mardi 30 janvier 2018

Le départ d'Alain

L'un de mes nombreux cousins s'est endormi ce matin doucement dans la paix de Dieu, au CHU de Lille, âgé seulement de 67 ans - depuis longtemps, il souffrait d'une maladie qui handicapait ses poumons et que la médecine ne guérit pas. Alain  avait été séminariste - et puis ma cousine était passée par là, et c'est le mariage qui avait fait son bonheur, le bonheur d'être époux, père et grand-père. Mais il avait gardé un sens très vif du service de l'Eglise, et avait été accepté, voici bien longtemps déjà, dans l'Ordre des diacres. Ainsi, après une vie professionnelle dédiée à l'enseignement, il avait en outre accompagné de nombreux jeunes dans la préparation de leur mariage, de nombreuses familles dans la traversée du deuil, comme de nombreuses personnes âgées ou malades, et cela  tant qu'il a pu. On célébrera la vie et la mort, le départ vers le Père, de ce grand homme jovial, barbu, réjoui, vrai gars du Nord tout en connivence et en simplicité, véritable homme de Dieu, ce samedi, dans le Nord de la France où il habitait.
Nous étions proches, peut-être parce que lui et moi, dans notre famille, avions d'une façon plus particulière souhaité servir l'Eglise, mais aussi par des connivences de toutes sortes, de lectures, de préoccupations... Déjà il me manque, comme toujours quand vient frapper au cœur la nouvelle d'un départ attendu, soulageant même à certains égards, mais néanmoins trop brusque. Il me manque et pourtant je le sais "entré dans la joie de son Maître", comme dit Jésus du bon serviteur qui a rempli son office simplement, humblement, au quotidien, sans faire de grandes théories, en aimant ceux et celles qu'il a croisés. Je pense à sa femme, à ses enfants, à ses petits-enfants, à ses proches. Je prie pour eux, même si lui, déjà, nous a précédés dans cette intercession...

samedi 20 janvier 2018

"La loi civile prime sur toute loi religieuse." Vraiment?

Le Centre Jean Gol et ses responsables voudraient, semble-t-il, faire voter une réforme constitutionnelle qui, en préambule de cette "charte", établirait la primauté de la loi civile sur la loi religieuse. On comprend l'intention, qui est bonne. On veut ici dénoncer le moyen, qui est mauvais.
Pourquoi mauvais?
Parce que ce n'est pas toujours vrai, que "la loi civile prime sur la loi religieuse". Parce que la loi civile, même votée à la majorité dans un pays démocratique, peut être contraire au bien, au bien individuel ou au bien commun, et que ce n'est pas la tâche des politiques de dire ce qu'est le bien, mais seulement de faire régner le droit et la justice - ce n'est pas (toujours) la même chose.
Je voudrais rappeler au Centre Jean Gol la tragédie grecque de Sophocle, Antigone : la petite fille, fidèle à sa conscience, s'insurge contre les lois de la cité promulguées par son oncle, parce qu'elles lui semblent contraires aux "lois non écrites" (agrapta, dit-elle en grec), plus importantes que toutes les autres, et qui fondent l'humanité même de l'homme. De celles-là, les religions - entre autres - sont les gardiennes, quelquefois il est vrai fourvoyées, et elles ne sauraient se soumettre à ce qui ne peut rester que des règlements provisoires, dus à des majorités souvent de circonstance.
La vraie démocratie s'inquiète aussi des agrapta...

dimanche 14 janvier 2018

Trump, démocratie, démagogie

J'ai été comme beaucoup scandalisé par les propos récents et racistes du Président des Etats-Unis. Mais par delà l'indignation, et sans être du tout "politologue", il ne me semble pas que ces propos, pas plus du reste que d'autres, antérieurs et de la même veine, du même homme, ne soient  des dérapages. Ils sont, hélas, voulus, choisis, calculés. Le Président des Etats-Unis met en scène le programme... pour lequel il a été élu par une majorité de citoyens américains, et selon les règles communément admises de la démocratie dans ce grand pays. L'idée? "Les USA sont un pays riche, puissant, qui peut très bien se passer du reste du monde, qui n'est pas obligé d'accueillir chez lui la misère des autres pays, qui se fiche des traités internationaux sur le climat ou la vente des armes, qui peut imposer sa loi partout comme il veut et quand il veut, etc." Discours populiste, qui plaît - ou en tous les cas qui a plu - à une majorité de personnes. Discours partiellement vrai du reste : les USA sont riches et puissants, et c'est souvent vers eux que l'on se tourne pour demander de l'aide, plutôt que le contraire. Discours que l'on entend ailleurs, par exemple chez nous, à une échelle évidemment plus petite mais dans des formes relativement semblables : remplacez "USA" par "Flandre" et "monde" par "Belgique", et vous aurez à peu près la teneur de certains propos prononcés très près d'ici...
De ceci, nous devons, je crois, tirer une leçon au moins éthique : la démocratie ne consiste pas simplement en une addition de votes pour parvenir à une majorité de suffrages. Elle comporte nécessairement la recherche du bien commun, c'est-à-dire non seulement d'un bien national ou identitaire, mais d'un bien universel - du reste, le vrai bien est toujours universel, sinon ce n'est pas un vrai bien. Le relativisme éthique ("ce qui est bon pour moi peut ne pas l'être pour toi, et inversement") conduit le monde à sa perte.
Mardi prochain, à Hennuyères, lors d'une conférence qui m'a été demandée, je parlerai de cela : le "bien" et le "mal" existent-ils encore? Mais...  nous devons vouloir cette existence, parce que sinon la vie, en ce compris la vie publique, deviendrait mortifère!

vendredi 12 janvier 2018

Injonctions paradoxales...

