vendredi 26 mai 2017

Leçons de vie de Mgr Stroskans

Pourquoi faut-il qu'en cette chaude soirée de mai je me souvienne, comme une fulgurance, de Mgr Bolislas Stroskans? Cet évêque d'origine lettone, je l'ai connu dans la seconde partie des années 1970, alors que jeune étudiant à Leuven je fréquentais l'Abbaye du Mont-César, où il résidait et achevait sa douloureuse existence. Douloureuse : persécuté et déporté dans les geôles et les camps soviétiques d'abord, puis nazis, il avait été torturé pour sa foi sans jamais cesser de protester et de revendiquer la liberté de croire. Il est mort au début des années 1980, et sa cause de béatification est engagée par le Diocèse de Malines-Bruxelles.
Si je pense à lui, sans doute, c'est que je viens de lire des choses inquiétantes sur la liberté religieuse, sur la liberté de dire et de professer ce que l'on croit, y compris dans nos pays nord-occidentaux. Evidemment, nous ne sommes pas en Lettonie ou en URSS ou en Allemagne dans la première moitié du XXème siècle! Mais certains raisonnements me consternent, ceux qui voudraient voir disparaître la religion de l'espace public. Cela n'est pas la démocratie, cela, c'est l'idéologie qui a prévalu dans les pays et les époques pré-cités, avec les conséquences que l'on sait.
La démocratie consiste à laisser chacun s'exprimer, sans jamais vouloir imposer son point de vue. La démocratie est riche des débats - et chez nous, mon Dieu, comme ils sont rares! -, débats académiques, politiques, littéraires, culturels, dans lesquels les opinions devraient pouvoir s'affronter avec élégance, se dire et être écoutées dans le respect mutuel. Nous sommes encore fort éloignés de ce Paradis, de cet Eden rêvé par Platon...
On vit dans des castes, des a priori, des rejets systématiques de l'autre.
Certains aimeraient couper la tête de tout ce qui ne leur ressemble pas, et qu'ils traitent de "passéiste", de "ringard", de "sous-évolué".
Des exemples? Prenons-en trois :
- l'avortement. Question délicate. Tout le monde aujourd'hui devrait dire et répéter, si l'on suit la doxa médiatique,  que c'est, sans plus et sans réserve, un droit absolu des femmes. Or, évidemment les femmes sont les premières concernées, et donc il faut des législations qui respecte leurs droits. Mais la vie humaine l'est aussi (je ne parle pas de "personne humaine", etc., cela, ce sont des concepts philosophiques toujours discutables.) Et le point de vue qui pose la question de la vie humaine, et de son respect, est un point de vue qu'il faut aussi entendre, en débat avec le reste.
- l'euthanasie. Pareil. Evidemment, certaines situations de fin de vie, notamment parce que les techniques et les soins médicaux qui prolongent la vie ont évolué, méritent d'être aménagées légalement - et il est normal que les Parlementaires s'emparent de la question. Mais, comme pour le point précédent, il s'agit toujours de supprimer une vie humaine, et ce n'est pas rien, et cela peut conduire à une banalisation dangereuse. Il faut entendre cette crainte.
- le mariage "pour tous". Evidemment (enfin, c'est une évidence à mes yeux depuis très longtemps, et qui finira naturellement par rallier tout le monde, après un combat "gay" difficile et douloureux dont j'admire toujours le courage), tout le monde a le droit de se marier, que ces personnes soient hétéro, homo, bi ou trans. Cela me semble donc une évidence, même si nous ne parlons pas ici de mariage sacramentel qui, en principe (!) suppose la foi chrétienne et une volonté de progresser dans la vie avec le Christ. Or, chez les chrétiens, la différence sexuelle reste une différence pertinente, notamment du point de vue sacramentel, et il me semble que c'est aussi une chose que l'on peut entendre. Est-ce que la différence de "genre" - qui n'est jamais qu'une construction idéologique à côté d'autres, y compris à côté de la différence sexuelle - doit désormais s'imposer comme un dogme nouveau? Là encore, quand on ose émettre une objection, on est renvoyé dans la ringardise.

Et merde! Il faudra bien que  notre société démocratique accepte la pluralité des points de vue, et des discussions franches, ouvertes, et donc discordantes, sur les sujets qui fâchent. C'est un signe de bonne santé. Je rattache à cela l'éviction progressive et déterminée des cours de religion dans l'enseignement officiel,  chez nous : un appauvrissement, de tout évidence, mais que certains veulent programmer comme un gage de "neutralité". Personnellement, pour moi, "neutralité" - qui n'a rien à voir avec "laïcité", comme je l'ai dit déjà dans un post précédent - rime avec "stérilité". Interdire aux opinions (y compris religieuses) de s'exprimer, c'est appauvrir en effet la démocratie, et certainement pas lui donner des chances d'épanouir l'humanité.
Dans la première moitié du XXème siècle, pour un principe ou pour son contraire, dans les deux cas pour de l'idéologie,  certains Etats ont programmé cet appauvrissement. Et on sait ce que cela a produit...

Mgr Stroskans, voilà sans doute pourquoi je pense à vous ce soir, à vous, évêque martyr et oublié, mais témoin d'une vérité qui veut se dire malgré les idéologies dominantes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire