'appel que notre vocation baptismale, puis diaconale, presbytérale ou épiscopale, nous adresse.
C'était un moment chaleureux, empli de sens, de fraternité et d'encouragement.
Marc est maintenant ici, dans cette Région pastorale, chez lui, complètement chez lui.
Je souhaite de tout cœur qu'il soit accueilli comme un frère et un pasteur par tous les baptisés de cette Paroisse "Nouvelle" et déjà refondée, qui est à Lens et à Jurbise. Qu'on l'encourage, qu'on l'estime comme un père, malgré son jeune âge, et comme il le mérite - relisez, paroissiens de cette Paroisse, les lettres d'Ignace d'Antioche, qui déplore si souvent sa jeunesse en décalage avec sa fonction épiscopale, mais en même temps, c'est le signe de la jeunesse perpétuelle de l'Eglise.
Du reste, j'ai vu ce jeune homme, pendant sa "prestation de serment", s'effacer devant sa fonction, qui n'est pas une fonction, mais une Personne : le Christ, le Christ pasteur, dont il dira désormais la présence sacramentelle dans la Paroisse Nouvelle de Lens, pour tous les chrétiens qui s'y trouvent rassemblés et veulent y vivre leur foi.

vendredi 17 juin 2016

Les contrefaçons du christianisme

Je songe à cette publicité ancienne ("que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître", comme chantait l'autre), et qui portait sur une boisson dégoûtante appelée "Canada Dry". On y disait : "C'est blond comme l'alcool, c'est doré comme l'alcool, mais ce n'est pas de l'alcool..." En réalité, c'était de la pisse de rat, il eût beaucoup mieux valu s'envoyer un vrai bon whisky.
Nous sommes semblablement submergés par des contrefaçons du christianisme : blondes comme lui, dorées comme lui, mais ce n'est pas lui! L'exemple le plus frappant vient des discours nationalistes qui revendiquent  une "identité" chrétienne de l'Europe et, pour cela même, souhaitent fermer les frontières de ladite Europe et de chacune de ses nations aux migrants ou, quelquefois plus généralement, aux musulmans. Je songe, par exemple, aux vidéos perverses,  remplies d'amalgames nauséabonds distillés par l' "Institut Iliade" - voir sur YouTube.
Le christianisme a certes forgé, pour une part, l'identité européenne.
Mais il l'a précisément fait par son ouverture aux autres et à l'Autre, qui constitue le cœur de son cœur. La Bible juive et chrétienne est une longue épopée de migrations et de souvenance que l'on fut soi-même "en Egypte, un immigré", de nécessité dès lors d'accueillir ceux-ci et de les respecter lorsqu'ils se présentent, d'alliances avec les nations étrangères - même au creux du terrible exil babylonien, lorsque semble avoir disparu tout signe extérieur de l'identité primitive (il n'y a plus de Temple, il n'y a plus de prêtres, il n'y a plus de prophètes,  "et pour combien de temps, nul d'entre nous ne le sait..."). Et le Nouveau Testament n'est pas en reste, qui ouvre généreusement aux nations le salut que d'aucuns auraient voulu réserver aux seuls Juifs (Jésus lui-même, déjà, voyez, après ses réticences, son ouverture à la Cananéenne, et surtout Paul, bien sûr et sa volonté d'aller au large porter la Bonne Nouvelle.) Le christianisme est une religion du voyage, de la rencontre, de l'émerveillement devant l'autre - et là est son identité. Désire-t-il "assimiler" l'autre? Mais... non : car "assimiler", c'est "rendre semblable" (similis) à soi, et de cela il n'a nulle envie. Se laissera-t-il alors "bouffer" par les autres? Mais les chrétiens ne sont-ils pas disciples d'un Dieu qui se laisse manger (voyez l'Eucharistie) ou, plus précisément, qui se donne à manger - sachant qu'au final, comme disent les Pères, ce n'est pas alors  Dieu qui se transforme en l'homme, mais l'inverse?
Les contrefaçons viennent des amalgames (et notamment politiques) que l'on est toujours tenté de proposer comme "vérité chrétienne" depuis la naissance même de cette foi, de cette "Voie". Ils ne doivent pas nous éblouir et nous distraire de la fidélité véritable au Christ, qui accueille la nécessité de la perte dans le don de soi, "pour que tous aient la vie, la vie en abondance."