Un jour, il faudra qu'on m'explique. Qu'on m'explique comment on peut, dans notre société, vivre normalement en étant chaque jour accablé d'injonctions paradoxales.
Prenons la plus actuelle : le salon de l'auto. Il vient d'ouvrir ses portes. Et la télévision, et les journaux, de nous vanter les diverses possibilités  d'acquisition du nouveau modèle qui fera frémir d'envie vos amis et vos voisins, quitte à vous endetter pour plusieurs années. Et l'on dit : quand l'automobile va, tout va! L'économie tourne! Vous connaissez la chanson... Mais en même temps, et de façon récurrente, on nous dit aussi : Surtout, ne roulez plus en voiture! Nos villes sont engorgées, la pollution n'a jamais été aussi grave! Prenez les transports en commun! Au pire, faites du co-voiturage! Etc... Vous connaissez cette autre chanson, aux accents parfaitement contradictoires avec la première.
C'est cela, une injonction paradoxale : matraquer les gens d'ordres contraires, et alors ils deviennent fous, cette folie commençant par une culpabilisation outrancière. Car enfin, dans l'hypothèse où je veuille acheter une nouvelle voiture, ce n'est pas dans l'intention de la laisser au garage, tout de même! Qu'est-ce que c'est que cette société qui me dit (qui m'intime...) : achetez une voiture, c'est bon pour l'économie, et vous ferez tourner le commerce, mais surtout ne roulez pas avec, et ainsi vous protégerez l'environnement???
Ce n'est pas la seule injonction paradoxale, nous en subissons plein d'autres : mangez sainement, mais ne mangez plus rien, par exemple, également très jolie. Mangez sainement, mais... pas de sucre, pas de sel, pas de viande, pas de poisson, pas de pain, pas de vin, pas d'alcool, pas d'eau gazeuse, pas de café, etc. Vous connaissez aussi la chanson, non? Mais, pardon, pour manger sainement... il faut d'abord manger quelque chose! (Par parenthèse, l'Eglise catholique, qu'on accuse régulièrement d'avoir été une épouvantable marâtre castratrice, donneuse de leçons, moralisatrice, empêcheuse de jouir en rond, etc., n'a jamais, vraiment jamais, édicté de pareils préceptes alimentaires, se contentant de recommander le jeûne et quelquefois l'abstinence de viande aux seuls jours du mercredi des cendres et du vendredi saint. Et encore : pour les moins de 65 ans!)
Vous trouverez vous-mêmes, j'en suis sûr, d'autres exemples amusants de ces injonctions paradoxales qui finiraient, si on ne les dénonçait pas, par nous rendre... timbrés!

La honte...

Dans la dernière livraison de l'hebdomadaire français "L'Obs" (n° 2775 du 11 au 17 janvier 2018), un long dossier sur la façon dont nos pays européens traitent la question des migrants. Plusieurs interventions remarquables, par exemple celle du Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio, dont voici quelques lignes : "On parle de budget, de limites dans le partage. Sans doute, mais où est le partage quand un pays extrêmement prospère, qui bénéficie d'une avance remarquable dans toutes les techniques, d'un climat modéré, d'une paix sociale admirable, refuse de sacrifier un peu de son pactole pour permettre à ceux qui en ont besoin de se ressourcer, de reprendre leurs forces, de préparer un avenir à leurs enfants, de panser leurs plaies, de retrouver l'espoir?" (p.24), Ou le bel entretien donné par Mgr Pontier, Président de la Conférence des évêques de France : "Le devoir d'humanité doit être plus fort que nos appréhensions." (p.29) Et malheureusement, cette double page d'un reportage signé Sara Daniel : "La Belgique, pays des rafles." (pp.34-35) Les récits de migrants du Parc Maximilien, recueillis par cette excellente journaliste, sont à frémir - à l'image du titre, qui évoque de bien mauvais souvenirs.
Honte donc, sur nos pays, sur notre pays, sur mon pays.
Il y a là vraiment quelque chose qui ne va pas, qui ne peut pas durer : c'est une mentalité qui doit changer, si nous ne voulons pas tourner le dos à une certaine idée de la dignité humaine, et aux conséquences que cela entraîne en termes à la fois politiques et sociaux. Ce 14 janvier, c'est la 104ème Journée Mondiale du migrant et du réfugié : nouvelle occasion, espérons-le, d'une prise de conscience individuelle et collective!