vendredi 23 juin 2017

Nos enfers : Kasaï, Lesbos, etc...

"Une fois de plus, le haut-commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme, le prince jordanien Zeid Raad al-Hussein, n'aura pas été entendu sur son appel à des investigations internationales en République démocratique du Congo. Pourtant, l'homme n'a pas ménagé sa peine, n'hésitant pas à envoyer la semaine dernière ses experts pour aller recueillir les témoignages de ceux qui ont fui la barbarie du Kasaï. Le rôle du gouvernement a été clairement pointé du doigt. Mais Kinshasa, qui avait menacé lundi de ne pas accorder l'accès à son territoire aux membres d'une mission d'enquête indépendante d'un an, a obtenu gain de cause. Un revers de taille pour le Comité des droits de l'homme des Nations Unies déjà très décrié pour sa passivité par l'administration américaine. La Maison-Blanche avait fait de ce cas une ligne rouge que le Comité a franchie en ne parvenant pas à se mettre d'accord sur un dossier aussi évident. La survie de ce Comité est clairement remise en cause. Sa crédibilité, elle, est déjà enterrée." ( LLB, ce 23 juin, p. 20) Voilà comment un article d'aujourd'hui, dans "La Libre", rapporte à la fois la situation plus que préoccupante du Kasaï, au Congo, et l'échec des négociations internationales qui ont tenté de mettre bon ordre à cette honte. Ici, à Enghien, nous sommes d'autant plus inquiets de ces revers diplomatiques que notre Vicaire, aimé de tous, l'abbé Honoré, est précisément originaire du Kasaï, et qu'il y a sa famille - entre autres sa maman, une famille aujourd'hui menacée. Honoré ne pourra pas retourner cette année visiter les siens, comme il a l'habitude de le faire, parce que le risque serait trop grand pour sa survie même. Nous ne nous rendons pas compte, en Belgique, des catastrophes du monde, et de façon souvent cynique, nous donnons l'impression de nous en balancer - "Qu'est-ce que j'y peux?" Beaucoup - même parmi les femmes et hommes publics  - ne semblent pas voir que la politique internationale est liée à la politique nationale, voire régionale. Alors, pendant que tant de gens crèvent sous les représailles d'une dictature congolaise, malgré les objurgations des évêques de ce pays et du pape lui-même, nous nous échauffons, nous, pour une recomposition du paysage politique régional wallon et bruxellois, recomposition qui ne semble guère mettre à son programme, précisément, les enjeux internationaux. Accablés déjà par la chaleur de ce début d'été, nous le sommes davantage encore par ces intrigues partisanes et, somme toute, égoïstement aveugles.


Autre sujet, autre drame : Lesbos, l'île grecque du Dodécanèse, Lesbos et les conditions de vie innommables de ses réfugiés, encagés dans des tentes glacées en hiver et cloaques immondes sous la chaleur d'aujourd'hui. La "Libre", encore elle, et dans des pages voisines de l'article précédemment cité, titre, de façon explicite : "Aux portes de l'Europe, c'est l'enfer pour les migrants!" Et sous-titre : "A Lesbos, au cœur du Guantanamo grec avec les migrants dont l'Europe ne veut pas." (p.16-17) On frémit : c'est la conscience morale des hommes et des femmes - dont combien de chrétiens? - qui est fermée. Obtuse. Incapable d'entendre l'appel des autres. C'est pourtant un critère bien concret du salut, d'après ce qu'en dit Jésus dans l'épisode du Jugement Dernier (Mt 25) : "J'étais un étranger, et vous m'avez accueilli..." Europe, nous frémissons pour votre salut, vous aurez peut-être sauvé des emplois et de fragiles bien-être, mais vous aurez précipité en enfer ceux que vous pensiez sauver en même temps que ceux auxquels vous refusiez d'ouvrir la porte. Honte à vous!


Enfin, qui sait, une réunion se tient du Sommet européen, aujourd'hui et demain, à Bruxelles : à part bloquer la circulation automobile, comme à chaque fois, cela va-t-il permettre de faire peu à peu, au moins peu à peu, évoluer les choses dans un sens non seulement évangélique, mais simplement humain? Il est grand temps que nos politiques, dont j'estime tout le mérite et la difficulté du travail, et pour lesquels je prie chaque jour, longuement et de tout mon cœur, songent à nous sortir de nos enfers, des enfers dans lesquels nous nous enfermons nous-mêmes en y précipitant les autres.

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