mercredi 3 février 2016

L'Europe perd-elle son âme?

De tous les côtés, et tous les jours, de mauvaises nouvelles nous arrivent, qui concernent la santé spirituelle de l'Union Européenne. Elle perd son âme, goutte à goutte, comme des mourants perdent leur sang. Et il ne semble pas que beaucoup veuillent la transfuser...
Le sujet? L'accueil des réfugiés.
Qu'on les appelle comme on veut : demandeurs d'asile, migrants, immigrés, réfugiés... Après quelques mois d'ouverture, tous semblent se liguer pour les refouler. Chez nous : "Qu'on ne les nourrisse pas" (le propos se suffit à lui-même, pas besoin d'en rajouter dans un procès d'ignominie. Mais enfin, l'homme qui a prononcé ces paroles est - et reste - gouverneur d'une province de notre Pays? Hallucinant!) En Allemagne : "Que la loi permette de tirer sur eux" (le propos est d'une députée d'extrême-droite, ce qui est plus compréhensible que pour la citation précédente, quoique. D'une part la mort lente, par inanition, de l'autre, l'exécution sans sommation : cruauté des deux côtés, mais bien malin qui jouera au plus cruel.) Chez nous : on a l'impression d'un immobilisme effrayant quand il s'agit de voir comment, concrètement, on peut accueillir des personnes réfugiées - et, nous en parlions lundi soir en EAP, ce n'est pas du fait de la Commune, qui, nous en sommes certains, se veut généreuse, mais d'autorités supérieures qui font traîner les choses.
Beurk!
L'Europe perd son âme. Elle veut se réduire à un espace protégé de nantis (oui, de nantis, même si certains le sont évidemment plus que d'autres, et je veux bien me compter parmi ces "certains", en ajoutant que, dans nos paroisses d'Enghien et de Silly,  tout est fait pour essayer d'aider ceux qui en ont besoin, et que nos paroisses, j'en suis témoin - et acteur -y contribuent avec générosité.) Que devient un corps sans âme? Je vous laisse répondre, ou je réponds moi-même? Bon, je réponds moi-même : il est mort.
La générosité, l'accueil, la défense des droits de l'homme, c'est l'âme de l'Europe. Qu'elle perde cela - et elle est en train de le perdre : elle meurt. L'Union Européenne a promis - promis, pas encore donné, évidemment! - trois milliards d'euros à la Turquie pour qu'elle garde chez elle les réfugiés syriens ou irakiens qui voudraient, depuis la Grèce, passer en Europe. Voilà qu'on paie (ou plutôt qu'on promet de payer) pour rester égoïstes - c'est, littéralement, vendre son âme au Diable (le Diable n'est évidemment pas la  Turquie,  c'est, vous l'aurez compris, l'argent-Mammon.)
Beurk!
Et c'est cela qu'on va apprendre à nos enfants, dans nos écoles, dans nos collèges, dans nos mouvements de jeunesse, etc.? Alors je ne donne pas cher de leur peau! Vingt-cinq siècles d'humanisme (car, par-delà le christianisme, il y a l'humanisme grec, il y a La République de Platon et les méditations d'Eschyle et de Sophocle...), vingt-cinq siècles d'humanisme pour en arriver à cette poubelle de la pensée et de la générosité!
Non.
Nous devons dire non.
Non ne devons pas être naïfs, certes - il y a aussi des crétins, des salauds et peut-être des terroristes en puissance parmi les réfugiés, et c'est normal, ils appartiennent comme nous à l'humanité faible et soumise à ses démons. Mais nous devons être accueillants, ouverts, généreux, en même temps et d'un même mouvement, aux démunis de chez nous et aux démunis de partout.
J'ai reçu hier un appel du pape à me rendre mardi et mercredi prochains à ses côtés, au Vatican, pour recevoir de lui, avec beaucoup d'autres prêtres, d'ici et du monde entier, la tâche de "missionnaire de la miséricorde". J'irai donc passer deux jours - mon entrée en Carême, cette année - avec le Saint Père François pour revenir, avec plus d'enthousiasme encore, dire la nécessité de retrouver notre âme.  Notre âme, dit notre foi, s'origine en Dieu, miséricorde - non pas condescendance, non pas "pitié", mais ouverture et accueil, abaissement devant l'autre, devant l'homme.

3 commentaires:

  1. Merci cher Benoît de nous réveiller ainsi dans notre vision de ce qui se passe.
    Christophe C

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  2. Monsieur le Doyen,

    Lisant régulièrement votre blog en vue d'approfondir, nourrir mes cours et ma réflexion personnelle, je tenais à alimenter votre prorpos et à aller dans votre sens.
    - Comment puis-je dépasser mes préjugés si je campe sur mes positions sans réelle volonté de remise en question. Se confronter à la réalité d'un monde qui est celui que nous avons bâti, cela me demande un certain discernement. Faire preuve d'audace, d'honnêteté, revoir ma relation aux biens matériels, à la nourriture, à la propriété, à l'argent, au temps, au pouvoir, à l'autre et tout Autre, ... au Monde. "Nous sommes le monde. Se changer revient donc à changer une partie du monde, certes infime mais existante et importante" comme le disent Christophe André, Jon Kabat-Zinn, Pierre Rabhi, Mathieu Ricard dans cet ouvrage collégial intitulé Se Changer, changer le monde. L'iconoclaste, Paris, p. 15.
    - "Et si nous appelions ce recul à l'intérieur de soi-même l'INTERIORITE ? Et si l'intériorité se révélait la condition inspirante à la bienveilleance éclairée pour soi et pour l'autre, à la pacification intérieure et extérieure, à la confiance et au respect mutuel, à l'accueil des différences, à la solidarité, à la créativité, à la gestion non-violente des conflits, à la capacité de transformer nos habitudes de pensée, nos systèmes de croyances et de réflexion (et donc de transformer notre relation à la vie, à la nature et à la terre) à la disponibilté nécessaire pour devenir récepteur de Sens, et peut-être émetteur ? Et si nous regardions alors l'intériorité comme la clé du bien-vire ensemble, qui transforme et ouvre la voie du vrai changement social : l'intériorité citoyenne ?" (Thomas d'Ansembourg, Qui fuis-je, où cours-tu et à quoi servons-nous ? Vers l'intériorité citoyenne, Les éditions de l'Homme, 2008, p. 17.

    Bien à vous,

    Stéphane MICHEL

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  3. Cher Stéphane, je suis évidemment tout à fait d'accord avec toi. On ne guérira l'extérieur qu'en soignant l'intérieur... Merci pour ton commentaire!

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