dimanche 31 décembre 2017

Voeux

Alors que l'année touche à sa fin, je profite de ce blog pour formuler des vœux : de bonheur, de santé, de paix pour tous.
Je souhaite que 2018 voie l'humanité se ressaisir - surtout chez nous, dans nos pays. Que les responsables des nations envisagent d'abord le bien commun à toute l'humanité, un bien qui n'est pas, faut-il encore le rappeler, une addition de biens particuliers, mais le bien d'une communauté, celle des êtres humains vivant sur une même planète.
Que dès lors les politiques économiques et sociales s'inquiètent d'abord d'une juste répartition du bien-être, dans tous les domaines : santé, travail, éducation, enseignement...  Qu'on n'oppose jamais les pauvretés venues d'ailleurs et celles d'ici : car ce sont les mêmes, et fondamentalement, elles ont les mêmes causes et ne seront réduites, précisément, que par un même souci du bien commun. Que les politiques d'accueil soient d'emblée généreuses, avant d'être restrictives, et surtout que l'on n'oublie jamais de respecter ceux qui viennent chez nous chercher refuge et réconfort, parce qu'ils ont tout perdu chez eux à cause de la guerre (guerre souvent alimentée par des armes vendues chez nous et à notre profit), de la famine, des maladies ou d'autres misères.
L'humanité est une, et ne survivra que si elle demeure solidaire, collectivement soucieuse aussi de la terre qui la porte et la nourrit.
Dans la longue prière que je me propose de formuler ce soir, il y aura d'abord ces vœux pour l'année à venir. Mais aussi une grande action de grâce pour tant et tant de visages croisés, et aimés, durant l'année écoulée, et que mon ministère de prêtre m'a permis de rencontrer. Familles joyeuses de célébrer des étapes dans la foi de leurs enfants, ou de faire baptiser leur bébé, ou de commencer une vie conjugale dans le sacrement du mariage, familles au contraire frappées par le deuil et les larmes, personnes isolées ou solitaires qui se sont confiées, si souvent, et quelquefois ont partagé leur prière autant que leur désarroi, équipes pastorales de toutes sortes (scolaires, de prêtres et diacre,  de secrétariat, de pastorale, etc.) qui cherchent ensemble à former une vraie communauté chrétienne dans ces paroisses de Silly et d'Enghien, jeunes des mouvements, patros et scouts, qui se donnent beaucoup de mal pour animer et faire pousser droit ceux qui leur sont confiés, personnes âgées rencontrées chez elles ou dans les homes, auxquelles je pense particulièrement en ce soir de fête, personnes isolées ou malades, étudiants croisés dans les cours et les travaux annexes... Et tant et tant, pour lesquels je souhaite ce soir prendre le temps de la prière, de l'action de grâce, de l'intercession.
A tous, à chacun, bonne, sainte et heureuse année nouvelle!

vendredi 29 décembre 2017

Petits pas vers l'horreur...

Le Goncourt 2017 a été attribué à un petit livre incisif, historique, magnifique, d'à peu près 160 pages seulement : L'Ordre du Jour, d'Eric Vuillard (Actes Sud). Ce récit, entre autres, rapporte l'entrevue qui eut lieu, dès février 1933, entre Hitler récemment élu Chancelier, Göring, et une bonne vingtaine de patrons allemands (Krupp, Opel, Siemens,...) sollicités par les premiers pour financer le parti nazi. Ce qui fut fait...
Pour ces patrons, financiers, capitalistes, c'était une opportunité politique, sans plus, une manière d'accroître encore leurs intérêts.
Pour le monde, ce furent quelques petits pas supplémentaires qui rendirent possible l'horreur que l'on sait...
On ne se méfie jamais assez des petits pas. On n'est jamais assez vigilant.
Ainsi, quand Monsieur De Wever prétend, dans une revue du Nord du Pays, que "Si Dieu existe, il vote pour lui...", c'est peut-être seulement une gaudriole. Peut-être...
C'est aussi un fâcheux souvenir : Gott mit uns, avait fait graver sur les crosses des armes SS le Régime pré-cité. Le moment où un système politique annexe Dieu à ses délires est un moment symptomatique, délicat : quelque chose bascule, quand on ose sacraliser ainsi, même si c'est avec une part de dérision, son appétit de toute-puissance.
Il y aura toujours un théologien sur la route de ces sbires-là. Pour dire "non", avec force, avec même une certaine violence dans la voix. Non, non et encore non! Vous n'annexerez pas Dieu à vos manigances. Dieu est libre, et le premier contestataire de vos simagrées!

vendredi 22 décembre 2017

Le Noël de Marguerite Yourcenar

(Repris d'une citation de Jérôme Prigent, qui l'a relu grâce à Ronan Le Guen)


"La saison des Noëls commercialisés est déjà là. Pour presque tout le monde - les misérables mis à part, ce qui fait beaucoup d'exceptions - c'est une halte chaude et éclairée dans la grisaille de l'hiver. Pour la majorité des célébrants de nos jours, la grande fête chrétienne se borne à deux rites : acheter, de façon plus ou moins compulsive, des objets utiles ou non, et se gaver, ou gaver les personnes de leur cercle intime, en un inextricable mélange de sentiments où entrent à parts égales l'envie de faire plaisir, l'ostentation, et le besoin de prendre soi-même un peu de bon temps. Et n'oublions pas, symboles très anciens de la pérennité du monde végétal, les sapins toujours verts coupés dans la forêt et qui achèvent de mourir dans la chaleur du mazout, et les téléphériques déversant leurs skieurs sur la neige inviolée.
"N'étant ni catholique (sauf de naissance et de tradition), ni protestante (sauf par quelques lectures et l'influence de quelques grands exemples), ni même chrétienne sans doute au sens plein du terme, je n'en suis que plus portée à célébrer cette fête si riche de significations et son cortège de fêtes mineures, la Saint-Nicolas et la Sainte-Lucie nordiques, la fête des Rois et la Chandeleur. Mais bornons-nous à Noël, cette fête qui est à tous. Il s'agit d'une naissance, et d'une naissance comme elles devraient toujours l'être, celle d'un enfant attendu avec amour et respect, portant en soi l'espérance du monde. Il s'agit des pauvres : une vieille ballade française montre Marie et Joseph cherchant timidement dans Bethléem une hôtellerie selon leurs moyens, éconduits partout pour laisser place à des clients plus reluisants et plus riches, et finalement insultés par un patron qui 'hait la pauvrerie'. C'est la fête des hommes de bonne volonté, comme le disait une admirable formule qu'on ne retrouve plus toujours, malheureusement, dans les versions modernes des Evangiles, depuis la servante sourde-muette des contes du Moyen-Âge qui aida Marie dans ses couches jusqu'à Joseph chauffant devant un maigre feu les langes du nouveau-né, et jusqu'aux bergers enduits de suint et jugés dignes de la visite des anges. C'est la fête d'une 'race' trop souvent méprisée et persécutée puisque c'est en enfant juif que le nouveau-né du grand mythe chrétien paraît sur la terre (et j'emploie bien entendu le mot mythe avec respect, comme l'emploient les ethnologues de notre temps, et comme signifiant les grandes vérités qui nous dépassent et dont nous avons besoin pour vivre).
"C'est la fête des animaux qui participent au mystère sacré de cette nuit, merveilleux symbole dont saint François et quelques autres saints ont senti l'importance, mais dont trop de chrétiens de format courant ont négligé et négligent de s'inspirer. C'est la fête de la communauté humaine, puisque c'est, ou ce sera dans quelques jours, celle des Trois Rois dont la légende veut que l'un d'eux soit un Noir, allégorisant ainsi toutes les races de la terre qui apportent à l'enfant la variété de leurs dons. C'est une fête de joie, mais aussi teintée de pathétique, puisque ce petit qu'on adore sera un jour l'Homme des Douleurs. C'est enfin la fête de la Terre elle-même, que dans les icônes d'Europe de l'Est on voit souvent prosternée au seuil de la grotte où l'enfant a choisi de naître, de la Terre qui dans sa marche dépasse à ce moment le point du solstice d'hiver et nous entraîne tous vers le printemps. Et pour cette raison, avant que l'Eglise ait fixé cette date pour la naissance du Christ, c'était déjà, aux temps antiques, la fête du Soleil.
Il semble qu'il ne soit pas mauvais de rappeler ces choses, que tout le monde sait, et que tant de nous oublient."


(M. YOURCENAR, Le Temps, ce grand sculpteur, Gallimard, 1983, pp. 131-133.)


Comment tenter encore  une homélie, après cela, dans la nuit de Noël?

dimanche 17 décembre 2017

Gaudete... Les Concerts de Noël à Enghien!

Nous sommes, au troisième dimanche de l'Avent, dans la Gaudete ("Réjouissez-vous"), premier mot de l'Introït d'autrefois et tonalité dominante de cette journée : la Joie, une joie rude (son représentant est Jean Baptiste, tout de même vêtu de peaux de bêtes et nourri de sauterelles et de miel sauvage au désert, ça donne une idée, nous ne sommes pas dans les splendeurs cosy du champagne et petits fours...), une joie prophétique.
La semaine dernière, à Enghien, hier à Petit-Enghien (et aujourd'hui encore), deux concerts de Noël, bien différents, bien complémentaires : chanter, chanter, chanter! Magnifique participation des chorales et des choristes, magnifiques directions, surtout magnifique organisation par "Enghien Animation", son Président et ses membres, que je ne saurais assez remercier. Moments de pur grâce, de pur bonheur, de convivialité non seulement chrétienne, mais "citoyenne" comme on dit - tout le monde est là, tout le monde se sent, je crois, le bienvenu, quelles que soient les convictions : l'église, l'espace-église, est pour tout le monde, c'est à la fois, et sans contradiction, un espace du culte catholique et un espace public.
Je ne sais quelles peuplades disent que chanter, faire de la musique, c'est faire reculer les ténèbres.
Ils l'ont fait, tous et chacun... On sentait, presque physiquement, les ténèbres reculer!
J'en conçois une immense gratitude, et du plus profond je demande que chacun soit rejoint, béni, réconforté, ragaillardi, rassuré, par quelque chose de la lumière de Noël.