PS. Dans ce sens - je le prends ainsi - j'ai reçu ce matin une lettre encourageante du Pape (mais oui!), qui "m'assure de sa prière pour moi et mon ministère, ainsi que pour les personnes que j'accompagne sur le chemin d'une rencontre avec le Christ, visage de la miséricorde de Dieu." Je transmets, donc...

mardi 7 juin 2016

La politique, pour empêcher les inondations...

Dans une vie tout de même déjà longuette et bien remplie, j'ai eu le temps et l'occasion de voir, de lire et même de contempler des conneries. Ah oui! Et des belles!
Mais je pense que je viens de découvrir le record mondial.
Dans des commentaires à un article "on-line" du Journal Le Soir, sur les inondations, en effet, un lecteur croit bon d'admonester ainsi ses concitoyens : "La prochaine fois que nous voterons, élisons des hommes politiques qui s'engagent à éviter les inondations."
Ajoutons : pas seulement les inondations, mais les intempéries en général (par exemple, moi, je n'aime pas la neige : et quel gain économique si l'on pouvait éviter de sabler ou de saler les routes en hiver!) Et le gel - quel gain pour le chauffage! Et les trop fortes chaleurs (qui déshydratent si facilement les personnes âgées dans les maisons de repos!)
Et finalement, élisons des hommes et des femmes politiques qui s'engagent à éviter les maladies, les accidents, le vieillissement de la population et l'insupportable mortalité dont nos pays sont victimes (vous avez observé comme moi que nos dirigeants, s'ils parviennent à quelques résultats en matière de chômage, n'arrivent à rien pour empêcher la mort de leurs concitoyens. Une véritable honte.) Oui, protestons contre ce manque de volonté!
Il est grand temps!

samedi 4 juin 2016

Les choix du frère Théophane

Retour de Tchéquie, où j'aurai passé une semaine pleine d'enseignement. Enseignement que j'ai donné - eh oui, je suis quand même encore professeur - mais surtout que j'ai reçu. J'ai vécu jusqu'à jeudi à l'Abbaye de Novy Dvur, à une centaine de kilomètres de Prague, pour faire à une quinzaine de jeunes moines (moyenne d'âge : entre 25 et 40 ans) des leçons de "théologie spirituelle". La vie claustrale, en tous les cas temporairement, m'a toujours convenu, et, en l'occurrence, celle de cette communauté cistercienne nouvelle et dynamique.
Jeudi donc, c'est le frère Théophane - 25 ans - qui m'a ramené à Prague, où je suis resté jusqu'aujourd'hui (dans le but de visiter cette ville admirable, que je ne  connaissais pas.) Il est entré au monastère il y a six ans - comptez : il en avait 19. D'où mes questions, et notre conversation, dans la voiture : pourquoi? Pourquoi un jeune homme comme lui, cultivé et tout (et francophile : il a lu Mauriac, me parle du Mystère Frontenac et du Nœud de Vipères, il a lu Bernanos et me commente Le Journal d'un curé de campagne, et ainsi de suite...), choisit-il au sortir du Lycée de devenir moine, et sous une Règle tout de même sévère, celle de saint Benoît revisitée par les Cisterciens?
- "Pour être libre", me dit-il.
- "Etre libre? Mais vous l'étiez, non, depuis 1989 et la 'Révolution de velours'?"
- "Je n'ai pas, dit-il, connu le communisme - comme mes parents. Je suis né un an après sa chute. Mais la liberté qui s'en est suivie, une liberté purement consommatrice, ne m'a pas convenu. J'avais besoin de me structurer. De m'enraciner dans quelque chose. La vie de famille aurait pu le faire. Un bon travail, aussi. Mais je me suis senti appelé à une espèce de don total, où l'on se trouve en ne s'appartenant plus. Plus du tout. Et la voie monastique, la voie cistercienne, m'a parlé. Et j'y suis heureux."
- "Et vos parents ont-ils compris cela?"
- "Oh ma mère a eu peur, peur que je ne me 'sectarise'. Mais elle voit bien que je suis heureux, et pacifié intérieurement. Et donc peut-être aussi pacifiant. Après tout, c'est elle qui a voulu que je sois baptisé, et ma vie monastique n'est rien d'autre qu'une prise au sérieux de mon baptême."

     Et c'est vrai que Théophane est tout sauf sectaire. C'est un jeune d'aujourd'hui, peut-être un peu plus cultivé que la moyenne, mais enlevez-lui son habit monastique et mettez-lui un jean et des baskets, vous le verriez très bien traîner le soir dans les rues de Prague avec des potes. Des potes, il en a eu, justement, et des "potesses". Ont-ils compris son choix?

