samedi 6 mai 2017

Laïcité, neutralité

Je suis très attaché à la laïcité de l'Etat. Je la vois comme une conquête des "Lumières" philosophiques du XVIIIème siècle, et la garantie d'une pluralité possible d'opinions, de convictions, de religions, à l'intérieur d'une même communauté de citoyens. Mais la laïcité, telle que je la décris ici, suppose pour tous la possibilité de s'exprimer, de se dire : étymologiquement, elle renvoie au grec laos, qui signifie "peuple". Et j'aime cette étymologie, même si elle peut quelquefois être détournée en "populisme".  Dans une démocratie telle que je l'apprécie, le peuple doit s'exprimer, non seulement par le suffrage universel, mais aussi par les associations, les mouvements, les syndicats, et ainsi de suite. A mon sens, il n'y aura jamais assez d'expression populaire...
C'est pourquoi, de ce point de vue, la ¨"neutralité" ne recoupe pas la "laïcité". La première - toujours pour faire dans l'étymologie - renvoie au latin neuter : "ni l'un ni l'autre". C'est-à-dire, finalement... personne! Que personne ne s'exprime. On sait où cela conduit : certains s'expriment quand même, et cette expression devient la norme intangible. La neutralité ainsi comprise peut conduire à faire taire tout le monde...
En revanche, la laïcité donne à chacun le droit de s'exprimer.
Dans le domaine religieux, cette distinction est grandement opératoire. La laïcité permet à tout le monde de vivre et de dire ses convictions, dans le respect des convictions d'autrui. La neutralité, elle, interdit à tout le monde de parler, que ce langage soit verbal ou simplement un langage de signes... Or un signe n'est signifiant que pris dans un ensemble : c'est ce qui différencie, par exemple, le port de la burka musulmane de celui de la kippa juive. Dans le premier cas il s'agit souvent - et pas toujours, du reste - d'un signe concordant avec beaucoup d'autres, et alors en effet insupportable non seulement chez nous mais partout, d'une soumission de la femme à l'homme. Dans le second, il s'agit simplement d'un signe d'appartenance à une religion, certes fière d'elle, mais longtemps méprisée, persécutée, et qui, à juste titre, revendique simplement d'être ce qu'elle est sans vouloir aucunement mépriser quiconque ou s'imposer à tous. Cela n'a rien à voir. Qu'au nom de la "neutralité" de l'Etat, on interdise les deux d'un même mouvement - je ne rêve pas, c'est ou c'était récemment le discours de Madame Le Pen - relève d'un manque épouvantable de discernement et d'intelligence.
Nous n'arriverons à rien tant qu'il n'y aura pas, dans nos pays, un grand débat entre l'Etat et les religions pour honorer la laïcité. Mais pas cette indigence de l'esprit qu'on nomme "neutralité".

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