mercredi 18 janvier 2017

"Bienheureux les pauvres..."

On me pardonnera de reproduire ici des extraits de la chronique que Raphaël Glucksmann, fils du regretté philosophe André Glucksmann, vient de publier dans la livraison de cette semaine de L'Obs (du 12 au 18 janvier 2017, p.10). Elle me semble, cette chronique, essentielle :

"Alors que la campagne présidentielle commence, auscultons notre société depuis ses marges. Ce sont toujours les ombres que nous expulsons hors de notre champ de vision qui disent le mieux ce que nous sommes. Dans nos rues et sur nos places, relégués dans de sinistres bidonvilles ou squattant des cabines téléphoniques hors d'âge, des milliers de miroirs nous renvoient une image si laide de nous-mêmes que nous refusons de les voir, préférant zapper leur existence, voire les blâmer pour leur dénuement. (...)
L'une des explications les plus simples et pourtant les plus justes des déboires actuels de nos démocraties (...) est à chercher dans la colonisation de l'esprit public par l'individualisme privé, un effacement des principes civiques qui conduit à l'atomisation sociale, à la mise à distance de l'autre, à la peur de ce qui n'est pas soi, à l'érection de murs et donc à la dislocation de l'espace républicain. Si l'on veut lutter contre la tentation autoritaire qui grandit, donnons un débouché politique aux milliers d'initiatives altruistes qui fleurissent dans nos pays, imposons la question des marges au centre des campagnes électorales (...) Le refus de s'habituer au dénuement des sans-rien qui errent parmi nous, voilà la véritable 'fermeté républicaine'. La chasse aux pauvres n'efface pas la misère, elle creuse notre tombe."

J'en connais un qui ne parlerait pas autrement : c'est le pape.
J'en connais d'autres qui feraient bien de lire ces lignes, si j'en crois les nouvelles de ces jours-ci concernant certains comportements d'élus locaux en Wallonie. Oh! Pas seulement de les lire, mais d'en tirer les conséquences...
On a le droit d'être riche et de s'enrichir, évidemment. Mais l'éthique première (je ne parle pas ici de foi chrétienne, mais d'une éthique basique, hors laquelle la vie devient impossible) consiste alors à faire servir cette richesse au bien-être de tous, et en particulier des plus démunis. Si un engagement politique et social conduit à un enrichissement stérile - qui ne sert qu'à soi, donc, ou qui ne sert à rien - alors il est gravement immoral.
"Bienheureux les pauvres, malheureux les riches" (Lc 6, 20. 24)!

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