- "Ceux qui ont compris sont restés. C'étaient de vrais amis. Les autres..."

     Une fois à Prague, il tient à me faire connaître sa maman : "Elle ne comprendrait pas que je revienne en ville sans aller lui dire bonjour." C'est évident! Comme il est évident que cette femme encore jeune est heureuse de voit son fils heureux. Il y a de la connivence entre eux, de la complicité, et infiniment  de respect.

     Cette rencontre m'a beaucoup appris, et en particulier sur les différences culturelles de notre "Europe". Imagine-t-on pareille situation chez nous? On se dirait que ce garçon est,  au pire, embrigadé, au mieux, un peu "doux". Or, je suis persuadé que Théophane vit une vraie vocation, profondément enracinée, sérieuse, et qui va l'épanouir en humanité, et qui va rayonner et donner beaucoup de fruits. Il a vu plus vite que nous, peut-être parce que l'histoire de son pays s'est brutalement précipitée, ce que la liberté "sauvage" peut avoir de destructeur, et en tous les cas, de déstructurant. Peut-être même, osons le paradoxe, de liberticide. Alors que la "Règle" monastique - celle de saint Benoît, qui a tout de même forgé notre Occident - était pour lui, et d'une façon également paradoxale, libératrice.

     Ce témoignage a-t-il quelque chose à nous dire, à nous raconter? Et à raconter aux jeunes de son âge qui vivent chez nous? Je laisse vraiment la question ouverte. Mais, au fond de moi, vous l'avez compris,  j'espère bien que oui.

jeudi 26 mai 2016

La mort de Bernard, la mort d'un frère...

Nous avons appris dans l'après-midi le décès, survenu ce matin, de notre confrère et ami prêtre l'abbé Bernard François. Bernard était, comme on dit, "de mon cours" - ce qui signifie des années communes de séminaire, et nous nous rencontrions depuis nos ordinations respectives (plus de trente ans, donc) environ tous les deux mois - la dernière fois, il y a peu, ici à Enghien.
Il y a quelques temps, cet homme robuste, fonceur, dynamique, têtu ("saintement têtu" disait-on déjà au séminaire...) a fini par obtenir ce dont il rêvait : se rapprocher des plus pauvres des pauvres, partir pour l'Afrique oubliée, accueilli et aidé par la Congrégation des Pères Spiritains. Il était en Guinée, dans une campagne perdue à plus de huit cents kilomètres de Konakry,  où il a été rattrapé par une atteinte violente de malaria (paludisme). Transféré à l'hôpital de Konakry, il y est donc décédé ce matin. Et, selon sa volonté, c'est là qu'il sera enterré.
Vicaire puis curé dans divers lieux du diocèse, Bernard aura marqué par son tempérament engagé, volontaire, quelquefois excessif, toujours généreux.
J'admire ce soir, tout rempli de la tristesse de son départ trop rapide, la cohérence de ses choix : être présent aux plus pauvres de tous. Il voulait cela de tout son cœur. En quelque sorte, il en est mort...
Des messes seront célébrées à sa mémoire dans le diocèse, je ne sais pas encore quand.
En tous les cas, le 24 juin prochain, ici à Enghien - jour anniversaire de mon ordination -, avec deux autres confrères du même cours, nous concélébrerons la messe de 18h00 en priant pour lui et en lui recommandant notre ministère...
Repose en paix, Bernard, dans la belle et douloureuse terre d'Afrique pour laquelle tu voulais tout donner!