vendredi 15 décembre 2017

La mort de Louis XVI

Je vais avoir l'air (et peut-être la chanson entière...) complètement décalé. Mais... Dans un peu plus d'un mois, on commémorera la mort de Louis XVI, qui fut exécuté sur la Place de la Révolution, (devenue aujourd'hui Place de la Concorde) à Paris le 21 janvier 1793, vers 10h20 du matin (il y aura donc bientôt 225 ans), par décapitation à la guillotine. Vous me direz : qu'est-ce que nous en avons à faire?
Eh bien, eh bien, plus sans doute qu'on ne le pense spontanément.
Passons sur les aspects fâcheux de la chose, d'abord pour Louis XVI lui-même, ensuite pour la toute jeune Première République Française, qui ne fit pas montre en cette occurrence d'un très grand sens de la justice. Le procès fut bâclé, uniquement à charge (l'ancien Roi avait de piètres avocats), l'issue connue d'avance, les accusations infondées, etc. C'est peut-être paradoxalement Saint-Just, le plus ardent partisan de la peine de mort, qui avança les arguments véritables : "Tout Roi, dit-il en substance devant la Convention chargée de juger Louis XVI, est un tyran, en ce qu'il confisque la souveraineté populaire. Etre Roi, ou l'avoir été, ne peut mériter que la mort." Ce jeune homme de vingt-cinq ans, blondinet et beau à souhait, "l'archange de la Révolution", avait de l'emphase...
Le Roi Louis XVI ne fut donc pas condamné à mort pour des erreurs de tactique, ou de gouvernement, ou pour s'être mal comporté pendant la longue période révolutionnaire qui court, globalement, de 1789 à sa déchéance - tous arguments infondés - , mais il le fut parce que le principe même de la souveraineté personnalisée en un monarque de droit divin n'était plus admissible.
La "Nation" s'y était substituée.
Et donc, le précédent système, et son incarnation, devaient périr.
Louis avait été toute sa vie ce que l'on peut appeler "un brave homme". Sans doute le meilleur des Rois de France depuis longtemps, bien meilleur que son grand-père Louis XV, et beaucoup moins arbitraire que son aïeul Louis XIV. Certains même diront : "trop bon"...  Il a payé pour les autres, pour l'autre système, devenu imbuvable.
Et le "massacre" fut, en ce jour ténébreux, rempli de brouillard et d'un peu de neige, en ce sinistre petit matin du 21 janvier 1793, le rituel contrarié du "sacre" : le Roi déchu fut  conduit lentement en voiture par les rues de Paris depuis sa prison du Temple,  au milieu d'une double ou triple haie de Gardes Nationaux, au son assommant des tambours, jusqu'à l'échafaud, pendant près de deux heures. Et décapité, lui dont la tête avait été ointe du Saint- Chrème, le corps revêtu de la dalmatique des sous-diacres, à Reims, en 1775, le chef ceint de la Couronne et qui ainsi devait incarner l'idée même de "Nation" - l'autre Corps du Roi, intercesseur entre Dieu et le Peuple.
Après l'Empire, la Restauration n'y pouvant rien, l'idée même de monarchie restera rompue - les deux règnes de ses frères, Louis XVIII et, le plus entêté des deux, sans aucun doute, Charles X, qui aura même tenté de renouer avec le sacre de Reims, seront de ce point de vue inutiles.
Et voilà qui nous importe : on a vraiment changé de Régime, quels que soient les mérites de ceux qui incarnèrent - et incarnent - l'Ancien et le Nouveau. La députation du Peuple constitue le Corps véritable de la Nation, car l'autre Corps a été décapité. Et, au fond, même quand il y en a encore, il n'y a plus de Roi, au sens de ce qu'on appelle à juste titre "l'Ancien Régime", ancien parce que révolu.
Je me suis souvent dit qu'on n'avait pas pris vraiment la mesure de ces événements. Ni le peuple, ni ses représentants, ni ses gouvernants. Car tout le sacre repose désormais sur la députation du Peuple souverain. C'est remarquablement démocratique. C'est aussi terriblement fragile : la mort de Louis XVI inaugure en France les années horribles de la "Terreur" révolutionnaire, cette volonté puritaine et démagogique de couper (physiquement) la tête à tout ce qui ne serait pas sans cesse dans le mouvement "révolutionnaire" - contre tout pouvoir installé : les rues de Paris suaient et puaient le sang, et la guillotine finit par décapiter les gens de la Terreur eux-mêmes et en premier Robespierre "l'incorruptible".  Un certain Bonaparte, un général - comme toujours, c'est l'armée qui ramasse la mise sous le prétexte de "rétablir l'ordre" - profita du chaos : "La couronne traînait dans le caniveau, je l'ai ramassée..." Puis ce fut l'Empire - et, sans complexe,  un nouveau sacre pour ce fils de la Révolution, mais pas à Reims, il n'aurait pas osé! Quand même à Paris, à Notre-Dame, et en présence du pape de l'époque, Pie VII, qui y fut humilié on sait comment! - Puis, en 1815, à Waterloo, la fin de l'Empire. Puis la Restauration, et le retour des frères de Louis XVI, Louis XVIII (Louis XVII, le pauvre petit garçon du Roi déchu, avait été privé de tout à la Prison du Temple et on l'avait laissé mourir dans sa crasse - il avait sept ans, ce n'est pas à la gloire de la Première République), et Charles X. Et le retour du cousin, ensuite, Louis-Philippe, le grand-père de "nos" rois des Belges...
Pourquoi se ressouvenir de tout cela, ce soir?
Parce que vous aurez fait vous-mêmes les parallèles. Si l'Histoire ne se répète pas, elle bégaie... La souveraineté véritable est aux représentants élus du Peuple. C'est une chance inouïe. Ils sont aujourd'hui le Corps véritable de la Nation. C'est une responsabilité incroyable, non plus sacrale, mais révocable par les élections. Inviolables durant leur mandat, comme le Roi le fut, mais fragiles comme il le devint. Le "Nouveau Régime" est même plus fragile que "l'Ancien" : car il est supporté par des majorités  chez nous relatives, soumis aux pressions populaires et quelquefois démagogiques. Il faut du courage, beaucoup de courage et d'abnégation, pour assumer la souveraineté populaire. Je sais que beaucoup n'en manquent pas, et j'admire ceux et celles qui "y vont", soucieux de faire valoir le bien commun.
Ils risquent leur tête, eux aussi - de la même manière que Louis XVI. Non pas sur la guillotine, évidemment - nous répugnons heureusement à faire couler le sang. Mais, par exemple, dans les médias ou les diatribes populistes. Ce n'est pas toujours mieux...
Eh bien le 21 janvier prochain, jour anniversaire de la mort de Louis XVI, qui pardonna à ses bourreaux en montant à l'échafaud et pria pour que "son sang ne retombât point sur les Français", je prierai pour nos responsables politiques, pour que le courage ne leur manque pas. Car œuvrer pour le bien commun, sous quelque Régime que ce soit, c'est quand même toujours "donner sa vie"...

jeudi 7 décembre 2017

Un nouvel archevêque à Paris

On savait le Cardinal Vingt-Trois atteint par la limite d'âge (75ans) et désireux de ne pas prolonger son mandat.
On apprend aujourd'hui, jeudi 7 décembre, que le pape François a nommé Mgr Michel Aupetit archevêque de Paris.
Avant d'être prêtre, Mgr Aupetit était - et reste - médecin, ayant exercé comme généraliste et spécialisé aussi dans les questions délicates de bioéthique.
Un médecin archevêque, signe que nous avons besoin de pasteurs capables de prodiguer des soins...

samedi 25 novembre 2017

Barbara...

Vingt ans hier que Barbara est morte... Barbara! Je crois que je sais par cœur la plupart de ses chansons, qui me reviennent de temps à autre, comme de fidèles compagnes de vie. Barbara! Le plus beau des spectacles, dans mon souvenir, un soir de la fin des années '80, au Châtelet, Barbara entre ombre et lumière, Barbara murmurant "Ma plus belle histoire d'amour", Barbara!
Ainsi certains artistes auront accompagné notre vie, notre histoire, ils leur auront donné des mots. Moins d'un an après la mort de Barbara, ma mère mourait, et toujours j'aurai dans l'oreille cette chanson faite pour elle :


"Moi, j'ai quitté Rémusat
Depuis que vous êtes partie.
C'était triste, Rémusat,
Depuis que vous n'étiez plus là.
Et j'ai repris ma valise,
Mes lunettes et mes chansons.
Et j'ai refermé la porte
En murmurant votre nom.
Où êtes-vous ma nomade,
Où êtes-vous à présent?
Avec votre âme nomade,
Vous voyagez dans le temps...
Et lorsque les saisons passent,
Connaissez-vous le printemps,
Vous qui aimiez tant la grâce
Des lilas mauves et blancs?
Vous disiez : pas une larme,
Le jour où je n'y serai plus.
Et c'est pour ça que je chante,
Pour ça, que je continue.
Pourtant, quand je me fais lourde,
Comme j'aimerais poser
Ma fatigue à votre épaule,
Et ma tête sur vos genoux.
Vous ne m'avez pas quittée,
Le jour où vous êtes partie!
Vous m'avez faite orpheline,
Le jour où vous êtes partie,
Et je suis une orpheline,
Depuis que vous m'avez quittée!"

vendredi 24 novembre 2017

"Ô grand saint Nicolas,la, la,la, la, la... "

Nicolas de Myre est un saint évêque qui a vécu il y a bien longtemps, entre la fin du IIIème et le début du IVème siècle. On sait de lui assez peu de choses réellement historiques - par exemple, sa participation active au premier grand Concile christologique de Nicée, en 325, qui devait définir la divinité du Christ, à l'encontre des "Ariens" (partisans du prêtre Arius qui ne voyaient en Jésus qu'un homme remarquable, mais en aucune façon Dieu incarné.) Le reste, c'est beaucoup de légende, mais une légende respectable, qui fait de lui, surtout dans les pays du Nord de l'Europe, le saint protecteur des enfants, des écoliers, des professeurs. Tout cela est plutôt sympathique.
Comme il était évêque, l'iconographie traditionnelle le représente toujours mitré et crossé - ce sont les habits liturgiques habituels de l'évêque, aujourd'hui encore. La mitre, ornée ou non d'une croix (la plupart du temps, elle ne l'est pas!) est donc un ornement liturgique épiscopal chrétien. C'est le "bonnet de docteur", attestant que l'évêque, successeur des apôtres, est dans son diocèse le fidèle interprète de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments (d'où les deux "fanons" qui la parent sur l'arrière). La crosse, ou bâton pastoral, est le bâton de celui qui guide les brebis, avec un bout recourbé, pour les rattraper par le cou ou par la patte si elles venaient à s'égarer...
Qu'on mette ou non une croix sur la mitre de saint Nicolas, cela n'a donc aucune importance. Si l'on voulait en faire complètement un personnage "neutre", non chrétien, et non évêque, il faudrait lui ôter tout à fait cette mitre, et aussi sa crosse, et le reste de ses ornements (aube, étole et chape, qui sont les attributs liturgiques du prêtre), et surtout arrêter de dire qu'il est "saint", car ce vocable - même si je suis sûr qu'il y a des saints partout, dans toutes les religions et chez les non-croyants), n'est d'habitude attribué qu'aux chrétiens. Bref, il faudrait le dénuder. Je ne suis pas sûr que, du point de vue de la décence, cela ajouterait beaucoup au protecteur des enfants...
On se fiche de qui, avec ces polémiques idiotes et ces simagrées?
L'essentiel : le bien des enfants, des écoliers et des enseignants, pour lesquels nous aurons une pensée particulière dans les célébrations du 6 décembre prochain à Enghien - l'église d'Enghien en effet est placée sous le patronage du "Grand Saint". "Venez, venez, saint Nicolas, venez, venez saint Nicolas, apportez-nous des noix dans nos petits souliers" (et si, tout en gardant fièrement votre mitre sur la tête,  vous pouviez aussi remettre gentiment à leur place quelques imbéciles, par exemple en leur glissant, à eux,  des bonnets d'âne dans leurs petits souliers à la place des friandises attendues, c'est pas de refus!)

samedi 18 novembre 2017

"Ca ne se compare pas!"

Déjeuné ce midi comme souvent le samedi dans le gentil petit restaurant asiatique de la Rue de Bruxelles - l'en apprécie beaucoup les Patrons, et j'admire leur courage. Comme souvent, peu de monde à ce moment -là : deux tables d'habitués (dont la mienne). Et, à côté de moi, une jeune famille, papa, maman, et deux enfants : un bébé et une petite fille qui doit avoir environ trois ans. Et qui donne bien haut ses commentaires : "Dé-li-cieux!", crie-t-elle en détachant les syllabes. La maman lui demande : "Et la sauce, est-elle aussi bonne que celle que fait papa?" Réponse - je n'invente rien : "Ca ne se compare pas!" Et toc, pour le papa...
Ah, les enfants, leur franchise, leur drôlerie, quel trésor...


Autre "papa" : j'apprends aujourd'hui que le Frère Damien Debaisieux, quarante-six ans, a été élu Père Abbé de l'Abbaye cistercienne de Scourmont (Chimay). Son abbatiat prendra la relève de celui, long et fructueux, de Dom Armand Veilleux, pour conduire cette communauté de frères qui est si chère à notre Diocèse! J'aurai pour lui ce week-end une prière toute particulière pendant les célébrations eucharistiques.

mardi 14 novembre 2017

Gisèle...

Dans un article précédent, je disais avoir conféré l'Onction à Gisèle, la veuve de mon ancien instituteur. Je reviens de Sivry, où j'ai célébré ses funérailles ce matin - elle s'en est allée, paisiblement, jeudi dernier après avoir demandé, elle qui était toujours l'élégance même, à jeter un dernier coup d'œil au miroir...
Sur le "souvenir pieux", je lis ce mot de Christian Bobin, que les enfants ou petits-enfants ont tiré de je ne sais lequel de ses recueils, et que je trouve très inspirant :


"Chaque séparation nous donne une vue de plus en plus ample et éblouie de la vie. Les arrachements nous lavent. Tout se passe, dans cette vie, comme s'il nous fallait avaler l'océan. Comme si, périodiquement, nous étions remis à neuf par ce qui nous rappelle de ne pas nous installer, de ne pas nous habituer. La vie a deux visages : un émerveillant et un terrible. Quand vous avez vu le visage terrible, le visage émerveillant se tourne vers vous comme un soleil."


Et aujourd'hui, en effet, les bonnes nouvelles se succèdent : une nièce adorée (et adorable) pour laquelle on craignait une pathologie sévère, au sortir d'une investigation approfondie, a reçu la bonne nouvelle - elle n'a rien de grave! Une famille, où certaines relations étaient tendues, se réconcilie. Un jeune homme, ou plutôt un homme encore jeune, que des parents me demandaient de rencontrer parce qu'il a de sérieux problèmes de dépression et d'alcool, sort ragaillardi d'une cure hospitalière et a repris le travail - tout cela est encore fragile, mais va dans le bon sens!


