vendredi 15 décembre 2017

La mort de Louis XVI

Je vais avoir l'air (et peut-être la chanson entière...) complètement décalé. Mais... Dans un peu plus d'un mois, on commémorera la mort de Louis XVI, qui fut exécuté sur la Place de la Révolution, (devenue aujourd'hui Place de la Concorde) à Paris le 21 janvier 1793, vers 10h20 du matin (il y aura donc bientôt 225 ans), par décapitation à la guillotine. Vous me direz : qu'est-ce que nous en avons à faire?
Eh bien, eh bien, plus sans doute qu'on ne le pense spontanément.
Passons sur les aspects fâcheux de la chose, d'abord pour Louis XVI lui-même, ensuite pour la toute jeune Première République Française, qui ne fit pas montre en cette occurrence d'un très grand sens de la justice. Le procès fut bâclé, uniquement à charge (l'ancien Roi avait de piètres avocats), l'issue connue d'avance, les accusations infondées, etc. C'est peut-être paradoxalement Saint-Just, le plus ardent partisan de la peine de mort, qui avança les arguments véritables : "Tout Roi, dit-il en substance devant la Convention chargée de juger Louis XVI, est un tyran, en ce qu'il confisque la souveraineté populaire. Etre Roi, ou l'avoir été, ne peut mériter que la mort." Ce jeune homme de vingt-cinq ans, blondinet et beau à souhait, "l'archange de la Révolution", avait de l'emphase...
Le Roi Louis XVI ne fut donc pas condamné à mort pour des erreurs de tactique, ou de gouvernement, ou pour s'être mal comporté pendant la longue période révolutionnaire qui court, globalement, de 1789 à sa déchéance - tous arguments infondés - , mais il le fut parce que le principe même de la souveraineté personnalisée en un monarque de droit divin n'était plus admissible.
La "Nation" s'y était substituée.
Et donc, le précédent système, et son incarnation, devaient périr.
Louis avait été toute sa vie ce que l'on peut appeler "un brave homme". Sans doute le meilleur des Rois de France depuis longtemps, bien meilleur que son grand-père Louis XV, et beaucoup moins arbitraire que son aïeul Louis XIV. Certains même diront : "trop bon"...  Il a payé pour les autres, pour l'autre système, devenu imbuvable.
Et le "massacre" fut, en ce jour ténébreux, rempli de brouillard et d'un peu de neige, en ce sinistre petit matin du 21 janvier 1793, le rituel contrarié du "sacre" : le Roi déchu fut  conduit lentement en voiture par les rues de Paris depuis sa prison du Temple,  au milieu d'une double ou triple haie de Gardes Nationaux, au son assommant des tambours, jusqu'à l'échafaud, pendant près de deux heures. Et décapité, lui dont la tête avait été ointe du Saint- Chrème, le corps revêtu de la dalmatique des sous-diacres, à Reims, en 1775, le chef ceint de la Couronne et qui ainsi devait incarner l'idée même de "Nation" - l'autre Corps du Roi, intercesseur entre Dieu et le Peuple.
Après l'Empire, la Restauration n'y pouvant rien, l'idée même de monarchie restera rompue - les deux règnes de ses frères, Louis XVIII et, le plus entêté des deux, sans aucun doute, Charles X, qui aura même tenté de renouer avec le sacre de Reims, seront de ce point de vue inutiles.
Et voilà qui nous importe : on a vraiment changé de Régime, quels que soient les mérites de ceux qui incarnèrent - et incarnent - l'Ancien et le Nouveau. La députation du Peuple constitue le Corps véritable de la Nation, car l'autre Corps a été décapité. Et, au fond, même quand il y en a encore, il n'y a plus de Roi, au sens de ce qu'on appelle à juste titre "l'Ancien Régime", ancien parce que révolu.
Je me suis souvent dit qu'on n'avait pas pris vraiment la mesure de ces événements. Ni le peuple, ni ses représentants, ni ses gouvernants. Car tout le sacre repose désormais sur la députation du Peuple souverain. C'est remarquablement démocratique. C'est aussi terriblement fragile : la mort de Louis XVI inaugure en France les années horribles de la "Terreur" révolutionnaire, cette volonté puritaine et démagogique de couper (physiquement) la tête à tout ce qui ne serait pas sans cesse dans le mouvement "révolutionnaire" - contre tout pouvoir installé : les rues de Paris suaient et puaient le sang, et la guillotine finit par décapiter les gens de la Terreur eux-mêmes et en premier Robespierre "l'incorruptible".  Un certain Bonaparte, un général - comme toujours, c'est l'armée qui ramasse la mise sous le prétexte de "rétablir l'ordre" - profita du chaos : "La couronne traînait dans le caniveau, je l'ai ramassée..." Puis ce fut l'Empire - et, sans complexe,  un nouveau sacre pour ce fils de la Révolution, mais pas à Reims, il n'aurait pas osé! Quand même à Paris, à Notre-Dame, et en présence du pape de l'époque, Pie VII, qui y fut humilié on sait comment! - Puis, en 1815, à Waterloo, la fin de l'Empire. Puis la Restauration, et le retour des frères de Louis XVI, Louis XVIII (Louis XVII, le pauvre petit garçon du Roi déchu, avait été privé de tout à la Prison du Temple et on l'avait laissé mourir dans sa crasse - il avait sept ans, ce n'est pas à la gloire de la Première République), et Charles X. Et le retour du cousin, ensuite, Louis-Philippe, le grand-père de "nos" rois des Belges...
Pourquoi se ressouvenir de tout cela, ce soir?
Parce que vous aurez fait vous-mêmes les parallèles. Si l'Histoire ne se répète pas, elle bégaie... La souveraineté véritable est aux représentants élus du Peuple. C'est une chance inouïe. Ils sont aujourd'hui le Corps véritable de la Nation. C'est une responsabilité incroyable, non plus sacrale, mais révocable par les élections. Inviolables durant leur mandat, comme le Roi le fut, mais fragiles comme il le devint. Le "Nouveau Régime" est même plus fragile que "l'Ancien" : car il est supporté par des majorités  chez nous relatives, soumis aux pressions populaires et quelquefois démagogiques. Il faut du courage, beaucoup de courage et d'abnégation, pour assumer la souveraineté populaire. Je sais que beaucoup n'en manquent pas, et j'admire ceux et celles qui "y vont", soucieux de faire valoir le bien commun.
Ils risquent leur tête, eux aussi - de la même manière que Louis XVI. Non pas sur la guillotine, évidemment - nous répugnons heureusement à faire couler le sang. Mais, par exemple, dans les médias ou les diatribes populistes. Ce n'est pas toujours mieux...
Eh bien le 21 janvier prochain, jour anniversaire de la mort de Louis XVI, qui pardonna à ses bourreaux en montant à l'échafaud et pria pour que "son sang ne retombât point sur les Français", je prierai pour nos responsables politiques, pour que le courage ne leur manque pas. Car œuvrer pour le bien commun, sous quelque Régime que ce soit, c'est quand même toujours "donner sa vie"...

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