lundi 23 mai 2016

Pourquoi je suis chrétien

La question mériterait, évidemment, bien des réponses.
Je souhaite aujourd'hui en évoquer une, qui me semble décisive.
L'humanité se caractérise en ceci, qu'elle veut des histoires signifiantes pour se donner un salut - les anthropologues diront des "mythes", ce qui n'a rien de péjoratif, le mythe est une histoire qui dit quelque chose de vrai sur le mode de l'invention, de la fiction. Toutes les civilisations vivent par ces récits, à travers eux, car ils permettent à chacun de trouver sa place dans l'histoire : voyez les Amérindiens, les Scandinaves, les Germains, les Polythéistes grecs puis romains, etc. Ces mythes sont fondateurs d'humanité : on y trouve de quoi non seulement vivre (cela, c'est le boire et le manger, comme tous les animaux) mais de quoi "être", "être en regard", "être aux yeux des autres", "être aux yeux de l'Autre". Ils disent, en racontant des histoires magnifiques et terribles, quelque chose de la Vérité de l'être humain, de sa destinée, qui fait de lui un animal "à part des autres". Les souris n'ont pas de mythe, ni les vaches, ni les grands singes, ni les chiens et les chats, aussi affectueux soient-ils.
Dans ces mythes, les religions trouvent leur origine. Elles racontent, pour dire quelque chose de la vérité de l'homme. Et, si l'on y croit, de Dieu. Elles constituent, en quelque sorte, le mode d'accès le plus évident aux récits fondateurs par lesquels l'humanité de l'homme trouve sa justification. Par leurs rites, leurs textes, leurs manières de se positionner dans le monde, elles permettent à l'être humain non seulement de vivre, mais d' "être".  Chacune à sa façon, elles lui promettent le salut : une espèce de dépassement,  de conviction réalisée dans l'espérance que "l'homme passe infiniment l'homme" (Pascal), que l'être humain s'accomplit dans un devenir inattendu qui le réalise absolument.
Les religions sont multiples : à côté des polythéismes et monothéismes connus, le communisme a pu servir - et sert encore, voyez la Corée du Nord - de substitut religieux efficace. Le libéralisme, autre substitut, qui promeut le bonheur par l'extension indéfinie de la liberté individuelle, aussi. L'écologie, qui propose un salut lié à celui de la planète, peut aussi devenir une forme de religion (avec ou sans dieu, du reste, panthéiste ou non). On pourrait allonger la liste : l'offre est vaste. Elle est souvent décevante, quand elle ne tient pas ses promesses pour tout le monde, ou qu'elle se borne  à un horizon seulement matériel du salut (faire de l'argent, réussir dans la vie, etc.) que l'on sait nécessairement barré par la mort corporelle, un jour ou l'autre.
Il me semble que le succès momentané de Daesh trouve là une de ses clés : si cette organisation terroriste réussit à recruter dans plus de cent pays des jeunes très différents entre eux (origine, culture, etc.), c'est parce qu'elle propose un substitut religieux (fallacieusement greffé sur le Coran, mais qui n'a rien à voir avec lui) à des "religions" qui ont failli, qui n'ont pas tenu leurs promesses de bonheur : celles que j'ai citées, celle des "Droits de l'Homme" aussi telle que proposée en Occident dans des démocraties qui peinent à les mettre vraiment en œuvre. Alors les récits magnifiques et meurtriers de Daesh fonctionnent : ils sont un mythe porteur, on peut y trouver des raisons d'être quelqu'un(e), quitte à tuer tout le monde et à se faire exploser - le salut viendra, par ce martyre, par ce sacrifice, un jour ou l'autre.
Et la raison, direz-vous? Cette belle raison occidentale dont on a parfois fait aussi un substitut religieux? Mais la raison naît toujours après, de l'intérieur des mythes, pour les justifier, pour leur donner une puissance universelle de pensée. Sinon, elle n'est qu'un mythe de plus - celui de la science triomphante, par exemple, comme explication de tout, ce qui donne le (finalement) pauvre scientisme du XIXème siècle.
Eh bien, figurez-vous, je préfère le christianisme. Mythe (au sens le plus noble du mot, donc), et fondé sur des événements historiques, il annonce par ses récits et par ses rites un accomplissement humain dans un salut universel où - malgré les contre-témoignages de l'histoire - la violence est abolie. Il annonce un Dieu faible et relevant l'homme, non pas terrassant celui-ci, mais agenouillé devant lui pour en faire le véritable auteur de sa destinée. Il offre un horizon de sens en cette vie terrestre et par delà cette vie terrestre, tel que je n'en connais pas dans les autres récits, aussi prodigieux soient-ils, de la narration humaine. Ce qui se raconte dans la figure du Christ, de son parcours terrestre, de ses paroles, de ses actes, de sa mort, de sa résurrection, tout cela reste pour moi ce que l'on peut dire de plus exaltant à l'être humain - je dis bien son "être", pas seulement sa vie - pour qu'il se réalise pleinement, en solidarité avec tous, en respect de chacun, en respect de son monde.
Voilà pourquoi je suis chrétien.