Il est vrai que, sur les trois dossiers, j'avais mis Marie Noël dans le coup. On parle de sa béatification : elle va peut-être avoir besoin d'accomplir des miracles, pour y aider (je la "charrie" un peu en disant ça, mais cela ne doit pas lui déplaire.) Et depuis jeudi, j'avais mis aussi Gisèle, ma chère défunte d'aujourd'hui, sur les mêmes dossiers - j'ai rappelé ce matin qu'il y avait chez elle, dans ses rapports avec le Bon Dieu, un aspect syndicaliste. Elle convenait évidemment que le Bon Dieu était le Patron, mais de temps en temps, elle estimait que devant des situations graves, il fallait, comme elle le disait, "faire violence au ciel" et se regrouper pour des revendications sectorielles si l'on jugeait insuffisants les salaires ou rémunérations... Cela n'allait pas jusqu'à la grève (de la prière), non, mais on était quelquefois au bord de la mauvaise humeur vis-à-vis du PDG...
Je vois qu'elle continue de faire au ciel cette "douce violence".


Et aux lecteurs qui trouveraient que mes propos sont niais, je dirais de façon très sérieuse : n'admettez jamais que la vie ne soit simplement que ce qu'elle est. Elle possède une dimension infiniment plus mystérieuse à laquelle nous avons peu d'accès, mais qui en garantit - et nous le pressentons quelquefois - toute la saveur!

jeudi 2 novembre 2017

Jour des morts...

Au lendemain de la fête lumineuse de Toussaint (célébration de la sainteté, qui est la vocation de tout être humain, sa vocation et son bonheur), l'Eglise célèbre "les fidèles défunts". Les morts, autrement dit. Et on a l'impression que le temps (qu'il fait, pas le temps qui passe!) s'est mis au diapason : il fait gris, le ciel est bas, la température chute. Bref, c'est aujourd'hui vraiment l'automne sur Enghien...
Quel rapport entretenons-nous avec nos morts?
Et avec la mort?
Car celle-ci nous concerne, nous, et pourtant nous n'y pensons guère : peut-être de façon heureuse, car l'obsession de la mort serait un oubli de vivre.  De temps en temps, pour rire sérieusement, je rappelle à mes étudiants cette vérité première et qu'ils ne savent pas, ou qu'ils savent sans la savoir, et je la leur rappelle de façon brutale : "Vous allez mourir. Statistiquement, c'est plus que probable. C'est même l'une des quasi-certitudes statistiques." Ils rient... jaune, je crois, un peu surpris tout de même qu'on leur envoie en pleine figure ce qui est pourtant une nécessité évidente de la vie humaine. Nous allons mourir, tous. On ne sait pas à quel âge : jeune (une jeune femme vient de mourir à Hoves, à 27 ans, de maladie), ou très âgé, bébé, enfant, d'âge mûr, la mort surprend tout le monde, et il n'y a pas de règle, et toutes les techniques médicales du monde n'ont pas encore pu mettre de l'ordre là-dedans! C'est pour moi la première question de ce "jour des morts" : quel rapport avons-nous avec notre propre mort? Et,  tout simplement, avec la mort? Il serait bien possible, en effet, que, selon qu'on envisage sa mort, on vive de telle ou telle manière...
Et puis, bien sûr, nous commémorons "les morts", "nos morts", "nos fidèles défunts". Ce dernier mot s'applique d'abord aux défunts chrétiens (c'est le sens habituel du latin fidelis, "qui a la foi".) Mais nous avons tous des "fidèles", au sens plus large, qui, chrétiens ou non, constituent la communauté intime de "nos" morts.
Quel rapport entretenons-nous avec eux?
Un souvenir pieux, comme on le disait autrefois des cartons imprimés avec photo distribués au jour des funérailles? Un souvenir... qui durera, dès lors, autant que nous et qu'une poignée d'autres, sauf si cette trace de la mémoire se prolonge par le bénéfice de quelque œuvre d'art, littéraire, musicale, ou par quelques hauts faits historiques.  En tous les cas, ce n'est pas grand chose : l'affaire de quelques générations, tout au plus!
Pouvons-nous escompter une communion plus durable avec "nos" morts? Oui, c'est l'espérance de l'Eglise, qui non seulement correspond au désir profond du cœur humain ("L'homme passe infiniment l'homme", écrivait Pascal dans l'une de ses Pensées), mais au cœur de la foi chrétienne : le Christ a vaincu la mort, il est "le premier-né des morts", le Vivant sur lequel la mort n'a plus aucune emprise, et il entraîne avec lui dans cette victoire ceux et celles qui veulent bien le suivre.
La "commémoraison" de tous les fidèles défunts, du coup, devient plus lumineuse : certes, le temps reste gris, à l'intérieur comme à l'extérieur, certes, le deuil reste cruel et la séparation quelquefois dramatique. Mais l'espérance naît, dans la foi, d'une charité (je cite à dessein les trois "vertus" théologales, celles qui nous permettent de vivre avec Dieu) qui se fait communion de vie, par-delà l'espace et le temps, et la frontière somme toute fragile de l'existence  simplement terrestre.
Les morts nous précèdent, nous attendent, et nous espèrent... Ce jour en est le signe!

vendredi 27 octobre 2017

J'ai peur...

La proclamation de l'indépendance catalogne, ce soir, me fait peur. Oh non pas que je la juge inopportune : sur le fond, cela ne me regarde guère, et les mouvements d'opinion ou de politique, qu'ils soient locaux, régionaux, nationaux ou internationaux, ne doivent pas d'abord être l'objet d'un jugement par le "clergé".
Mais j'observe, et j'essaie d'avoir de la mémoire : toujours - ne prenons que l'Europe - on aura vécu dans une espèce d'accordéon entre, tantôt, des revendications autonomistes plus ou moins affirmées (la République de Venise, et celle de Florence, et le Royaume de Naples, et la Bourgogne, et la Bretagne, etc., etc.) et des velléités d'unification ou de réunification en des Etats plus ou moins englobants (l'Italie, autour de 1870, la France, l'Espagne, et finalement l'Union Européenne.) Je ne suis pas politologue mais, ce que je constate, c'est que, à part la progressive Union Européenne (avec tous ses défauts, sans doute), ces mouvements, dans un sens ou dans l'autre, ont coûté du sang, beaucoup de sang. Des vies - souvent des vies de jeunes hommes - fauchées. Des guerres, des guerres, des guerres.
J'ai peur, ce soir.
L'Espagne est une nouvelle fois au bord de la guerre civile.
Au bord du sang versé.
Et, comme nous savons que les choses, en ce domaine, se retournent à peu près tous les cinquante ans, disons : du sang inutilement versé. Stupidement versé.
J'espère que la sagesse l'emportera - la sagesse, et non l'escalade verbale ou institutionnelle, tellement ridicule au regard de vies fauchées...

dimanche 22 octobre 2017

La mort est là, les saints sont plus nombreux...

J'apprends ce dimanche la mort du Père Dieudonné Dufrasne, moine bénédictin de Clerlande (Louvain-La-Neuve). Dieudonné, originaire du Borinage, dont il gardait le solide bon sens et le goût de la relation fraternelle, avait été élève à Bonne-Espérance, alors que mon Oncle y était le "Président" - il m'a fait don de quelques photographies de cette époque, que je conserve précieusement.
Il était surtout devenu un remarquable liturgiste, dans la grande tradition bénédictine, capable de traduire en gestes, en textes, en poèmes, ce que la réforme du Concile Vatican II propose de meilleur. Il était encore un excellent connaisseur de la spiritualité "rhéno-flamande" et en particulier de ce que les "béguines" médiévales ont cultivé comme expérience de prière - il avait là-dessus publié un très bon livre, voici quelques années. Il est mort un dimanche matin - au "Jour du Seigneur"- et que peut souhaiter de mieux un liturgiste? Je prie pour lui et pour la belle communauté de Clerlande.


Aujourd'hui aussi, j'ai été appelé à conférer l'Onction des Malades à la veuve de mon ancien instituteur - décédé, lui, voici une dizaine d'années. Gisèle a nonante-trois ans, et (je peux l'écrire, je sais qu'elle ne lira pas ce blog), je l'ai toujours considérée comme une sainte. Je ne veux pas parler ici de sa vertu, mais de sa foi : j'ai rarement vu une foi aussi incarnée, aussi solide, aussi décisive. J'ai été ému en lui faisant l'Onction, en voyant comment ce Sacrement prend tout son sens dans un parcours de vie d'une aussi grande richesse.  Comme me le disait un jour une vieille paysanne de mon village, "celle-là, elle ira au ciel, et sans carte d'identité!"


Et avant cela, j'étais passé voir Hubertine - je célébrerai demain ici à Enghien les funérailles de son époux. Hubertine, "Bertine", là encore, quel trésor de vie chrétienne! Septante années de mariage, de vie simple, de vie donnée, que j'ai eu le privilège de l'entendre raconter si doucement, avec tant de vérité dans la voix! Une vie de travail, de partage conjugal, de prière quotidienne et de don de soi aux autres, dans une toute petite maison de la Dodane. Bertine - qui va avoir 90 ans - s'est levée tôt toute sa vie, et continue à se lever tous les matins vers 4h30, "pour dire ses prières", des textes qu'elle étale, en ce moment de la journée où tout est calme encore, sur la table de la cuisine. "Alors, quand j'ai fini, je peux me mettre au travail", dit-elle. Mais quelle merveille, quel trésor!


Dieudonné, Gisèle, Bertine et son mari : oui, le trésor de l'Eglise, le vrai trésor!

mardi 10 octobre 2017

Au 9 octobre, le céphalophore...

Hier 9 octobre, et particulièrement à Paris, on fêtait Saint Denis, réputé avoir été le premier évêque de Lutèce au IIIème siècle. Martyrisé à Montmartre ("le mont des martyrs", justement) il aurait été décapité et se serait relevé, tête sous le bras, pour marcher ainsi par la "Rue des Martyrs" jusqu'à l'actuelle... "Saint-Denis", dans la banlieue nord de la capitale française.
C'est donc un saint "céphalophore" ("porteur de tête" - et non, comme me l'avait suggéré un jour un étudiant distrait dans ses étymologies, "céphalopode", ce qui eût signifié qu'il aurait pris ses pieds pour sa tête ou l'inverse, comme les escargots, qui sont céphalopodes...)
Légende, légende?
Oui, bien entendu, mais légende qui, comme toutes les légendes, signifie quelque chose.
Saint Denis, c'est l'Eglise, toujours témoin, toujours "martyre", donc, et c'est l'Eglise tête et corps, évêque et assemblée. C'est l'évêque qui porte l'Eglise, car il succède aux Apôtres et assure ainsi la continuité du corps ecclésial avec la personne même de Jésus et de ceux qu'il a choisis comme envoyés. Sans l'évêque, il n'y aurait pas d'Eglise.
Mais l'évêque n'est rien sans l'assemblée : quelquefois, c'est le corps qui porte la tête et qui avance ainsi pour rendre son témoignage.
On ne saurait  détacher l'un de l'autre : n'essayez pas de disjoindre la tête et le corps!

dimanche 8 octobre 2017

La joie de la famille et le mystère de l'Eglise

Ce qui, dans la spiritualité du prêtre diocésain, constitue sans doute une marque particulière par rapport à d'autres états de vie, comme par exemple la vie monastique, c'est que le prêtre est appelé à fréquenter toutes sortes de milieux et de situations. C'est souvent une chance, et j'ai déjà rapporté ici la joie qui est chez moi toujours ravivée lorsque je peux rencontrer une famille - une tribu? - que je connais depuis plus de trente ans, en Picardie. En 1985, j'avais eu le bonheur de célébrer le mariage d'Eric et Caroline, alors que j'étais étudiant à Paris; trente-deux ans plus tard, j'ai célébré celui de leur fille aînée Valentine, avec Edouard - Valentine que j'avais baptisée bébé, première d'une série indéfinie qui, espérons-le, ne se clôturera jamais. J'ai, pour la plupart, célébré les mariages et les baptêmes des frères, sœurs, neveux et cousins, et déjà des petits-neveux ou petits-cousins.
Il est difficile de décrire la joie très vive que ces rencontres me procurent, le grand réconfort qu'elles constituent pour moi. Comme si, dans l'Eglise et au fond grâce elle, nos vocations respectives s'étaient fécondées, certes chargées d'amitié, mais il y a plus : chacun restant fidèle autant que faire se peut à ce que l'appel de Dieu lui demande, nous nous appuyons les uns sur les autres, nous nous soutenons dans la traversée de la vie qui connaît ses hésitations, ses grandes joies, ses déceptions, ses tristesses, quelquefois ses drames,  comme partout. Oui, c'est le mystère de l'Eglise : nous avons besoin les uns des autres, personne ne pourrait prétendre manifester à lui seul le Visage du Christ, c'est ensemble que nous en disons au monde quelque chose de "sacramentel". Cela passe non pas par de longues contemplations, mais par les récits de la vie, qui grandit chez chacun avec ses choix professionnels et ses engagements,  par les rires partagés, par les craintes confiées, par la solidité de l'amitié.
Il y a là-dedans un vrai bonheur, un bonheur de Dieu, un sourire du Père.
Ah, comme je les aime, ceux-là, et comme je les remercie!
Quant à Valentine et Edouard, évidemment, ce sont mes chéris du moment - tout de même, hein, j'ai versé une larme quand j'ai vu Eric, ce grand dady, conduisant sa fille à l'autel, et que, une image se superposant à l'autre, je le  revoyais, il y a donc plus de trente ans, mais cette fois dans la posture du jeune époux...

mardi 3 octobre 2017

Eloge de la vie fragile

La presse fait grand cas, depuis hier soir (JT) et ce matin encore (LLB, p.10-11), du choix que la romancière Anne Bert a fait de venir demander - et obtenir - l'euthanasie en Belgique, atteinte qu'elle était par la Maladie de Charcot, une maladie paralysante irréversible. Je comprends cette presse : elle met en exergue les différences de législation entre des pays voisins, tous deux membres de l'Union Européenne, et aux conceptions pourtant encore fort diverses en ce domaine. Je comprends du reste aussi la demande de cette dame : il se peut qu'étant ainsi progressivement diminué, on ne voie pas d'autre solution que de demander, et d'obtenir, la mort.
Je suis en revanche plus perplexe sur la façon dont les médias - surtout un JT d'hier soir chez nous - répercute l'événement. On annonce, avec une froideur de statisticien : "La Maladie de Charcot, qui paralyse progressivement le patient, donne une espérance de vie qui n'excède pas cinq ans..." Comme si cela était un argument - un double argument : la paralysie progressive et l'échéance à peu près connue de la fin - pour souhaiter mourir. Et cela m'inquiète, si on laisse ainsi entendre qu'une vie humaine ne vaudrait la peine d'être vécue qu'en pleine santé (mais qu'est-ce que la pleine santé?) Qu'il faudrait, pour être psychologiquement à même d'assumer l'existence, pouvoir toujours y bouger, y entreprendre, y exercer à plein sa liberté de mouvement, d'initiative, de travail, de sport, de loisir, que sais-je? Qu'en dehors de ces conditions, rien ne vaudrait plus la peine... Qu'une vie handicapée, par exemple, par la maladie, par un accident, par une immobilisation progressive, réversible ou non, par la nécessité d'un assistanat, par la diminution de la liberté de bouger, de penser, de produire, de jouir, etc., n'aurait plus de sens. Bref, que la vie fragile ne vaudrait pas le coup.
Et là, je me permets d'afficher ici fermement mon désaccord : toute vie est fragile, toujours. La mienne, celle de mes proches (j'ai accompagné longuement ma mère devenue très handicapée, très usée, et c'est un moment de mon existence qui est parmi les plus beaux; j'apprends récemment les difficultés de santé de ma sœur, qui limitent son horizon de vie, et cela suscite en moi un surcroît de disponibilité à son égard, comme ce sera possible), celle de tout le monde, celle des bébés, et même des fœtus, celle des anciens, celle des jeunes atteints dans leur jeunesse par des maladies, des accidents, des lésions importantes, celle des personnes psychologiquement faibles, etc. Nous sommes tous fragiles, et nous devons développer pour tous des accompagnements et des soins qui prennent en charge ces fragilités. Vivre comme si cela n'existait pas, reléguer aux marges de nos préoccupations ces situations, c'est nier un élément constitutif de la vie humaine.
Je veux bien que les lois sur l'euthanasie soient nécessaires, ne serait-ce que pour faciliter le droit des médecins confrontés à des situations extrêmes et de grande détresse. Mais par pitié, qu'au nom de la liberté individuelle, on ne relègue pas les soins de santé apportés aux malades incurables et la considération de nos fragilités dans cette catégorie de "l'inutile non marchand improductif" qui signerait la mort, pour le coup, non pas de nos individus, mais, si j'ose dire, de l'humanité de notre humanité.

jeudi 28 septembre 2017

Lessines et ses merveilles

Chaque année, en "Région pastorale" - territoire plus vaste que les paroisses dont je suis directement responsable - nous organisons une excursion, à la scolaire, entre potes, confrères, diacres, animateurs en pastorale. Journée de détente, de découverte. Oh, cette année, nous ne sommes pas allés loin : à Lessines, voisine, patrie de René Magritte et des Pénitents du Vendredi-Saint, qui héberge entre autres "Notre-Dame-à-la-Rose". Hospice fondé par des religieuses dès le XIème siècle sur les bords de la Dendre, tenu à  bouts de bras par elles pendant neuf siècles, joyau d'humanité et de charité chrétienne, heureusement restauré et devenu espace patrimonial majeur depuis quelques décennies. On y peut entreprendre - c'est bien utile aujourd'hui - une méditation sur le soin, sur sa complexité (pas seulement un médicament donné, mais une prise en charge globale), sur son prix (il était offert aux plus pauvres), sur sa dimension à la fois spirituelle et respectueuse de tous et de chacun. Bel exemple de ce que l'Eglise a pu, localement, faire de mieux - accueillir, nourrir, soigner, aider, et finalement aimer. Des femmes - des religieuses - pendant des siècles, y vouèrent leur vie et leurs biens. Elles y furent admirables.
L'après-midi, visite aux "Cayoteux" de Lessines : avec mille précautions, descendre dans l'antre des carrières, casqués et protégés, voir les machines énormes qui extraient le porphyre, admirer le travail incroyable des ouvriers qui bossent là, fiers de leur boulot difficile, toujours à perfectionner pour qu'il demeure concurrentiel. Heureux de les connaître, de voir leur quotidien, leur patience, leur rage, aussi.
Et puis, vers 17h00, les vêpres chantées ensemble à l'église Saint-Pierre de Lessines, où samedi prochain se tiendra là aussi l'annonce des paroisses "refondées" et leur envoi en mission... Une joie plane sur tout cela, celle de la rencontre entre doyens, entre prêtres, entre diacres, entre responsables de toutes sortes, devenus conscients, peu à peu, d'une mission commune, urgente, qui décidera de la vie chrétienne dans l'avenir, ici, en cette partie occidentale du Hainaut.

jeudi 21 septembre 2017

Des nouvelles de l'abbé Honoré

Notre cher Vicaire, l'abbé Honoré Kabuanga, a été opéré ce matin à Bruxelles - une opération délicate et douloureuse. J'ai pu en fin d'après-midi avoir de sa part les premières nouvelles, qui sont bonnes et rassurantes. L'intervention s'est bien passée, et il est tranquillement dans sa chambre où il reçoit, j'en suis certain, d'excellents soins.
Nous prions tous pour lui - je le lui ai promis! Il sait combien nous lui sommes tous attachés et combien nous l'estimons!

Refondation, fondations, théologie, Marie Noël

Retour de Paris, ce jeudi.
Et voilà une semaine déjà bien remplie.
Dimanche, notre célébration d'envoi de l'Unité Pastorale "refondée", a été, je crois, un beau moment, apprécié par tous - en ce compris les autorités communales présentes, à ma grande joie. On voit, ou plutôt, on "sent" l'enthousiasme, la "multiculturalité", comme on aime à dire - quel bonheur, notre "chorale africaine" venant chanter en alternance avec la chorale formée des divers clochers du Doyenné, quel bonheur de les voir faire ensemble vibrer une assemblée qui ne demandait pas mieux. Belle présidence, belle homélie de notre évêque, aussi : j'en retiens qu'il ne faut pas "ajouter du mal au mal" et que notre Eglise est là pour concourir au bien, au bien commun. Horizon pacifiant - nous ne sommes pas là comme un bastion d'idées toutes faites, ou, pire encore, d'idéologie, mais comme un réservoir de bonté, la bonté même de Dieu, au service du plus grand nombre. Naturellement, maintenant, il faut se retrousser les manches, bien sûr, tout ça, c'est du boulot, mais l'ardeur y est, et nous y allons ensemble!
Le lendemain lundi, départ pour Paris et, mardi, participation au Colloque de rentrée du "Theologicum",  la Faculté de Théologie de l'Institut Catholique de Paris - mon ancienne école, si j'ose dire (j'y ai passée deux belles années, il y a bien longtemps, entre 1984 et 1986.) Journée de travail consacrée, comme je l'ai déjà signalé, à Marie Noël, à la pertinence, à l'actualité de son Œuvre, cinquante ans après sa mort - une journée riche d'interventions remarquables, sociologique, psychologique, pastorale, théologique, liturgique, littéraire, etc. C'est Arnaud Montoux, magnifique jeune théologien (auteur d'une récente et imposante thèse sur la théologie clunisienne) qui présidait aux débats; et la présence, si simple, si fraternelle, et les propos,  de l'archevêque-évêque de Sens-Auxerre, Monseigneur Giraud, donnaient à l'ensemble une tonalité ecclésiale que notre poétesse n'aurait pas désavouée.
J'en ai parlé le soir même en dînant comme prévu avec Angelo Rinaldi, et ce fut une belle soirée, où nous avons évoqué la condition enviée et pourtant difficile de ceux qui se vouent à la littérature, ceux qu'on nomme - il y en a au fond peu par siècle - des "écrivains" et qui ne sont pas seulement des "auteurs".
Et mercredi, journée des amis plus proches, des parents de l'un de mes grands filleuls - nous nous voyons si peu et avons tant à nous dire, quand nous nous voyons!
Comme tout cela passe vite, comme la vie nous entraîne dans sa danse, comme elle file.
Mais celle qui domine tous ces jours, et encore une fois, et pour toujours, c'est Marie Noël, la Dame d'Auxerre - dès lundi soir, Francis mon ami prêtre et moi avions déniché, furetant dans une librairie du Boulevard Saint-Germain, le volume récemment publié de sa Correspondance avec l'Abbé Mugnier, dont on fit si grand cas, et à juste titre, le lendemain lors du Colloque que j'ai évoqué. Volume intitulé, d'un mot qui est d'elle évidemment, J'ai bien souvent de la peine avec Dieu (Correspondance établie par X. Galmiche, Cerf, 406pp.)  Un inédit ponctue ce volume : Ténèbres, pièce magnifique, qui dit le tourment si contemporain, si nécessaire, de celle qui décidément croit en Dieu, mais doute de lui en même temps. J'en cite un vers, qui m'éblouit, m'émeut, me plonge dans un abîme d'affection et de pensée tout ensemble :
"O Dieu qui n'êtes pas comme si Vous étiez..."
Ah, vraiment, je ne sais pas si elle sera un jour "Bienheureuse" ou "Sainte", mais comme Marie Noël nous aura aidés, tous et tant, à croire et aussi à aimer. Voilà les vraies fondations et refondations de nos vies, de nos paroisses, de nos cœurs - tout cela va ensemble. Heureusement!

vendredi 1 septembre 2017

Marie Noël, littérature...

Cette année 2017, jusqu'en 2018, sera marquée par la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Marie Noël, la poétesse française à propos de laquelle j'ai autrefois publié un essai qui fut, je pense, lu - puisque republié à plusieurs reprises. L'archevêque de Sens-Auxerre a demandé, avec l'accord de ses confrères évêques - je l'ai déjà signalé - que soit ouvert le procès de béatification de Marie Noël, parce que la qualité de son Œuvre littéraire a encouragé beaucoup de personnes dans la vie spirituelle chrétienne. Je me réjouis de cette décision, et je participerai, en y faisant une intervention, au Colloque que l'Institut Catholique de Paris consacre à cette grande dame le mardi 19 septembre prochain. J'y évoquerai un poème décisif de l'Auteur - "Jugement", qui se trouve en finale des "Chants et Psaumes d'automne" - pour dire sa perspicacité et sa justesse théologiques.
Je profiterai de ce court séjour pour revoir ou essayer de revoir des amis de longue date, parler avec eux, surtout, de littérature, et donner aussi une interview sur "Radio Notre-Dame", la radio catholique de Paris, le 20. Entre autres ai-je convenu de dîner, le soir du 19, avec Angelo Rinaldi, académicien français, et exécuteur littéraire de Hector Bianciotti. Avec lui, nous évoquerons l'idée de faire, pourquoi pas, entrer Hector dans la Pléiade, la prestigieuse collection de Gallimard. Immortel, Hector l'est déjà dans nos cœurs autant qu'auprès de Dieu, par l'amitié si précieuse qu'il a bien voulu nous donner. Il l'est, bien sûr, par tradition, puisqu'il était un magnifique académicien, et donc en effet un "Immortel". Peut-être est-il souhaitable qu'il le devienne encore un peu plus par son Œuvre...
A chacun sa gloire, posthume - pour Marie Noël, espérons-le, celle des autels; pour Hector, celle du papier-bible! Eux que j'imagine désormais complices doivent en sourire en se disant que ces reconnaissances ne sont plus vraiment leur affaire...