mardi 10 mai 2016

La honte dans les prisons de notre pays

Ce que révèle la grève importante du personnel pénitentiaire, chez nous, en dit long sur un malaise plus général qui gangrène notre pays et ses institutions. Les prisons constituent un domaine "régalien" - c'est-à-dire l'un des secteurs où l'autorité de l'Etat doit s'exercer absolument (comme les finances, ou les affaires étrangères, par exemple.) Or nous voyons un Etat faible, incapable d'assurer les droits humains fondamentaux des prisonniers, leur entretien quotidien, leur confort minimal, leur propreté et leur hygiène, etc. Cette incapacité n'est pas que temporaire : elle renvoie à un manque récurrent de bonne gestion, depuis des années voire des décennies : surpopulation, trafic de drogues sur lequel on ferme les yeux, radicalisation islamiste favorisée par le regroupement mal discerné de certains détenus, j'en passe. La prison manque à ses devoirs - car elle a des devoirs, régulièrement rappelés et par exemple dans l'ouvrage magistral et déjà ancien du philosophe Michel Foucault, Surveiller et punir (Gallimard, 1975) : certes punir, en effet; protéger la société mais surtout réinsérer le délinquant et le rendre à la vie sociale, puisque le tribunal a jugé que c'était là chose possible après quelques années d'éloignement.
Nous n'y sommes pas  : j'entendais et voyais ce soir, à la télé, des reportages dans lesquels l'état des prisons et des prisonniers était décrit par des visiteurs impartiaux. Quelle honte! Des rats, des cafards, de la merde partout, et le reste.
Je n'oublie pas, dans cette année jubilaire de la miséricorde, que l'une des œuvres extérieures de la miséricorde consiste à "visiter les prisonniers". Non seulement pour leur dire bonjour, évidemment, mais pour leur témoigner la présence et la compassion de Dieu, et sa volonté de pardon, de don par-delà les fautes commises et reconnues. "J'étais en prison, et vous m'avez visité" dit Jésus (Mt 25) comme l'un des critères de vie éternelle pour ceux qui croient en lui, s'assimilant lui-même aux personnes emprisonnées.
A ce double titre de chrétien et d'être humain, je plaide pour que les prisonniers de notre pays soient simplement traités dans la dignité.

lundi 9 mai 2016

Mort de Philippe Beaussant

Ce nom ne dira peut-être pas grand chose : Philippe Beaussant était un spécialiste de la musique et de l'histoire du XVIIème siècle français, et plus généralement de la culture "baroque". Je l'avais connu à Chimay, il y une vingtaine d'années, lorsqu'il y présidait le Jury du Concours de Musique Baroque que les Princes organisaient à l'époque, et qu'il y prenait ses quartiers  avec son épouse. Nous fréquentions ensemble, entre les concerts, l'Abbaye de Scourmont... dont il appréciait fort la remarquable bière! Je l'avais revu récemment, il y a un an environ, lors de la  réception à l'Académie Française -  il en était membre- de Dany Laferrière. Toujours aussi exquis : il m'avait dit préparer un (second) ouvrage sur la gastronomie du Grand Siècle, ce qui me réjouissait.
Sa gentillesse, son érudition, son humilité vont manquer...
S'il fallait, parmi tant d'autres, recommander un livre de lui : voyez Le Roi-Soleil se lève aussi, chez Gallimard en 2000. Un récit reconstitué et enlevé d'une journée "type" de Louis XIV, vers 1700 (au moment de l'affaire de la Succession d'Espagne).  Passionnant!

jeudi 28 avril 2016

Méditation sur la Résurrection du Christ

Je voudrais ce soir rendre hommage au grand théologien orthodoxe Olivier Clément, mort en 2009. Ce Français, magnifique érudit, agrégé d'Histoire, issu d'une famille et d'une tradition athées, s'était converti à l'orthodoxie vers l'âge de trente ans et, parallèlement à son enseignement de l'Histoire, il a aussi fait passer dans ses cours à l'Institut Orthodoxe Saint-Serge et à l'Institut Catholique de Paris (où j'ai suivi son enseignement) sa passion pour la théologie orthodoxe.
Je l'ai revu à de multiples reprises après mes études - il fut un temps, avec son épouse Monique, le responsable de l'Association des Ecrivains Croyants, et j'ai participé régulièrement aux activités de cette Association. Je l'avais, il y a bien des années maintenant, invité à l'Université Catholique de Louvain (dont il est Docteur Honoris Causa) à animer une session, où il avait bluffé tout le monde par son savoir et sa gentillesse.
Ses publications sont nombreuses, et remarquables. Je recommande L'Autre Soleil, son "autobiographie spirituelle" dans laquelle il raconte sa conversion et les raisons de sa fascination pour le christianisme oriental.
Pourquoi faut-il que je me souvienne de lui ce soir, qu'il accompagne ma méditation vespérale, sinon peut-être pour partager une émotion restée vive?
Jugez donc par vous-mêmes : voici, en ce temps pascal,  deux vidéos d'un récit passionné qu'il fait de la Résurrection du Christ comme moment essentiel de l'Humanité de l'Homme.