Rentrée nouvelle, nouveaux défis

Le 1er septembre est toujours une date-charnière : même si l'on ne va plus à l'école depuis longtemps, c'est la date de la rentrée, et aussi de la rentrée pastorale. Chez nous, dans le doyenné d'Enghien-Silly et plus largement dans la Région Pastorale d'Ath, cette rentrée est marquée par l'envoi des "Unités Pastorales refondées" - nom un peu barbare pour désigner une relance de nos énergies et de nos enthousiasmes aux fins de mieux exercer notre vocation chrétienne dans le monde tel qu'il est et tel qu'il va.
A Enghien, le 17 septembre prochain, notre évêque présidera une Eucharistie à 11h00 - la seule du week-end, du reste, pour les deux entités d'Enghien et de Silly - durant laquelle il enverra en mission une Equipe d'Animation Pastorale légèrement renouvelée, et un tout nouveau Conseil Pastoral représentatif des divers clochers paroissiaux et des divers services que nous voulons rendre à tous (jeunesse, initiation chrétienne et catéchèse, liturgie, patrimoine, etc.) Il fera transmettre à chacun un "carnet de route" : les choix et priorités dont nous avons convenu avec lui pour les trois années à venir.
Tout cela pourrait n'être qu'un organigramme un peu plat: il est facile de remplir des cases sur des feuilles et de dire que tout va bien lorsqu'elles sont pleines - l'Union Soviétique le faisait dans les années cinquante, en prétendant que tout allait pour le mieux quand le peuple russe mourait de faim. Notre fondation et notre refondation ne sont pas dans les chiffres et la multiplication des conseils, mais dans le Christ : c'est lui le vrai fondement. Et si nous ne sommes pas, chacune et chacun de nous, greffés aux Christ, alors tout ce remue-ménage est vide de sens.
Ainsi donc cette rentrée s'accomplit non comme une formalité administrative, mais comme un renouveau spirituel : que chacune et chacun renouvelle son attachement au Christ, compagnon de nos vies, Celui qui les éclaire et les accompagne, Celui qui les "sauve" et permet entre nous la fraternité souriante hors laquelle il n'est pas de témoignage en son nom.
Alors, les réformes engagées et les présences promises dans les écoles, auprès des jeunes, auprès des personnes plus fragiles économiquement ou psychologiquement, dans les homes et auprès des personnes âgées ou malades, dans l'accompagnement catéchétique et spirituel des grandes étapes de la vie chrétienne, dans le soin apporté à nos célébrations liturgiques, etc., alors, oui, tout cela portera du fruit, j'en suis certain.


Bonne rentrée à tous, donc, et dans l'enthousiasme!

mardi 15 août 2017

Assomption, vision moderne de l'homme et de la femme

Je suis une nouvelle fois frappé par la modernité de la liturgie de l'Assomption. La première lecture de la Messe Jour est en effet celle d'un texte particulièrement "choc" de l'Apocalypse : la vision de la Femme et de son combat contre le Dragon (Ap 12).
Quand même, c'est "hollywoodien" (et encore, avec effets spéciaux), cette image d'un affrontement titanesque entre "une Femme" enceinte et même en train d'accoucher, et un horrible "Dragon" "rouge-feu", "avec sept têtes et dix cornes", etc...
Notre avenir, l'avenir de l'humanité, notre espérance : une Femme enceinte, accouchant, menacée par une sale bête qui veut dévorer son Enfant dès sa naissance. Quelle vision!
Le tout, rassurons le public, se terminant bien : l'Enfant est sauvé, la Mère aussi. Et même, tout l'Univers proclame (cet Univers que la Femme remplissait, avec le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sa couronne d'étoiles) : "Maintenant, voici le salut!"
Le salut, longue persévérance dans l'accomplissement en nous d'une grossesse, évidemment spirituelle : mettre au monde le Christ fut certes le rôle premier de la Vierge Mère, mais il demeure celui de l'Eglise et de chacun de ses membres. Mettre au monde le Prince de l'amour, de la paix, de la justice, de la réconciliation - un Prince menacé dès sa naissance par le Diable qui n'en veut pas, qui s'acharne à lutter contre lui en chacun de nous et dans le monde.
Dès qu'on essaie de propager la fraternité ou la tendresse, les puissances du mal se déchaînent d'une façon ou d'une autre - ça ne vous a jamais frappés?
L'Enfant est fragile, oui, mais victorieux : et la Mère qui l'a porté est la première à participer à cette victoire!

vendredi 4 août 2017

"Un instant encore..." Yourcenar au programme!

"Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts."
C'est ainsi que, le 17 décembre 1987, Georges Moucheron, le présentateur du JT de la Télévision Publique belge, ouvrit son édition : il signifiait par cette citation que Marguerite Yourcenar venait de mourir, dans l'île américaine des "Monts Déserts", à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Ce mot est le dernier qu'elle prête à Hadrien, et qui clôt du reste l'un de ses romans les plus fabuleux : "Mémoires d'Hadrien."
Trente ans, donc, et je m'en souviens comme si c'était hier. J'avais appris à lire, si j'ose ainsi dire, dans Yourcenar, j'y avais appris ce qu'est la littérature, ce qu'est un personnage littéraire et l'importance de cette création dans la vie humaine.
Pour commémorer, en quelque sorte, l'événement, j'ai repris au cours de ces mois d'été la lecture - sans doute la septième ou la  huitième - de l'Œuvre intégrale, et aussi de certains textes et de certaines interviews publiés à son propos. Ainsi l'entretien précisément intitulé "Les yeux ouverts" et qu'elle accorda en 1980 à Matthieu Galey, et je me propose de relire encore la formidable biographie que Josyane Savigneau lui a consacrée.
Ce n'est pas de la distraction : avec elle, on va au fond des choses, on traite des vraies questions qui tourmentent l'humanité depuis toujours et pour toujours. Ce que cette femme dit, par le truchement de ses personnages, de la religion, de la paix et de la guerre, de la tolérance, de l'Etat et des Etats, de la fraternité, de la liberté, de l'écologie et du respect dû à notre monde, de l'amour et de la sexualité,  de l'histoire qui nous est évidemment contemporaine, et de son recommencement comme de sa trajectoire... c'est une leçon perpétuelle de vie, d'intelligence,  et de morale, aussi.
Si j'étais ministre ou je ne sais quoi responsable de l'enseignement, je pense que je n'aurais qu'une décision : obliger les élèves, tous et sans restriction, à lire, à relire, à fréquenter la grande Marguerite! Yourcenar au programme!

samedi 29 juillet 2017

Fier de notre jeunesse

A Silly, à Enghien, il y a une belle jeunesse. En reprenant la rédaction de ce blog délaissé depuis environ un mois (quelques vacances, du repos, des visites aux amis...), je souhaite commencer par le partage de cette bonne nouvelle! Ce que l'on m'a rapporté des camps du Patro de Silly, ce que j'apprends des camps des Scouts et Guides, ce que j'ai vu des camps du Patro d'Enghien, filles (avant-hier) et garçons (j'en reviens) me remplit de joie. Partout, un esprit d'ouverture, de fraternité, de soin que l'on veut prendre les uns des autres. Partout, un esprit d'entraide, de souci du plus petit, du plus fragile. Partout, des dirigeants et des chefs qui donnent généreusement, bénévolement (il faut toujours le rappeler) de leur temps de vacances pour animer des plus jeunes, leur faire découvrir la beauté de la nature et la nécessité de son respect, l'importance des jeux et activités vécus en commun pour le développement social de tous, les valeurs si importantes de convivialité, de simplicité, d'écoute, d'échange, de partage, de débrouille, et aussi l'ouverture à la dimension spirituelle de toute existence humaine - avec les filles et les garçons du Patro d'Enghien, j'ai jeudi et aujourd'hui chaque fois célébré la messe, et chaque fois ce furent des moments de grande attention de la part de ces enfants et de leurs animateurs.
Tout cela vécu dans la bonne humeur, la taquinerie et, au bout du compte, l'amitié.
Je suis émerveillé par cette jeunesse de Silly, d'Enghien, qui est une belle jeunesse, et qui porte en elle tant de promesses!

vendredi 23 juin 2017

Nos enfers : Kasaï, Lesbos, etc...

"Une fois de plus, le haut-commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme, le prince jordanien Zeid Raad al-Hussein, n'aura pas été entendu sur son appel à des investigations internationales en République démocratique du Congo. Pourtant, l'homme n'a pas ménagé sa peine, n'hésitant pas à envoyer la semaine dernière ses experts pour aller recueillir les témoignages de ceux qui ont fui la barbarie du Kasaï. Le rôle du gouvernement a été clairement pointé du doigt. Mais Kinshasa, qui avait menacé lundi de ne pas accorder l'accès à son territoire aux membres d'une mission d'enquête indépendante d'un an, a obtenu gain de cause. Un revers de taille pour le Comité des droits de l'homme des Nations Unies déjà très décrié pour sa passivité par l'administration américaine. La Maison-Blanche avait fait de ce cas une ligne rouge que le Comité a franchie en ne parvenant pas à se mettre d'accord sur un dossier aussi évident. La survie de ce Comité est clairement remise en cause. Sa crédibilité, elle, est déjà enterrée." ( LLB, ce 23 juin, p. 20) Voilà comment un article d'aujourd'hui, dans "La Libre", rapporte à la fois la situation plus que préoccupante du Kasaï, au Congo, et l'échec des négociations internationales qui ont tenté de mettre bon ordre à cette honte. Ici, à Enghien, nous sommes d'autant plus inquiets de ces revers diplomatiques que notre Vicaire, aimé de tous, l'abbé Honoré, est précisément originaire du Kasaï, et qu'il y a sa famille - entre autres sa maman, une famille aujourd'hui menacée. Honoré ne pourra pas retourner cette année visiter les siens, comme il a l'habitude de le faire, parce que le risque serait trop grand pour sa survie même. Nous ne nous rendons pas compte, en Belgique, des catastrophes du monde, et de façon souvent cynique, nous donnons l'impression de nous en balancer - "Qu'est-ce que j'y peux?" Beaucoup - même parmi les femmes et hommes publics  - ne semblent pas voir que la politique internationale est liée à la politique nationale, voire régionale. Alors, pendant que tant de gens crèvent sous les représailles d'une dictature congolaise, malgré les objurgations des évêques de ce pays et du pape lui-même, nous nous échauffons, nous, pour une recomposition du paysage politique régional wallon et bruxellois, recomposition qui ne semble guère mettre à son programme, précisément, les enjeux internationaux. Accablés déjà par la chaleur de ce début d'été, nous le sommes davantage encore par ces intrigues partisanes et, somme toute, égoïstement aveugles.


Autre sujet, autre drame : Lesbos, l'île grecque du Dodécanèse, Lesbos et les conditions de vie innommables de ses réfugiés, encagés dans des tentes glacées en hiver et cloaques immondes sous la chaleur d'aujourd'hui. La "Libre", encore elle, et dans des pages voisines de l'article précédemment cité, titre, de façon explicite : "Aux portes de l'Europe, c'est l'enfer pour les migrants!" Et sous-titre : "A Lesbos, au cœur du Guantanamo grec avec les migrants dont l'Europe ne veut pas." (p.16-17) On frémit : c'est la conscience morale des hommes et des femmes - dont combien de chrétiens? - qui est fermée. Obtuse. Incapable d'entendre l'appel des autres. C'est pourtant un critère bien concret du salut, d'après ce qu'en dit Jésus dans l'épisode du Jugement Dernier (Mt 25) : "J'étais un étranger, et vous m'avez accueilli..." Europe, nous frémissons pour votre salut, vous aurez peut-être sauvé des emplois et de fragiles bien-être, mais vous aurez précipité en enfer ceux que vous pensiez sauver en même temps que ceux auxquels vous refusiez d'ouvrir la porte. Honte à vous!


Enfin, qui sait, une réunion se tient du Sommet européen, aujourd'hui et demain, à Bruxelles : à part bloquer la circulation automobile, comme à chaque fois, cela va-t-il permettre de faire peu à peu, au moins peu à peu, évoluer les choses dans un sens non seulement évangélique, mais simplement humain? Il est grand temps que nos politiques, dont j'estime tout le mérite et la difficulté du travail, et pour lesquels je prie chaque jour, longuement et de tout mon cœur, songent à nous sortir de nos enfers, des enfers dans lesquels nous nous enfermons nous-mêmes en y précipitant les autres.

Statistiques...

Amusant, voici, depuis début juin, comme je vais quelquefois la lire, l'origine des consultations de ce blog : Belgique, 342; USA, 120; France, 68; Ukraine, 9; Allemagne, 8; Finlande, 4; Irlande, 4; Canada, 1; République Dominicaine, 1; Royaume-Uni, 1.


Serais curieux de voir qui sont ces Ukrainiens, tiens...

mardi 20 juin 2017

"Plus de la même chose" : ce n'est pas une solution...

Le coup de force de Mr Lutgen et du Cdh est intéressant à observer. Par déontologie, par fonction, je ne peux évidemment pas dire où vont mes préférences politiques. Mais cela ne m'ôte pas le droit de proposer aux lecteurs de ce blog quelques observations.


- On veut réformer la "gouvernance". Fort bien. Là-dessus, me semble-t-il, tout le monde est d'accord. Ce qui, entre autres, fait défaut dans cette gouvernance, ce sont les accords occultes entre partis, qui se font  l'abri de l'électeur (à cause du système proportionnel des élections, chez nous), électeurs qui sont mis devant le fait accompli quand on propose de changer les coalitions. Le moyen d'aller vers la "nouvelle gouvernance" est-il conforme à ce que l'on souhaite proposer comme... gouvernance? On a l'impression que les partis (tous) s'amusent pour l'instant, remis sur le pavois médiatique grâce à "l'événement" qui finalement ne concerne qu'eux, et essaient de changer les choses en en faisant plus encore dans ce qu'on leur reproche. Or, le vrai changement, ce n'est pas d'en faire plus dans une direction mauvaise, mais de changer de direction.


- A ce propos, tiens : certains sujets ne sont jamais abordés. Par exemple, comme je l'ai déjà dit ici, la vente, le commerce ou, pire, le trafic des armes de guerre. En Wallonie, nous possédons - et ce n'est pas un titre de gloire! - une usine, la FN de Herstal, qui fabrique des armes de guerre et les exporte, notamment, vers l'Arabie Saoudite - elle-même les revendant à des trafiquants qui les revendent à Daesh. Autrement dit, et pour faire bref, les armes lourdes quelquefois employées dans les attentats terroristes et qui tuent des Européens proviennent, en partie, de chez nous. Schizophrénie : d'un côté, pour des raisons purement économiques et parce que, semble-t-il, aucun député wallon  ne veut poser cette question sous peine d'être renvoyé à ses pénates, nous fabriquons, exportons et laissons faire le trafic d'armes de guerre jusqu'à en subir nous-mêmes le contrecoup; d'un autre, nous pleurons avec force larmes sur les victimes des attentats que, plus ou moins volontairement, nous avons donc contribué à assassiner. Il faut être fou, oui, schizophrène, pour ne pas vouloir même parler de cela. (Entre parenthèses, je rappelle que l'intention de prière du pape François pour le mois de juin, qu'il demande de relayer auprès de toutes les communautés catholiques du monde, ce que fais ici et volontiers, consiste à demander que cesse la production - sauf celle qui est nécessaire à la défense raisonnable d'un Etat -, le commerce et le trafic des armes de guerre.) Je reviens au sujet de départ : ce que j'aimerais, moi, plutôt que de savoir qui, du Cdh, du MR, du PS, d'Ecolo, de Defi, des autres encore, gouvernera avec qui, c'est d'apprendre qu'une majorité de députés, et particulièrement en Région liégeoise, entend cette contradiction et cet appel et essaie de trouver pour les travailleurs de Herstal une reconversion qui honorerait la dignité du Pays tout entier, et d'abord de la Wallonie. On me dira : "Mais les autres pays reprendront le commerce, et l'entretiennent déjà, tout cela c'est de l'utopie, etc." Je répondrai : "La politique, au sens noble, c'est de l'utopie - voyez Thomas More - et ce n'est pas parce que tout le monde fait quelque chose que ce quelque chose est le bien. Or, le rôle des hommes et femmes politiques consiste à promouvoir le bien, qu'on appelle en politique le bien commun. Et non les intérêts sectoriels ou particuliers." Alors vraiment, si des députés se mettaient d'accord là-dessus (et ce n'est qu'un exemple de changement concret de "gouvernance"), alors, oui, je serais dans l'enthousiasme.


- Mais nous sommes, donc, dans "plus de la même chose", et non (encore?) dans "autre chose". On a beau se réclamer de Mr Macron - tout le monde, à voix plus ou moins basse, s'en réclame aujourd'hui, parce qu'évidemment il connaît en France le succès que l'on sait -, on ferait bien d'attendre les résultats que ses succès promettent. Je l'ai dit ailleurs sur ce blog : Macron, c'est Napoléon, c'est du bonapartisme, et les Français aiment cela de temps en temps quand ils sont fatigués de tout, mais, d'une part, ce n'est pas notre culture politique et, d'autre part, ça ne "marche" pas (République "en marche", jusqu'à quel arrêt?) toujours très longtemps : Bonaparte, environ quinze ans; son neveu Napoléon III, environ vingt ans, De Gaulle, onze ans; Mitterrand, quatorze ans. Après quoi, les fatigues reviennent, et on chasse les élus... même s'ils s'appellent "Emmanuel". Attendons de voir dans cinq ans ce que le "macronisme", forme contemporaine du bonapartisme, aura produit. Et comment les problèmes (chômage, récession, inégalités sociales, etc.) auront ou non été résolus. Je ne pense pas, de toute façon, que ce soit un modèle exportable tel quel.


- En revanche, je crois à toutes les formes possibles d'ouverture et de dépassement de frontières obsolètes : entre les partis issus de clivages religieux (Francs-Maçons libéraux versus Catholiques centristes, par exemple); entre les partis ou les personnes soucieux de liberté économique et sociale, et ceux qui se veulent plus protecteurs des personnes faibles, et incapables d'entrer et de vivre dans une existence de simple compétition; évidemment, entre les "progressistes" (je voudrais bien savoir ce qu'est "le progrès", aujourd'hui) et les "conservateurs" (je voudrais bien savoir ce qu'il faut "conserver"); etc. Mais sur des questions précises, ponctuelles, délicates, que tous, par pitié, se mettent à dialoguer par delà les clivages en vue de décisions favorables au bien commun : la protection sociale minimale, qui permet à tous de rester dignes; la promotion de l'effort, du travail et de l'apprentissage dans l'éducation et la vie économique; le refus d'ériger l'argent en étalon de la réussite et en maître de la destinée - car l'argent, c'est "Mammon", comme dit Jésus, et vous permettrez à un prêtre de citer ici les évangiles, c'est une idole à laquelle on ne peut qu'être asservi, comme à toute idole, et c'est la première d'entre elles, et certes l'argent est nécessaire comme moyen d'échange économique, mais non pas comme critère du bonheur social; la promotion de la culture, des beaux-arts, de la littérature et des autres formes de création, faute de quoi nous serions sous l'emprise délétère d'une société purement vouée à l'économie de marché - or, la culture, qui n'a pas de prix, est gratuite, et mérite dès lors qu'on y investisse énormément; la volonté de pacifier le monde, en réduisant entre les peuples (surtout du Sud et du Nord), les écarts monstrueux dont nos manières de vivre et de consommer sont coupables - c'est le plus grand péché qui crie vengeance au ciel! Evidemment, et en même temps, la volonté affichée et ordonnée, de renoncer aux comportements qui contribuent à la destruction inévitable de la terre, notre "maison commune", de son climat, de ce qu'elle peut produire pour nous nourrir tous ensemble, et de ce qu'elle pourra donner aux générations qui nous suivent. Et puis, encore, et sans être exhaustif, et j'aurais peut-être mieux fait de l'écrire  en premier, le dialogue incessant que tous les pays doivent avoir autour du fait religieux, de sa présence, de ses risques comme de sa nécessité, de son influence dans les structures des Etats (soit qu'ils le mettent à leur service, soit qu'ils le dénigrent ou le combattent, deux positions également offensantes et dangereuses.)


- Bref, il y a matière. "Gouvernance", avez-vous dit, messieurs, mesdames les gouvernants? Ok, gouvernance, mais alors, sur ces sujets-là et d'une façon parfaitement indépendante de vos rivalités politiciennes. Ben y'a du boulot!

vendredi 9 juin 2017

Mensonge et vérité

Ces dernières semaines, un certain nombre de rencontres privées et d'informations publiques m'ont conduit à méditer sur l'emprise du mensonge dans nos vies. Au fond, tout le monde ment, tout le temps, à tout le monde. On justifie par des mensonges publics des rémunérations imméritées et immorales - ceci dans tous les partis politiques et probablement dans tous les pays, et on s'est construit un monde dans lequel il est légitime de gagner ceci et cela, sans plus se poser de question sur l'origine de ces revenus et leur caractère acceptable ou non.
Dans les rencontres privées, aussi, la même chose : il faut d'emblée justifier, et quelquefois jusqu'à l'absurde, le fait qu' a priori, on a raison. Raison de dire ce qu'on dit, de faire ce qu'on fait, de se comporter comme on se comporte. La remise en question, ou en cause, de soi-même, est presque toujours absente lorsque des conflits naissent - dans les paroisses, les communautés de vie, les ménages, peu importe. Comme s'il y avait un seuil intolérable, indépassable, hors lequel la vérité serait tellement blessante qu'elle ne saurait être que niée, refoulée.
Avant de juger les autres, je reconnais que c'est vrai en moi aussi, en moi d'abord.
Tous, nous nous construisons une image que nous brandissons comme des pancartes devant nous : "Voyez, je suis ceci, je suis cela."  C'est faux, bien sûr, c'est une image construite, reconstituée, théâtrale. Nous ne sommes pas ce que nous disons que nous sommes.
La vérité est bien plus cachée, bien plus intime, bien plus difficile à montrer (peut-être n'est-elle pas "montrable"!) Elle ne se délivre que dans le secret du cœur, et c'est tout le travail de la prière silencieuse que d'y permettre un accès, douloureux et nécessaire.
Nous n'apprendrons la vérité de nous-mêmes qu'à la lumière de Dieu, de sa miséricorde, qui ne stigmatise pas, mais libère, aussi, et tout de suite. Car si, comme le dit Jésus, c'est le Diable qui est le Père du mensonge, la vérité, elle, la vérité, seule, nous rend vraiment libres...
Quel enjeu pour nous vies, et pour la société, que d'apprendre à dire, et plus encore, à faire, la vérité, et à dénoncer le mensonge!

vendredi 2 juin 2017

La mort de Mgr Lemmens

On a appris ce matin le décès, survenu dans la nuit à l'âge de soixante-trois ans, à l'Hôpital Universitaire de Leuven, de Mgr Léon Lemmens, évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles et responsable du Vicariat du Brabant Flamand depuis 2011. Mgr Lemmens était une belle figure de notre épiscopat, sensible au sort des prisonniers, soucieux de dialogue œcuménique (en particulier avec les Eglises orientales) et interrreligieux (en particulier avec l'Islam). En 2015, il avait participé, avec notre évêque Mgr Harpigny, et avec le futur Cardinal De Kesel, à un voyage d'information et de réconfort en Irak, auprès des populations sinistrées par la guerre.
J'avais eu la joie de le recevoir ici, chez moi à Enghien, "en voisin", comme il le disait lui-même, un dimanche après-midi, en compagnie de mon confrère le curé de Herne. Nous avions gentiment papoté tous les trois en évoquant la situation de l'Eglise et des chrétiens chez nous et dans le monde - ce monde complexe qu'il connaissait si bien.
Je célébrerai ce soir à 18h00 la messe à son intention.