dimanche 24 avril 2016

La nouveauté

S'il y avait bien un terme récurrent dans les lectures de ce dimanche, c'est l'adjectif "nouveau". Dans l'Apocalypse, l'auteur dit avoir vu "un ciel nouveau et une terre nouvelle" et entendu Celui qui siège sur le trône proclamer : "Voici que je fais toutes choses nouvelles." Et, dans l'Evangile, c'est Jésus qui parle d'un "commandement nouveau", qui est de nous aimer les uns les autres, comme lui-même nous a aimés.
Pâques nous libère de tout ce qui est vieux en nous, et, comme le dit une oraison du temps pascal, "de tout ce qui ne peut que vieillir." Mettons : la rancune et la mesquinerie, les jalousies et les malveillances, les rivalités stériles, les ressassements, les bouderies, les fâcheries, les ricanements, les étroitesses d'esprit et de cœur, et tout le reste. Tout cela, si l'on n'y prend garde, empire avec le temps qui passe, tout cela nous vieillit plus vite encore que nos années ou nos rides. Ce qu'il y a de pire dans le péché, c'est qu'il nous rend tout de suite vieux, quel que soit notre âge...
Mais le Ressuscité nous fait don de sa jeunesse : il restaure notre cœur, le rend capable de patience, de douceur, de mansuétude, de miséricorde. Bref, capable d'assumer le "commandement nouveau" et peu à peu, de renouveler toutes choses dans l'humanité et dans le monde.
C'est une petite flamme seulement, un petit germe, mais qui est plus fort que tout : cette jeunesse-là, la joie de cette jeunesse-là, vaincra au bout du compte, à la fin du temps, l'usure du monde.

mercredi 20 avril 2016

Lâcheté du monde politique européen : les premiers massacres d'innocents

On le sait : l'Europe a lâchement confié à la Turquie la garde des migrants refoulés depuis la Grèce. Et ce qui devait arriver est arrivé : ce matin, huit personnes, femmes et enfants, ont été abattues - assassinées,  il n'y a pas d'autres mots - par les gardes turcs parce qu'il voulaient s'échapper des systèmes de contrôle qu'on leur imposait.
Evidemment, ce genre de chose n'aurait guère  pu arriver en Europe - quel que soit le pays - sans une saine réaction de l'opinion publique. En Turquie, où cette opinion est (de plus en plus) muselée, personne ne réagira et ne criera au massacre.
Et l'Europe s'en lavera les mains... des mains qui resteront néanmoins rougies du sang d'enfants martyrs.
On m'a dit récemment que je "tonnais" trop facilement contre les politiques. Je répète que j'estime leur tâche à un degré très haut, très élevé. C'est pourquoi, précisément pourquoi,  je fustigerai toujours leur lâcheté.
Et là, l'Europe est d'une lâcheté écoeurante.
Et je vous le rappelle, chers amis lecteurs : les députés européens, c'est nous qui les élisons, tous partis confondus. Leur demanderons-nous compte de ce sang versé, ce sang d'enfants?

lundi 18 avril 2016

Une victoire de la mobilisation : KTO maintenue dans les programmes de Proximus-TV

Il faut remercier ceux qui se sont mobilisés (Tommy Scholtès en tête), qui ont argumenté, pétitionné contre la décision unilatérale qu'avait prise Proximus-Tv, pour des raisons à la fois économiques et idéologiques, de supprimer de ses programmes la chaîne catholique KTO. Le distributeur belge est revenu sur sa décision, ce qui prouve qu'une mobilisation bien conduite est aussi efficace.
Je me réjouis pour ceux et celles qui trouvent en KTO une série d'émissions intelligentes, de réflexion, d'approfondissement et de prière. C'est une chaîne, qui plus est, ouverte à toutes sortes de dialogues culturels et interreligieux - une vraie mine de méditation.
Merci donc à Proximus-TV de s'être ravisé  et merci à ceux et celles qui l'en ont persuadé!

samedi 16 avril 2016

Emu et heureux

J'ai regardé sur KTO - tant que la chaîne est diffusée par Proximus-TV, avant l'ignoble lâchage par ce dernier prochainement - la rencontre à Lesbos des migrants avec le pape François, le patriarche de Constantinople et l'archevêque orthodoxe d'Athènes.
Tout m'a ému dans cette rencontre :
- le fait, d'abord, qu'elle ait lieu : on imagine les tractations, les négociations, en particulier entre Eglises (catholique et orthodoxe) souvent rivales, surtout en Grèce. Or, nous avons vu trois frères pasteurs de l'Eglise, amicalement unis (un beau geste, à la dérobée, du patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée qui remet en place la croix pectorale du pape un peu bousculée par les accolades des migrants, un petit geste, un rien, mais qui dit quelque chose de plus fort que toutes les déclarations), et c'est une première bonne nouvelle. L'Eglise de Jésus est unie, ou en tous les cas, peut s'unir face au malheur des hommes.
- les propos du pape à l'adresse du Premier Ministre Tsipras : un "merci" à la Grèce, qui a accueilli et accueille encore, malgré sa situation économique plus que précaire, le plus grand nombre de migrants, signe que ce pays est fidèle à la tradition humaniste dont il est le berceau. Ceux qui savent mon côté "philhellène" comprendront que cela m'a touché.
- les attitudes de respect du pape et des deux archevêques orthodoxes : François serrait les mains, embrassait les enfants, mais quand il remarquait qu'une femme, voilée, était probablement musulmane, il s'inclinait simplement devant elle, pour ne choquer personne. Un exemple.
- la charte signée par les trois hommes, qui s'engagent à tout mettre en œuvre pour que l'Europe soit plus accueillante face du drame présent.
- les propos du pape dans l'avion, lors de sa conférence de presse, y compris sur d'autres sujets, comme Amoris laetitia - suggérant qu'il fallait lire cette exhortation et la présentation théologique de Cardinal Schönborn, et ne pas regarder les choses par le petit bout de la lorgnette (le "permis" et le "défendu"), ce qui ne serait pas un signe de grande intelligence...
- le fait que le pape ait ramené avec lui trois familles (en tout, douze personnes) de migrants pour les héberger dans l'Etat du Vatican - "une petite goutte d'eau dans l'océan", disait-il dans sa conférence de presse, mais "une goutte nécessaire". Ce qui, tout de même, fait de l'Etat souverain du Vatican le pays aujourd'hui le plus accueillant d'Europe pour ces personnes (ce n'est pas la première fois qu'il y a un tel hébergement), de façon bien sûre proportionnelle. Ah oui : ces trois familles sont musulmanes, comme s'il fallait "enfoncer le clou" d'un accueil inconditionnel. Ou : quand dire, c'est faire.
Grande journée, pleine d'espoir.
Ce pape, tout de même...

jeudi 14 avril 2016

Encourager les politiques, honorer la politique, malgré tout

Sombre semaine...
En France, Monsieur Hollande vient de mentir en direct, sur France 2, à son pays, en niant l'affirmation qu'il y a chez lui, parmi les jeunes, environ 5% de chômeurs en plus que dans la moyenne européenne. Or, les chiffres d'Eurostat, qui confirme la chose, sont officiels. Mensonge, donc, un de plus, pour tenter sans doute de redorer un blason bien fané. Pourtant, il apportait un certain espoir, lors de son élection. Peut-être est-elle vraie, cette formule qui prétend que "le pouvoir corrompt"?
Chez nous : une ministre démissionne, inculpée de détournement d'argent public pour son bénéfice électoral. Elle gérait, entre autres, l'enseignement...
Un autre ministre, celui-là fédéral, et de l'Intérieur s'il vous plaît, tient des propos qui flirtent avec l'antisémitisme - tout en s'en défendant, bien entendu : dérapage contrôlé, qui n'est pas le premier chez lui, pour remonter dans l'estime d'un électorat peu ragoûtant  en train de déserter son parti? C'est probable...
Une autre encore, fédérale, toujours, s'empêtre, mise devant les documents de l'évidence, dans de tels dénis qu'on se demande si elle va pouvoir rester longtemps à son poste.
Tout cela, en à peine une semaine...
C'est à braire. Sincèrement, on nous  donne là une pauvre image de l'Etat.
Pourtant, je n'ai fait que relever des faits, et je n'en déduis pas que le monde politique soit "pourri" - ce serait trop facile, trop démagogue, trop lâche. Le monde politique a besoin de nos encouragements, de nos appuis, parce que sa tâche est magnifique, haute, noble. Nous devons défendre la fonction politique, quels que soient les tendances, les partis, etc., mais demander aux élus la compétence, la rigueur, la vérité.
Elire des députés ne suffit pas. Il faut ensuite les soutenir, et les soutenir dans le sérieux de leur gestion, notamment en leur demandant des comptes.
Y a du boulot!

samedi 9 avril 2016

Jusqu'où conduit l'amitié pour Jésus...