jeudi 1 juin 2017

Retrait(s) du Président Trump

Le Président Trump fait ce qu'il avait promis à ses électeurs. Il vient de se dégager, et de dégager son Pays, des accords de Paris sur le climat. Toul le laissait prévoir.
Sa tournée proche-orientale et européenne était aussi celle d'un retrait, ou de plusieurs : de la diplomatie habituelle qui scellait des accords nord-atlantiques. Le retrait, aussi,  de la simple politesse et du savoir-vivre à l'européenne. Trump est fidèle à ce qu'il a promis d'être : un Américain sûr de sa puissance financière et déterminé à ne plus s'encombrer de ce qui pourrait faire obstacle à la domination de son Pays, parce qu'il croit que celle-ci est entravée par les susdits accords.
Ce sont des manières de cow-boy, évidemment, nous ne sommes plus habitués à ce genre de comportement depuis longtemps  - l'Europe est pour lui une fille perdue qu'il viole à son aise, sans même prendre le soin de rien lui promettre, et en tous les cas, plus le mariage!
Vendre des armes à l'Arabie Saoudite, pour plus d'un milliard de dollars, alors que ce pays est une passoire vers le terrorisme - non seulement il s'en fiche, mais c'est pour lui une manière de dire que le terrorisme peut bien éclater partout en Europe, ce n'est pas son affaire. Après tout, la Belgique aussi vend des armes à ce pays, sans vergogne, pour protéger des intérêts locaux et sectoriels, et personne ne s'en préoccupe.
Aller ensuite voir le pape et lui prodiguer des sourires d'Hollywood pour essayer de contrer la mine effarée de son hôte, autre message : je veux de la religion, oui, mais si elle me sert et si elle sert les States tels que je les conçois. "Tes messages sur la paix, le dialogue interreligieux, la préservation écologique et sociale du monde, tu peux te les fourrer sous ta soutane, ma meuf et ma daughter se sont mises en frais pour toi avec une mantille noire sur la tronche, alors t'arrêtes de nous emmerder."
Les chefs d'Etat européens, pareil : "Je passe devant eux tous, je les ignore." Petite visite de courtoisie à l'Union Européenne, pour dire que "Je suis là", inauguration des nouveaux bâtiments de l'Otan, pour dire qu'ils coûté trop cher et que "C'est pas moi qui paierai Allez vous faire f..."
G7, pareil : "Quelle idée d'avoir choisi cette Sicile aux routes trop étroites pour ma Limousine!"
Et, dans la foulée, évidemment, les accords de Paris, sur le climat : "Vous pouvez vous les carrer où je pense, avec le reste, et sous la soutane de l'autre!"
Je résume tout cela en des termes peu élégants, parce que je suis à peu près certain que c'est ainsi qu'ils sont formulés dans l'intime conviction de l'actuel Président des Etats-Unis d'Amérique, l'un des hommes les plus puissants du monde.
Evidemment, tout cela est consternant.
Mais l'Europe ne devait-elle pas s'y attendre? L'Histoire nous apprend que les relations transatlantiques ont toujours été chahutées, et qu'il aura fallu du temps, dans les deux conflits finalement mondiaux du XXème siècle, pour que l'Amérique s'engage aux côtés de nations dévastées par des prétentions impérialistes ou fascistes de l'autre côté de l'Atlantique.
Oui, nous avons le droit d'être consternés.
En même temps, pour reprendre encore l'Histoire du XXème siècle, c'est par deux fois les USA qui nous ont sauvés de la barbarie dans laquelle nous étions englués. Ce sont des jeunes hommes de dix-huit, dix-neuf ou vingt ans, arizoniens,  texans et californiens, qui n'avaient pas grand chose à faire de notre continent ou de nos pays, qui sont venus crever le ventre ouvert, déchiquetés sur les plages de Normandie ou d'ailleurs - les cimetières militaires, là-bas et partout, en témoignent encore.
Alors, même si nous sommes consternés - et à juste titre -, il ne serait pas judicieux, ni simplement juste, je crois, de mépriser.
Une majorité d'Américains a, semble-t-il, voulu avoir à sa tête un Régime protectionniste, fermé et arrogant. Nous ferions bien de nous demander pourquoi (et les réponses viennent vite : détresse et paupérisation des classes moyennes, méfiance vis-à-vis d'une caste politique qui n'a pas l'air d'entendre ce qu'on lui dit, volonté de virer tout ça...), nous le ferions bien, parce que cette vague populiste et désolante risque fort de venir submerger nos rivages, de l'autre côté de l'Atlantique. Et sans doute plus tôt que prévu...

dimanche 28 mai 2017

Renier sa foi?

Avant-hier, vingt-neuf coptes, parmi lesquels des enfants, ont été exécutés d'une balle dans la tête par des militants du prétendu "Etat Islamique" parce qu'ils refusaient de renier leur foi chrétienne. Ils se rendaient, comme c'est souvent le cas en Egypte, à une retraite organisée dans un monastère distant d'environ 200km au sud du Caire.
Nouveaux martyrs, courageux, vous me renvoyez la question : qu'aurais-je fait, moi, si confortablement installé dans ma foi d'Occidental qui ne dérange guère que quelques idéologues en mal de polémique? Il faut du temps, avant de répondre. Parce que la réponse touche à la foi, à sa profondeur, à ce qu'elle porte d'essentiel - ou non - en nous.
J'y pensais ce matin en célébrant des "premières communions" d'enfants, ici à Enghien : merveilleux petit troupeau, si décidé - mais parents et amis ne voient guère là-dedans qu'un rite sympathique, et probablement pas une étape décisive dans une foi chrétienne pour laquelle on risquerait, un jour, de devoir donner sa vie.
Les enfants morts en Egypte avaient le même âge que ceux qui, ce matin, ont communié ici pour la première fois.
Autre communion, sanglante, celle-là, au Corps supplicié, ouvert, offert à jamais. Autre communion qui féconde, sans doute, et donne une singulière gravité à l'autre...
(Ah oui, et pour rappel : il est extrêmement probable que dans les armes qui ont exécuté ces personnes, la plupart venaient de chez nous, étant d'abord passées par l'Arabie Saoudite...)

vendredi 26 mai 2017

Leçons de vie de Mgr Stroskans

Pourquoi faut-il qu'en cette chaude soirée de mai je me souvienne, comme une fulgurance, de Mgr Bolislas Stroskans? Cet évêque d'origine lettone, je l'ai connu dans la seconde partie des années 1970, alors que jeune étudiant à Leuven je fréquentais l'Abbaye du Mont-César, où il résidait et achevait sa douloureuse existence. Douloureuse : persécuté et déporté dans les geôles et les camps soviétiques d'abord, puis nazis, il avait été torturé pour sa foi sans jamais cesser de protester et de revendiquer la liberté de croire. Il est mort au début des années 1980, et sa cause de béatification est engagée par le Diocèse de Malines-Bruxelles.
Si je pense à lui, sans doute, c'est que je viens de lire des choses inquiétantes sur la liberté religieuse, sur la liberté de dire et de professer ce que l'on croit, y compris dans nos pays nord-occidentaux. Evidemment, nous ne sommes pas en Lettonie ou en URSS ou en Allemagne dans la première moitié du XXème siècle! Mais certains raisonnements me consternent, ceux qui voudraient voir disparaître la religion de l'espace public. Cela n'est pas la démocratie, cela, c'est l'idéologie qui a prévalu dans les pays et les époques pré-cités, avec les conséquences que l'on sait.
La démocratie consiste à laisser chacun s'exprimer, sans jamais vouloir imposer son point de vue. La démocratie est riche des débats - et chez nous, mon Dieu, comme ils sont rares! -, débats académiques, politiques, littéraires, culturels, dans lesquels les opinions devraient pouvoir s'affronter avec élégance, se dire et être écoutées dans le respect mutuel. Nous sommes encore fort éloignés de ce Paradis, de cet Eden rêvé par Platon...
On vit dans des castes, des a priori, des rejets systématiques de l'autre.
Certains aimeraient couper la tête de tout ce qui ne leur ressemble pas, et qu'ils traitent de "passéiste", de "ringard", de "sous-évolué".
Des exemples? Prenons-en trois :
- l'avortement. Question délicate. Tout le monde aujourd'hui devrait dire et répéter, si l'on suit la doxa médiatique,  que c'est, sans plus et sans réserve, un droit absolu des femmes. Or, évidemment les femmes sont les premières concernées, et donc il faut des législations qui respecte leurs droits. Mais la vie humaine l'est aussi (je ne parle pas de "personne humaine", etc., cela, ce sont des concepts philosophiques toujours discutables.) Et le point de vue qui pose la question de la vie humaine, et de son respect, est un point de vue qu'il faut aussi entendre, en débat avec le reste.
- l'euthanasie. Pareil. Evidemment, certaines situations de fin de vie, notamment parce que les techniques et les soins médicaux qui prolongent la vie ont évolué, méritent d'être aménagées légalement - et il est normal que les Parlementaires s'emparent de la question. Mais, comme pour le point précédent, il s'agit toujours de supprimer une vie humaine, et ce n'est pas rien, et cela peut conduire à une banalisation dangereuse. Il faut entendre cette crainte.
- le mariage "pour tous". Evidemment (enfin, c'est une évidence à mes yeux depuis très longtemps, et qui finira naturellement par rallier tout le monde, après un combat "gay" difficile et douloureux dont j'admire toujours le courage), tout le monde a le droit de se marier, que ces personnes soient hétéro, homo, bi ou trans. Cela me semble donc une évidence, même si nous ne parlons pas ici de mariage sacramentel qui, en principe (!) suppose la foi chrétienne et une volonté de progresser dans la vie avec le Christ. Or, chez les chrétiens, la différence sexuelle reste une différence pertinente, notamment du point de vue sacramentel, et il me semble que c'est aussi une chose que l'on peut entendre. Est-ce que la différence de "genre" - qui n'est jamais qu'une construction idéologique à côté d'autres, y compris à côté de la différence sexuelle - doit désormais s'imposer comme un dogme nouveau? Là encore, quand on ose émettre une objection, on est renvoyé dans la ringardise.

Et merde! Il faudra bien que  notre société démocratique accepte la pluralité des points de vue, et des discussions franches, ouvertes, et donc discordantes, sur les sujets qui fâchent. C'est un signe de bonne santé. Je rattache à cela l'éviction progressive et déterminée des cours de religion dans l'enseignement officiel,  chez nous : un appauvrissement, de tout évidence, mais que certains veulent programmer comme un gage de "neutralité". Personnellement, pour moi, "neutralité" - qui n'a rien à voir avec "laïcité", comme je l'ai dit déjà dans un post précédent - rime avec "stérilité". Interdire aux opinions (y compris religieuses) de s'exprimer, c'est appauvrir en effet la démocratie, et certainement pas lui donner des chances d'épanouir l'humanité.
Dans la première moitié du XXème siècle, pour un principe ou pour son contraire, dans les deux cas pour de l'idéologie,  certains Etats ont programmé cet appauvrissement. Et on sait ce que cela a produit...

Mgr Stroskans, voilà sans doute pourquoi je pense à vous ce soir, à vous, évêque martyr et oublié, mais témoin d'une vérité qui veut se dire malgré les idéologies dominantes.

samedi 20 mai 2017

Ne rien préférer à l'amour de Dieu

Deux faits marquants, aujourd'hui.
D'abord, dans la gestion matérielle de nos paroisses, une remarque à propos de certaines transactions, remarque que j'ai faite pour choquer comme l'Evangile doit choquer : "Ce n'est jamais que de l'argent", alors qu'une somme importante est en jeu. Evidemment, je suis le premier à veiller au bien commun dans ce domaine, et je connais comme on dit "la valeur de l'argent", et tout ça, mais je ne veux pas, non, je ne voudrai jamais, que l'on devienne l'esclave de Mammon. Il faut en user, certes, le dompter toujours, c'est une sale bête, mais jamais, non jamais en faire son dieu. Nous ne pouvons pas - Jésus nous le rappelle assez, de la part du Père - aimer à la fois Dieu et l'argent. L'argent, ce ne sera jamais que de l'argent (assez proche de la merde, nécessaire au fonctionnement de l'organisme, mais dont on ne fait pas son plat.) Usons de Mammon, sans doute, faisons-en notre domestique, pas l'inverse. Quand l'inverse survient (voyez les affaires partout, chez nous, à Charleroi - encore - ou ailleurs en Région Wallonne), l'être humain est défiguré, il prend vraiment le masque du diable, un esclave, une sale bête. Beurk! Pas de ça chez les chrétiens!
Ce soir, j'ai eu la joie de passer un long moment avec un jeune ami de 26 ans, que j'aime de tout mon cœur. Il est brillant, intelligent, et heureusement lucide - c'est aussi son drame! Il se rend compte que la société dans laquelle il vit, qu'on lui a offerte en partage et qui l'a porté à une profession dans laquelle il gagne bien sa vie - revoici la question de l'argent - ne saurait combler son cœur, son désir profond. Fêtard qu'il est, émouvant jusque dans ses excès de fête, il voudrait que tout cela change. C'est entre ses mains.
Les miennes, désormais,  sont trop vieilles, trop usées.
Les siennes sont jeunes, elles peuvent faire le ménage - mais il ne le fera pas à l'extérieur s'il ne le fait à l'intérieur.
Nous nous sommes compris là-dessus. Et, tout fragile qu'il soit, j'ai en lui une confiance absolue - il a compris la vie, mais comme le chemin sera rude s'il veut y apporter des changements et non pas simplement s'y conformer.
Mon rêve : qu'il en trouve d'autres, comme lui, qu'ils s'unissent et de l'intérieur (d'eux-mêmes, d'abord, et du "système", ensuite) fassent changer les perspectives. Ce changement est d'abord, est nécessairement d'abord, spirituel.
Mais il est urgent - sinon, nous allons vers une société de malheureux riches, plus malheureux encore que les pauvres qu'elle aura créés.
Si je crois en Dieu - mon ami n'y croit pas, lui, et cela n'a pas d'importance, le constat est identique -, si je crois en Dieu, donc, c'est entre autres parce que cette foi m'aide à "ne rien préférer à son amour". Je pense avoir, au minimum, compris ceci : rien ne peut rivaliser avec l'agapè, l'amour de Dieu, le don de Dieu, rien, ni la prétention de la gloriole ou de la reconnaissance humaines, ni la fortune, ni la beauté passagère, ni les états amoureux, ni l'éphémère esthétique des corps, ni l'illusion d'une famille idéale où tout le monde vivrait angéliquement  au diapason de tout le monde, ni.... rien.
Alors, on a beau me chanter qu'on fera des cours de citoyenneté, de neutralité, de laïcité, de ci et de ça, et du reste, c'est très intéressant, certes, mais  cela ne remplacera jamais ce pour quoi je suis fait, "appelé" (comme on dit d'une "vocation") : tout cela n'a pas une importance décisive. Ce qui compte, c'est l'agapè. C'est-à-dire, l'amour. L'amour de Dieu. Il ne faut rien lui préférer, pour être heureux.

dimanche 14 mai 2017

Macron, Napoléon...