Le texte que nous lisons ce dimanche (Jn 21, 1-20) est l'un des plus forts, des plus émouvants de tout le Nouveau Testament. Il comprend à la fois le récit de l'apparition du Ressuscité aux pêcheurs qui, de la nuit, n'ont rien pris et qui, sur son injonction, vont réaliser une capture surabondante, et la confession d'amour de Pierre, appelé par trois fois (comme il avait par trois fois renié) à déclarer son amour - son amitié - à Jésus.
Précisément, revenons-y : son amour, son amitié?
Les verbes grecs changent, dans le texte - la traduction française, quelle qu'elle soit, peut difficilement y rendre sensible.
Jésus demande d'abord à Pierre : "M'aimes-tu d'un amour d'agapè? M'aimes-tu jusqu'à donner ta vie pour moi? Et plus que ceux-ci?" (agapas me pleon toutôn;) L'agapè, c'est l'amour dont Dieu lui-même aime les hommes, un amour qui donne tout, ne retient rien. Le Ressuscité semble demander à Pierre si cet amour-là est présent en lui, et en lui plus que dans les autres disciples. Il reçoit une réponse qui peut paraître décevante : "Oui, Seigneur, toi tu sais que j'ai de l'amitié pour toi." (Nai, kyrie, sy oidas hoti philô se) Pierre n'utilise pas le même verbe, qui peut-être lui fait peur, mais tout de même il confesse son affection - humaine, celle-là - pour Jésus, pour le Ressuscité. La formule - et la différence des verbes - sera semblable dans la deuxième question. Mais, dans la troisième, Jésus lui-même adapte, en quelque sorte, sa demande : "Simon, fils de Jean, as-tu de l'amitié pour moi?" (Simôn Iôannou, phileis me;) Serait-ce que Jésus revoit, en quelque sorte, son ambition à la baisse? Ou, plus théologiquement, que le Ressuscité redevient l'Incarné : celui qui ne peut demander l'amour des hommes, sans passer par la demande de leur terrestre et humaine  affection?
Si Pierre, nous dit la suite du texte, n'a pas été peiné par les deux autres demandes, il l'est par celle-là : comment Jésus peut-il douter de son amitié?
Sur elle, le Ressuscité fonde deux choses incroyables :
- la responsabilité de toux ceux et de toutes celles qui, à travers l'Histoire, seront des disciples de Jésus : "Pais mes brebis, sois le pasteur."
- l'annonce que cette responsabilité se vivra dans le don de sa vie : "Tu iras où l'on te mènera, où tu n'aurais pas voulu aller." Et donc, tu seras conduit à vivre l'agapè, le don d'amour de toute ta vie. C'est jusque là que, toujours, conduit l'amitié avec moi, semble dire Jésus...

Pierre qui par trois fois avait renié le Jésus condamné, par trois fois confesse son amitié envers le Ressuscité, qui la lui demande et lui promet un amour encore plus grand, par delà les sentiments : l'amour du don de soi complet. Il n'y a dans ce dialogue qui clôt l'évangile de Jean aucun reproche du Ressuscité à l'encontre de celui qui a trahi. Il n'y a que la reconnaissance de la faiblesse passée et présente, qui s'assume - l'amitié, oui, le don complet, on verra! - et le partage de la promesse : l'agapè, c'est Dieu qui la donne, et lui seul.

Je frémis de joie en pensant que l'Eglise, et même l'Eglise institutionnelle - la "hiérarchie", comme on dit, si décriée, si difficile à recevoir, est fondée sur "ça", et sur rien d'autre. Si Jésus avait voulu instaurer une multinationale performante, genre "Coca-Cola", mettons la "Catholic Incorporated Company", il aurait chargé des "chasseurs de têtes" de trouver ingénieurs, spécialistes de la pub, communicants performants et tutti quanti pour fonder son affaire. Il s'est basé seulement sur la reconnaissance de la faiblesse, de l'amitié, et du don de l'amour, dans une négociation bien éloignée de celles de bureaux contemporains où l'on fabrique des managers.

Deux mille ans après, ça "marche" toujours. A condition que les principes de base restent les mêmes...