En regardant ce dimanche, par intermittence, quelques images de la prise de fonction du nouveau Président français, je me disais que nos voisins sont décidément des "bonapartistes". Il leur faut un leader charismatique, un "sauveur", un chef d'Etat puissant - quitte à le congédier ensuite avec brutalité. Il leur faut un Louis XIV - mais trois générations plus tard, on coupe la tête de son  successeur. Il leur faut un Napoléon, ou plutôt un Bonaparte - et on y croit jusqu'à Waterloo. Il leur faut un De Gaulle - que l'on finit par récuser lors d'un referendum. C'est une sensibilité politique que nous n'avons guère en Belgique, plus habitués que nous sommes à un régime parlementaire avec ses accords, ses compromis, ses avancées à petit pas.
Je peux comprendre ce besoin - Macron nouvel élu, mais aussi nouvel Elu, Macron chef des armées, Macron donnant des tapes amicales au cou, aux joues, de ses grognards, Macron sauveur de la France, Macron sauveur de l'Europe, oui, Macron Napoléon... Je peux comprendre ce besoin parce qu'il correspond au désir légitime de vivre dans un Etat protecteur et symboliquement fort, avec une "unité nationale" bien visible à de certains moments. Le nouveau Président français a manifestement le talent d'incarner ce genre d'autorité - un talent que son prédécesseur, pour être euphémique, possédait peu.
Mais... (car il y a un mais)... les revendications sectorielles, légitimes, reviendront vite, les réalités économiques sont ce qu'elles sont, les ambitions politiques restent de leur côté probablement intactes. Du coup, les déceptions risquent toujours de se vivre à l'aune des espérances.
En attendant, ce jour de fête des Français, nos amis, était sympathique à observer...

samedi 6 mai 2017

Laïcité, neutralité

Je suis très attaché à la laïcité de l'Etat. Je la vois comme une conquête des "Lumières" philosophiques du XVIIIème siècle, et la garantie d'une pluralité possible d'opinions, de convictions, de religions, à l'intérieur d'une même communauté de citoyens. Mais la laïcité, telle que je la décris ici, suppose pour tous la possibilité de s'exprimer, de se dire : étymologiquement, elle renvoie au grec laos, qui signifie "peuple". Et j'aime cette étymologie, même si elle peut quelquefois être détournée en "populisme".  Dans une démocratie telle que je l'apprécie, le peuple doit s'exprimer, non seulement par le suffrage universel, mais aussi par les associations, les mouvements, les syndicats, et ainsi de suite. A mon sens, il n'y aura jamais assez d'expression populaire...
C'est pourquoi, de ce point de vue, la ¨"neutralité" ne recoupe pas la "laïcité". La première - toujours pour faire dans l'étymologie - renvoie au latin neuter : "ni l'un ni l'autre". C'est-à-dire, finalement... personne! Que personne ne s'exprime. On sait où cela conduit : certains s'expriment quand même, et cette expression devient la norme intangible. La neutralité ainsi comprise peut conduire à faire taire tout le monde...
En revanche, la laïcité donne à chacun le droit de s'exprimer.
Dans le domaine religieux, cette distinction est grandement opératoire. La laïcité permet à tout le monde de vivre et de dire ses convictions, dans le respect des convictions d'autrui. La neutralité, elle, interdit à tout le monde de parler, que ce langage soit verbal ou simplement un langage de signes... Or un signe n'est signifiant que pris dans un ensemble : c'est ce qui différencie, par exemple, le port de la burka musulmane de celui de la kippa juive. Dans le premier cas il s'agit souvent - et pas toujours, du reste - d'un signe concordant avec beaucoup d'autres, et alors en effet insupportable non seulement chez nous mais partout, d'une soumission de la femme à l'homme. Dans le second, il s'agit simplement d'un signe d'appartenance à une religion, certes fière d'elle, mais longtemps méprisée, persécutée, et qui, à juste titre, revendique simplement d'être ce qu'elle est sans vouloir aucunement mépriser quiconque ou s'imposer à tous. Cela n'a rien à voir. Qu'au nom de la "neutralité" de l'Etat, on interdise les deux d'un même mouvement - je ne rêve pas, c'est ou c'était récemment le discours de Madame Le Pen - relève d'un manque épouvantable de discernement et d'intelligence.
Nous n'arriverons à rien tant qu'il n'y aura pas, dans nos pays, un grand débat entre l'Etat et les religions pour honorer la laïcité. Mais pas cette indigence de l'esprit qu'on nomme "neutralité".

dimanche 30 avril 2017

Le droit d'être déçu

Nous connaissons par cœur le chapitre 24 de l'évangile de Luc que nous lisions ce dimanche : l'épisode des "disciples d'Emmaüs".  Un texte magnifique, du reste, mais tellement ressassé qu'il faut réapprendre à le lire comme si c'était la première fois.
Tenez, pour prendre l'un de ces détails où se cache la vérité d'un texte : des deux disciples rejoints par Jésus Ressuscité sur la route d'Emmaüs, on nous dit que "leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître" (Lc 24, 16). Ce n'est pas seulement qu'ils ne le reconnaissent pas : il y a comme une force en eux qui les en empêche, et le grec dit ekratounto, où il est bien question d'une espèce de puissance qui s'est emparée de leur regard, de leur capacité - intérieure et extérieure - à voir, à discerner, à reconnaître. Littéralement : "Ils étaient dominés par une force les empêchant de le reconnaître".
Quelle est cette force aveuglante?
Il me semble que c'est la tristesse en nous et, plus largement, la déception.
Exactement comme pour les disciples d'Emmaüs, d'après ce qu'ils disent eux-mêmes : "Et nous qui espérions!" Ils avaient placé tant d'espoirs en ce Jésus,  en la libération promise par lui,  et voilà que sa destinée est finie, fracassée par les puissances en place.
Nous aussi, qui avons quelquefois reçu avec enthousiasme la foi dans notre enfance, nous avons pu placer en elle tant d'espérances! J'y songeais, ce matin, en célébrant les premières communions à Hellebecq pour sept enfants magnifiques et sérieux "comme des papes". La vie s'est avancée, nous avons, nous semble-t-il, mieux compris, nous avons vu à l'œuvre les forces du mal en nous et autour de nous, nous avons fait la part de l'illusion toujours possible, nous avons traversé des épreuves, et toujours comme pour les disciples d'Emmaüs, vraiment, "le soir tombe" sur nos vies en nous laissant un goût d'amertume. Où est-il, l'enthousiasme de notre enfance? Je songe au mot de Marx : "Déçu, enfin devenu raisonnable." Et nous avons, oui, le droit d'être déçus...
Je suis frappé par cette tristesse, que l'on trouve infiniment plus présente chez nous que chez des populations plus fragiles dans le reste du monde : la merveilleuse Afrique est là pour nous stimuler dans la joie (j'ai assisté ce matin à "la première" de notre chorale africaine : quel boum! Là, au moins, on danse, on chante!). Oui, sinon, tristesse des visages, des situations, amertumes ressassées dans les familles, déceptions les uns des autres, rancoeurs, rivalités, mesquineries, et puis bien sûr les maladies, les échecs scolaires ou économiques, et puis enfin, comme chantait Brel, "la mort qui est tout au bout". Une espèce de chape de tristesse pèse sur nos manières de vivre, d'espérer, d'aimer. Une insatisfaction permanente, toujours perceptible, à fleur de peau...
Voilà ce qui écrase notre regard et nous rend aveugles à l'intérieur de nous-mêmes; voilà ce qui nous rend incapables de reconnaître le Ressuscité et sa Vie débordante.
Nous avons le droit d'être déçus, sans aucun doute.
Mais nous avons aussi le devoir d'ouvrir les yeux, de repousser en nous le poids de la tristesse. Car la Vie est là, qui nous appelle... Et le Ressuscité, le Vivant, est là, lui aussi, compagnon de toujours, à nos côtés, qui nous offre encore et encore les signes de sa Présence.
Alors, au bout da route, au bout de la peine, "leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent."

jeudi 27 avril 2017

Prêter serment...

Il faudra donc peut-être bientôt, en Wallonie, que les ministres et responsables des cultes prêtent serment de respect à la Constitution et aux lois du Pays et de la Région, comme à la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948, devant les autorités compétentes, provinciales ou communales.
Je le ferai volontiers, d'autant que dans cet ensemble de textes, je relève encore une fois, pour rappel, le magnifique article 18 de la  susdite Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

La séparation des Religions (pour ne pas dire des Eglises, car c'est ici trop court) et de l'Etat, cela va dans les deux sens...  A partir du moment où l'Etat respecte aussi les Droits de l'Homme et favorise, par exemple, la mise en œuvre de cet Article 18, je n'ai pas de problème pour lui prêter serment...

lundi 24 avril 2017

Petit regard sur les élections françaises...

Le premier tour des élections républicaines chez nos voisins et amis français me donne à penser essentiellement ceci : les frontières bougent, toujours et partout. C'est vrai des frontières de l'éthique - les certitudes de la "loi naturelle" défendue par l'Eglise sans qu'elle y mette toujours un grand souci de dialogue, ces certitudes, donc, sont en train d'éclater dans nos pays occidentaux (avortement, euthanasie, mariage pour tous, etc.) Plus grave : le nationalisme se montre à visage découvert, avec sa part de protectionnisme, de xénophobie, d'entrave à la liberté de circulation des personnes et des biens, bref, tout ce qui contredit en lui la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qu'avaient inspirée les horreurs des deux guerres mondiales du XXème siècle. Tout bouge.
En France, pour revenir à elle, les partis traditionnels qui tenaient le haut du pavé s'effondrent : la Droite et la Gauche classiques, que l'on croyait prédestinées à se partager depuis toujours et pour toujours, en alternance, le pouvoir politique, s'estompent du paysage. Leur faute? Précisément, sans doute, d'avoir gouverné trop longtemps en formant un "entre-soi" incapable de voir encore le monde réel, ses problèmes concrets, ses désespérances. En témoignent les mensonges éhontés, les revirements des uns et des autres - en effet impardonnables. Et cette fois-ci, l'argument "Ils le font tous" - pernicieux en diable, si j'ose dire, du point de vue de la morale, car ce n'est évidemment pas parce que tout le monde fait quelque chose que c'est bien! - oui, cet argument pervers s'est retourné contre ceux qui en usaient : puisqu'ils le font tous, virons-les tous!
Du coup, un Centre émerge, fatalement assez "mou", compromis porté par un jeune homme sans doute brillant mais dont on questionne à juste titre les résolutions et la compétence. On se pose la question : ce Centre sera-t-il assez ferme pour combattre l'hydre sans cesse renaissante, ce parti fascisant que soutiennent même certains catholiques? Oh! Les politiciens belges feraient bien de garder pour eux leurs conseils et leurs avertissements : chez nous, au niveau fédéral, ils se sont alliés à l'analogue du FN, la NVA, dont certaines propositions et certains thèmes sont identiquement les mêmes que ceux de Madame Le Pen. Monsieur Mélenchon, probablement très déçu de sa défaite, rechigne à donner des consignes de vote : s'il favorise l'abstention, il favorisera du même coup la possible victoire de cette candidate au sourire carnassier, et de ce Parti qui ferait basculer la France, et l'Europe, vers on ne sait quoi... Certains cathos de droite, ceux de la "manif pour tous", etc., qui soutenaient Fillon, disent déjà qu'ils voteront Le Pen. On frémit. Qu'ont-ils de "catholique", ces imbéciles sans mémoire, qui confondent leur foi prétendue avec une idéologie nauséabonde? N'empêche : ils pourraient bien, eux aussi, favoriser une victoire à la Trump!
Nous serions bien : Trump aux USA, Poutine en Russie, Erdogan en Turquie, Le Pen en France.
Oh, ce petit regard du lendemain sur la cuisine intérieure de nos voisins et amis n'a rien de rassurant. Il nous invite à la vigilance, à la droiture, au discernement dans nos choix quotidiens, à la générosité dans la foi. Et d'abord, sans doute, à la prière!